Une désolation
- Par hervegautier
- Le 24/06/2024
- Dans Yasmina Reza
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Une désolation - Yasmina Reza - Albin Michel
Ce livre est catégorisé « Roman » et je ne suis pas bien sûr que cela en soit un dans la mesure où il me semble bien éloigné de la fiction, bien coller à la réalité.
Un homme malade, au pas de la mort , s’adresse à son fils absent dans une sorte de plaidoyer pour déplorer le chemin qu’il a pris dans son existence , celui d’être « peinard », de ne rien chercher à bâtir ni à faire évoluer les choses. C’est d’une simplicité banale qui met en lumière la différence de génération, l’évolution des choses et des aspirations des jeunes et il ne sert à rien de regretter le temps où les enfants obéissaient à leur père jusque dans le choix de leur métier, de leur épouse et de leur mode de vie. Il ne veut pas l’avouer mais je suis sûr qu’il envie sa jeunesse et sa découverte d’un bonheur qui lui a échappé. Pendant qu’il y est, il porte un regard aigu sur la société qui l’entoure et qui a été son décor toute sa vie. Il fait un bilan bien pessimiste de son propre parcours, social, sentimental, professionnel, familial, ce n’est guère brillant et même plutôt déprimant. Même une liaison illusoire avec une femme longtemps désirée ne fut pas pour lui le symbole du bonheur. Il eut le sentiment d’être avec elle un étranger, seulement capable de meubler momentanément le vide amoureux de sa vie, sans être capable d’être pour elle autre chose qu’un amant de passage, sans la moindre trace de passion. Avoir vécu tant d’années pour en arriver là. L’aveu de cette faillite lui coûte mais il le fait. Même pas l’illusion de la réussite face à la mort inévitable, le constat est accablant. On le sent revenu de tout, désabusé, aigri, solitaire, accablé devant tant d’échecs qu’il avait sans doute voulu éviter mais qui se sont imposés à lui sans qu’il y puisse rien, comme une sorte de destiné funeste. Il peut toujours se dire qu’il a parfois failli dans l’éducation qu’il a donnée à son fils si différent de lui, cette culpabilisation judéo-chrétienne est inévitable et bien inutile dans notre société. On le sent résigné devant tant de souffrance et devant la mort. Il lui reste le dérisoire, son jardin par exemple et il le soigne avec attention et inutilité, s’attache à des détails comme s’ils avaient une importance capitale. Finalement, face à ce fiasco, la mort semble être une délivrance.
J’ai lu cela comme une sorte de testament de cet homme qui va bientôt quitter la vie et qui se justifie face à ses proches, une forme humaine du « jugement dernier » implacable et sans appel que nous promet le catholicisme, une façon d’être en règle avec sois-même au moment du grand départ.
Récit sans chapitres, presque sans réelle respiration, un peu comme si notre auteure voulait tout dire tout de suite, le style est percutant et la lecture facile.
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