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la feuille volante

Guillaume MUSSO

  • Que serais-je sans toi ?

     

    N°847 – Décembre 2014.

     

    Que serais-je sans toi ? Guillaume Musso-XO édtions.

     

    Tout d'abord ce titre m'évoque un vers d'Aragon popularisé par la voix chaude de Jean Ferrat. L'auteur s'adresse à une femme pour lui dire tout son amour. Là aussi, il sera question d'une femme, une américaine, Gabrielle, 30 ans qui vit à San Francisco. C'est aussi un roman d'amour puisqu'elle aime deux hommes, son père d'abord, Archibald Mc Lean qui fait profession de voler des tableaux de maîtres et Martin Beaumont, un jeune ex-capitaine de police qui a été, dans une autre vie, son premier amour de jeunesse. On l'aura compris d'emblée le premier sera l'objet de la part du second d'une traque constante.

    L'auteur balade son lecteur dans la vie respective de chacun des protagonistes et ce jusque dans les moindres détails pour montrer combien chacun d'eux est lié à l'autre, Martin, ex-flic malin mais marginal et spécialiste de la peinture qui a connu et aimé Gabrielle au moment de sa jeunesse, Archibald, sorte d'Arsène Lupin flamboyant mais solitaire. Quant à Gabrielle, elle fait l'objet, malgré son âge de toutes les attentions de la part de cet homme qui se révèle être son père, mais pas seulement puisqu'elle fait aussi d'autres rencontres inattendues. Elle reste le personnage central de ce roman, une sorte d'être à la fois modérateur et amplificateur suivant la façon qu'on a de lire ce texte. Elle est aussi le catalyseur de l'amour intact que lui porte Martin, et ce malgré treize années de séparation et l'objet de toutes les attentions d'Archibald, d'autant plus qu'il ressent à son endroit de la culpabilité et la nécessité de rattraper le temps perdu si cela peut encore se faire parce que la maladie le guette.

     

    Ce drame qui se veut cornélien a des accents de déjà vu et n'est guère original. Pourtant l'auteur avoue avoir voulu écrire un roman optimiste même s'il met en évidence la lutte que se livrent ceux qui, au contraire devraient s'aimer. Certes il nous fait partager sa passion pour la peinture, celle des Impressionnistes comme celle de Picasso ou de Soulanges, nous entraîne de la France aux États-Unis. Tout cela ne pouvait, à titre personnel, que retenir mon attention, Paris et de San Francisco étant deux villes qui, dans mon univers personnel, sont emblématiques. La troisième partie, en revanche, m'a laissé un peu dubitatif puisqu'elle se déroule dans un lieu énigmatique, sorte de zone de transit d'un aéroport où la vie et la mort se conjuguent. Ce n'est pas parce que nous sommes dans une fiction que l'histoire doit devenir invraisemblable. Cet épilogue m'a en effet paru à la fois surréaliste, irréel et chargé de moins d'intérêt que le reste, c'est une dissertation un peu usée entre Éros et Thanatos avec, évidemment des aphorismes surannés sur l'amour. Quant au happy-end qui conclut ce roman, cela me paraît un peu superficiel. C'est malheureusement sur cette dernière impression que se referme le livre.

    C'est un thriller qui veut ménager le suspens jusqu'à la fin, avec de multiples rebondissements puisque cette dernière rencontre entre Martin et Archibald a pour enjeu le vol par ce dernier de « La clé du Paradis », un diamant célèbre par son prix et par sa taille mais qui pourrait bien porter malheur à qui le possède. Ce sera le couronnement de la carrière d'Archibald et bien entendu Martin se lance à sa poursuite puisque sa vie a été vouée à cette traque, restée vaine à ce jour. Bien entendu ce combat entre les deux hommes se déroule sous les yeux de Gabrielle, entre espoir d'avenir, exorcisme du passé et trahison.

    Ce roman est écrit comme un polar, pas vraiment poétique mais agréable et facile à lire cependant. Cela doit tenir à moi, et je le regrette, mais ce roman est le deuxième que je lis de Guillaume Musso. Je n'arrive cependant pas à entrer complètement dans son univers créatif et je lis ses œuvres davantage pour m'en faire une idée et pouvoir en parler car c'est un auteur à succès, que par véritable plaisir.

    ©Hervé GAUTIER – Décembre 2014 - http://hervegautier.e-monsite.com

  • DEMAIN

    N°766 – Juillet 2014.

     

    DEMAIN – Guillaume Musso- XO Éditions.

     

    Par hasard, à la période de Noël, Matthew achète d'occasion un ordinateur qui a appartenu à Emma et qui bizarrement contient encore ses références informatiques. Par cet intermédiaire ils correspondent mais ils ne se rencontrent pas au rendez-vous qu'ils se donnent. Même les courriels que Matthew lui envoie de son smartphone ne lui parviennent pas. Évidemment, elle vit en décembre 2010 et lui en décembre 2011, soit un décalage d’exactement une année... et elle est morte !

     

    C'est que Matthew, jeune et séduisant professeur à Boston a, un an plus tôt , dans un banal accident de la circulation perdu la femme de sa vie qu'il adorait, Kate, et se remet difficilement de cette disparition. Il élève seul et comme il peut sa fille de quatre ans Emily. Avec cette histoire d'ordinateur et la certitude qu'Emma, une sommelière d'un grand restaurant new-yorkais, et lui sont « égarés dans les couloirs du temps », Matthew conçoit cette idée un peu folle de demander à cette jeune femme d'éviter l'accident qui a coûté la vie à Kate. En réalité il va lui envoyer des messages du futur. C'est ainsi une manière de réaliser un fantasme humain, celui de remonter le temps et ainsi de corriger ses propres erreurs et celles de la vie ! Pour cela il lui propose de l'argent en lui communiquant par exemple les numéros gagnants de la loterie puisqu'ils vivent tous les deux dans espaces temporels différents... Mais ce qu'elle veut, après de longues errances amoureuses, c'est un mari, une famille, c’est à dire quelque chose qui ne s'achète pas. Elle a évidemment la possibilité d'éviter la mort de Kate mais ne le fera pas puisqu'elle tombe amoureuse de Matthew et voit en lui la solution à tous ses problèmes. Mieux, elle ne répétera pas la énième tentative de suicide qui lui fut fatale et donc vivra avec lui. Sauf que, pour décider Emma, Matthew enlève son chien, son seul compagnon et menace de le tuer, la vie de l'animal contre celle de Kate en quelque sorte ! Mais bien sûr rien ne se passe comme prévu avec son lot de révélations, de remises en cause des certitudes qu'on croyait définitives, de trahisons, de mensonges et pourquoi pas de doute sur la paternité d'Emily... Le mystère s'épaissit autour de Kate qui ne correspond pas vraiment à l’image de l'épouse-modèle qu'elle veut donner d'elle-même et c'est à peine si on est étonné de se retrouver dans une sorte de roman policier avec piratage informatique, écoutes téléphoniques sauvages, filatures, transmissions de données par ordinateur ou par téléphone portable, à moins que ce ne soit une histoire crapuleuse avec versements de fonds, de sommes faramineuses en dollars, d'un assassinat programmé méthodiquement au terme d'un plan perfide exécuté par un tueur à gages ou simplement une histoire d'amour qui, comme toujours, se termine mal.

     

    Dans ce roman digne d'une œuvre de science-fiction, j'avoue que j'ai eu un peu de mal à suivre et à passer d'un personnage à l'autre puisqu'il y avait entre eux un décalage d'une année et que Musso a décidément beaucoup d’imagination. Je retiens surtout l'idée de solitude, de mal-être que cet homme et cette femme partagent chacun dans leur coin. Mais ce sont deux solitudes amoureuses, celle d'Emma qui lui colle à la peau et dont elle voudrait se défaire ; malgré une errance sentimentale de plusieurs années, elle retombe dans les bras de son ancien amant inconstant et manipulateur et cette situation aura raison d'elle. Matthew avait quitté sa première femme pour épouser Kate qu'il ne parvient pas à oublier depuis son décès. Son ombre plane encore sur lui malgré et il vit mal son veuvage, malgré son travail et sa fille. Cette situation surréaliste, dont on peut cependant imaginer une version plus ordinaire, va occasionner des révélations où l'incompréhension le disputent à l'irrationnel. Elle va accentuer cette solitude et même y ajouter de la révolte d'autant plus forte qu'une explication entre eux est désormais impossible. En choisissant Kate, Matthew avait non seulement privilégié l'amour mais aussi la stabilité d'une famille et la sérénité de la vie commune et n'imaginait pas que cela puisse être remis en cause. Il lui faisait tout simplement confiance et ce qui est évoqué ici c'est un problème humain, bien ordinaire et même banal mais qui caractérise notre condition, cette volonté de tout remettre en question pour un peu de plaisir furtif ou simplement pour le frisson de braver l'interdit, pour se dire qu'on ose et qu'on en a bien le droit, qu'on est libre et qu'on appartient à personne, même si, à l'occasion de cette comédie on joue simplement avec la vie des siens. On se dit qu'on ne sera pas pris et on s'enfonce de plus en plus dans l'hypocrisie et le mensonge... C'est bien normal après tout de faire rimer amour avec toujours et on se dit que, pour une femme le mariage, la maternité, la responsabilité d'un foyer ne peuvent que générer la robustesse du couple, que l'instabilité c'est pour les autres et que rien ne peut arriver. Las, il n'en est rien et en réalité tout cela a la résistance d'un château de cartes édifié dans un courant d'air mais ici le scénario se complique un peu avec un grand amour avec un autre homme, une maladie mortelle, un désir fou d'inverser le cours des choses et le projet machiavélique de tuer son mari pour sauver son amant. On prend soudain conscience « que rien n'est acquis à l'homme » comme le dit Aragon et que les faiblesses, les bassesses, les trahisons existent, qu'elles vont à l'encontre des sentiments les plus définitifs, que finalement les masques finissent par tomber. La solitude de Matthew a cette dimension mais elle a aussi celle de la révélation et de la désillusion. C'est sans doute un paradoxe que de vouloir à tout prix passer sa vie avec quelqu'un qu'on aime et dont on croit être aimé et donc de lui faire une confiance aveugle, c'est à dire faire échec à la solitude alors qu'au bout du compte c'est bien elle qui représente la tranquillité d'esprit, la meilleure solution si on ne veut pas être trahi ! Ce roman est , malgré ce contexte un peu farfelu, une étude de caractères qui m'a bien plu.

     

    J'ai déjà dit dans cette chronique que Musso ne retenait pas vraiment mon attention (La Feuille Volante n° 760 à propos de « Central Park » et n°764 de« La fille de papier »)bien que ses romans se lisent facilement comme c'est aussi le cas ici. Est-ce le thème de temps et possibilité de le remonter et ainsi d'abolir les effets du hasard ou de nos propres erreurs, mais je dois dire que, même si c'est complètement invraisemblable, même si comme toujours Musso ne peut s'empêcher d'en rajouter au point d'agacer un peu son lecteur (quand il a trouvé une bonne idée, il la travaille au maximum et ne manque pas d'exploiter tout ce que l'humain a de détestable, entre mensonge, trahison et confiance abusée quitte à s'égarer dans des digressions un peu longues), j'ai été séduit par cette idée et je suis entré dans son jeu, lisant passionnément pour connaître la fin. Mais quand même, je dois dire que j'ai été un peu surpris à la lecture du dernier chapitre. On sort à ce moment là de la longue fiction qui a duré plus de quatre cents pages et dont on se demande si elle a réellement eu lieu, pour retourner aux premiers chapitres de ce roman, on ferme en quelque sorte une parenthèse pour retrouver Emma, son vieil ordinateur et sa rencontre avec Matthew qui se déroule apparemment sous les meilleurs auspices. Est-ce pour elle le commencement d'une nouvelle vie, le début d'un grand amour si longtemps recherché et dont l'histoire si particulière de Matthew nous a donné à penser qu'il était impossible ? Est-ce pour Matthew la fin de son deuil, le début de quelque chose de différent qui donnera peut-être une mère à la petite Emily, une page qui se tourne avec la volonté farouche d'oublier son expérience désastreuse avec Kate, une volonté de faire prévaloir la vie et l'espoir en prenant à nouveau le risque d'être déçu, avec un « happy-end » que semble beaucoup affectionner Musso et qui a ce côté artificiel qu'on ne retrouve que très rarement dans la vraie vie ? Pourquoi pas ?

     

     

    ©Hervé GAUTIER – Juillet 2014 - http://hervegautier.e-monsite.com

  • LA FILLE DE PAPIER

    N°764 – Juillet 2014.

     

    LA FILLE DE PAPIER – Guillaume Musso – XO Éditions.

     

    Au départ, une rupture amoureuse entre un écrivain à succès, Tom Boyd et une pianiste célèbre Aurore Valancourt. Si cette dernière se console rapidement entre les bras d'un musicien, Tom peine à s'en remettre et bascule facilement dans l'alcool, la drogue, les anxiolytiques. Sa saga «La trilogie des anges » n'aura jamais de suite ! Calfeutré chez lui à Los Angeles pendant plusieurs mois, incapable d'écrire la moindre phrase et confronté durablement au syndrome de « la page blanche », il reçoit la visite de Milo Lombardo, son ami mais aussi son agent qui lui rappelle que les deux premiers tomes se vendent bien et qu'on pense même à en faire un film. Il faut donc qu'il s'attelle aux troisième tome d'autant que ses lecteurs n’attendent que cela. Pourtant, il est bel et bien incapable d'écrire et qui plus est complètement ruiné. Est-ce à cause de l'abus d'antidépresseurs, il voit arriver chez lui une femme complètement nue, Billie Donnely, qui n’est autre qu'un personnage secondaire de ses romans « qui enchaîne des histoires d’amour foireuses ». Il pense à une mauvaise blague mais c'est bien elle,  « tombée d'un livre » et le doute n'est plus permis. Elle s'installe dans son quotidien au point de le sauver de l'internement et lui propose de retrouver Aurore ; elle veut bien sortir de sa vie à condition qu'il lui fasse rejoindre le monde de la fiction, avec accessoirement une vie moins minable, c'est à dire qu'il accepte de donner une suite à la saga et donc d'en reprendre l'écriture. Il s'ensuit une succession d'aventures échevelées, pas vraiment convaincantes et même plutôt empreintes de longueurs fastidieuses et même un peu forcées, telle la quête de ce livre devenu unique à cause du pilonnage de la dernière édition due à une erreur d’impression. On voudrait même nous faire croire que le rachat de cet unique exemplaire correspondrait au sauvetage de Billie, ce qui la ferait retourner dans son monde fictif alors que l'amour que lui porte Tom devrait au contraire s'y opposer. Je ne suis qu'un simple lecteur, pas vraiment spécialiste de Musso, mais j'ai été carrément agacé par cette succession de mésaventures dont je me suis demandé si elles auraient une fin. C'est à peine si j'ai eu envie de connaître l'épilogue !

     

    C'est vrai que l'idée n'était pas mauvaise et que la création n'est jamais très loin de la folie, Maupassant, Hemingway ou Nerval en sont l'illustration, et si l’art existe parce que le réel est insuffisant, la mort volontaire finit par s'imposer à l'artiste.

     

    Personnellement, en tant qu'auteur, j'ai toujours été intéressé par les relations qui peuvent exister entre entre un romancier et ses personnages. Ils sont fictifs certes mais ils vivent d'une vie propre, possèdent leur liberté et en profitent parfois au grand étonnement de leur créateur lui-même puisque la fin du roman est parfois bien différente de l'intrigue qu'il avait imaginée au départ. Alors, force de l’imagination, talent et même génie ou simple effet de la liberté des personnages ? Je ne le saurais jamais. Le thème pourtant avait tout pour me plaire et bâtir un roman sur cette idée de rencontre d' un auteur avec son personnage me semblait au départ intéressant, mais filer la métaphore au point de rendre Billie malade et de lui faire vomir de l'encre, de prétendre que son sang contient de la cellulose et que ses cheveux blanchissent à cause d'agents chimiques présents dans la papier, là je pense que Musso en fait un peu trop, d'autant d'ailleurs que tout cela se révèle être un canular. Je dois avoir de la fiction une idée assez restrictive mais s'il peut y avoir une dimension merveilleuse, extraordinaire voire idyllique dans les romans, cela n’autorise pas pour autant l’invraisemblance d'autant que, dans la vraie vie dont ils sont souvent le reflet, tout cela est bien différent, mais c'est là un autre débat.

     

    Quant à cet artifice, sorte de mise en abyme, qui consiste à parler d'un roman impossible à écrire par l'auteur lui-même alors qu'il finit par conclure à sa réalisation sous les yeux mêmes de son lecteur, je trouve cela un peu artificiel. C'est sans doute plus fort que moi mais, en lisant ce roman, j'ai songé à de la littérature alimentaire, de celle dont on se sert pour durer dans le domaine culturel parce que c'est un métier lucratif mais qu'il faut entretenir par une production, fût-elle médiocre, parce que la notoriété est une chose fragile...

     

    J'aimais bien aussi l'idée développée ici que, plus que l'alcool, la drogue ou les médicaments, l'écriture est pour un auteur déprimé une véritable planche de salut et que c'est véritablement grâce à elle qu'il peut se reconstruire. Nous savons tous qu'elle est une alchimie, un mystère, alors, illustrer ce thème par un roman ne pouvait que retenir mon attention. Là je souscris un peu plus à la démarche de l'auteur.

     

    Je lui sais gré aussi de noter dans ce roman toute l'importance qu'il accorde au lecteur («  Un livre ne prend corps que par la lecture. C'est le lecteur qui lui donne vie, en composant des images qui vont créer ce monde imaginaire dans lequel évoluent les personnages ») J'espère que ce n'est pas une simple clause de style mais j'apprécie qu'un auteur aussi médiatique que lui note cette évidence selon laquelle un romancier n'est rien sans ses lecteurs. J'ai eu déjà l'occasion dans cette chronique de fustiger les auteurs qui oublient ce truisme.

     

    L'écriture est simple, sans recherche, un peu comme le style d'un vulgaire polar et se lit facilement. C'est là un avantage. Je continue à explorer l’œuvre de Musso parce que c'est un auteur médiatique dont on ne peut valablement parler sans l'avoir lu, mais malgré ce deuxième livre (La Feuille Volante n°760 à propos de « Central Park »), l'intérêt n'est pas vraiment au rendez-vous. Je suis peut-être passé à côté de quelque chose une nouvelle fois ?

     

     

    ©Hervé GAUTIER – Juillet 2014 - http://hervegautier.e-monsite.com

  • CENTRAL PARK

    N°760 – Juillet 2014.

    CENTRAL PARK – Guillaume MUSSO – XO EDITIONS.

     

    Un matin un peu froid et sur un banc dans une forêt, un homme et une femme endormis. Jusque-là rien de bien extraordinaire, sauf qu'ils sont menottés, qu'Alice est un flic parisien qui a passé une soirée un peu folle avec ses copines aux Champs-Élysées et Gabriel, pianiste de jazz a joué la veille à Dublin. Ils ne se connaissent pas, ne se sont jamais vus et sont à Central Park près du romantique Bow Bridge à New-York ! Le seul point qu’ils ont en commun est celui d'avoir pas mal picolé de sorte que ni lui ni elle n'ont aucun souvenir de cette nuit. Tel est le point de départ de ce roman policier assez improbable et même carrément impossible. Suivent tout un tas d'aventures aussi échevelées que violentes au terme desquelles ils finissent par se débarrasser des menottes et se procurer un peu d'argent. Ce qui suit n'est pas moins surréaliste que le début avec de nombreux analepses qui distillent l'histoire de chacun, surtout celle un peu cahoteuse d' Alice dont la vie est marquée par la mort. Le lecteur est entraîné dans des histoires parallèles, dans des arcanes compliqués et marche évidement dans le jeu, d'autant que l’auteur tisse autour de cette femme des anecdotes qui rendent les événements crédibles même si parfois ils frôlent l'invraisemblable.

    Guillaume Musso entretient le suspense, rajoutant à l'envi des détails qui entretiennent l’énigme même si au début le rythme s'essouffle un peu. Il y a une étude de cratères : Elle, autoritaire, orgueilleuse, dominatrice, violente parfois, lui, passif au début qui se rebiffe, agit, imagine, et installe Alice en plein mystère. En réalité il maîtrise parfaitement la situation et, avec un peu de chance, attire sa partenaire là où il souhaite la mener. Il y a aussi cette idylle qui naît entre eux, qui ne se révélera qu'à la fin, mais pas dans le contexte ordinaire d'un thriller.

    Mais, est-ce vraiment un thriller ? Il n'est d'ailleurs pas vraiment présenté de cette manière sur la 4° de couverture. Certes l'action se déroule aux USA où la société est marquée par la violence, certes il y a une ambiance et un souffle policiers et c'est seulement à la fin que Musso assemble les nombreuses pièces du puzzle qu'il a savamment éparpillées pendant 380 pages. Le texte se lit facilement comme un polar et le style, sans véritable recherche, est coulant comme celui qu'on attend d'un roman policier. Il y a des meurtres certes mais ils sont surtout évoqués au passé et le seul sang qu'on voit n'est que de l'hémoglobine sur le chemisier d'Alice. Tout cela, toutes ces situations rocambolesques pour introduire un peu rapidement quand même ce qui n'a rien à voir avec une intrigue policière. Je veux bien qu'elle trouve dans ces quelques paragraphes de la fin une explication logique mais c'est quand même une façon inattendue d'aborder une maladie qui nous guette tous, contre laquelle actuellement la médecine n'a pas d'armes efficaces. Cela me semble un peu rapide, un peu facile et même un peu léger d'aborder ainsi une maladie aussi grave. L'effet recherché est évidemment atteint mais cela me paraît un peu artificiel d'expliquer un roman à ce point compliqué par une maladie qui frappe des gens de plus en plus jeunes.

     

    Je l'ai déjà dit dans cette chronique, la fiction n'excuse pas tout. Les romans peuvent parfaitement embellir la vie, cela ne coûte rien et l'imaginaire peut constituer un refuge. Je ne sais pas pourquoi mais je suis de moins en mois friand des « happy-end ». Ici, cela me paraît un peu facile de conclure ce roman en mettant en balance ce mal inexorable et l'amour qu'Alice inspire malgré elle à Gabriel. Je ne sais pas pourquoi, cette fin ne me paraît pas crédible, peut-être parce que dans la vraie vie cela sonne faux, peut-être parce que je dois avoir une perception différente de celle des autres ?

     

    Ce livre est le premier que je lis de Guillaume Musso, un peu parce qu'il est un auteur médiatique qu'il faut avoir lu pour pouvoir en parler, un peu à cause des souvenirs personnels que j'ai de Central Park et de New-york. Pourtant ce roman m'a un peu déçu à cause du contexte publicitaire nécessairement déformant malgré aussi cette envie d'en savoir davantage sur cet écrivain dont l'intérêt n'est pas forcément au rendez-vous.

     

    ©Hervé GAUTIER – Juillet 2014 - http://hervegautier.e-monsite.com