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la feuille volante

Marie-Sabine ROGER

  • LE CIEL EST IMMENSE - Marie-Sabine Roger.

     

    N°440– Juillet 2010

    LE CIEL EST IMMENSE – Marie-Sabine Roger. Éditions Le Relié.

     

    Après « La tête en friche », je m'étais promis de pousser un peu plus loin la découverte de cet auteur dont l'œuvre, par ailleurs, se déclinait autour des enfants.

     

    « Je ne m'en vais pas contre quelqu'un ni malgré moi, je m'en vais, c'est tout, c'est un choix... C'est déjà trop de dire adieu lorsqu'on s'en va » C'est ainsi que la narratrice, une femme de 60 ans commence(presque) ce récit. Elle a choisi un petit hôtel au bord de la mer, à la morte saison, pour évoquer la fin d'une histoire, comme un ultime refuge, comme un point final face à l'immensité. Avec elle, elle emporte ses souvenirs, comme autant de trésors dont on veut se munir pour affronter une épreuve. C'est donc sur une plage de nulle part, en dehors de la saison touristique, qu'elle choisit de se retrouver face à elle-même. Dans ce décor un peu désolé, c'est la solitude et la tristesse qui surnagent, avec, au bout du chemin la mort volontaire. Un cadre idéal pour « boucler la boucle, en finir ».

     

    C'est que la vie a été un peu ingrate pour elle, c'est ce qu'elle pense en tout cas peut-être parce qu'elle est toujours passée à côté du « grand amour » ou qu'elle a manqué le rendez-vous avec son fils, mais en réalité rien que que très normal en ce qui concerne les épreuves, les deuils, les chagrins, rien de plus que ce que la condition humaine, la chance ou le hasard imposent à chacun individuellement. Pourtant, c'est une «  fêlure » qui l'a amenée au bord de l'océan, un homme de rencontre, aimé, mais d'un amour différent, pas charnel, pas jouissif, pas sensoriel mais comme un plaisir serein et tranquille, un désir en demi-teinte et silencieux « Nous n'avons jamais fait l'amour ensemble » avoue-t-elle! Un peu comme si les relations sexuelles entre eux étaient interdites, taboues ou impossibles! Cette cassure, cet échec ajoutés aux autres ont provoqué chez elle non seulement un chagrin mais un détachement face à la vie, un désamour de soi, une indifférence au monde extérieur, le repli sur soi, une profonde dépression à 59 ans!

     

    Dès lors, c'est la ronde des médicaments compliqués et dangereux et si on en abuse, si on les mélange, c'est le coma et la mort. C'est un vide immense qu'on ressent sans pour autant avoir envie de se raccrocher à une ordonnance ou à une boîte de pilules. Dormir! le sommeil vécu comme un palliatif ou un cautère et le sommeil est un autre monde ou des difficultés se gomment, s'apaisent. Pourtant au réveil les choses sont là, dans leur réalité, leur cruauté et cet amour qu'on avait voulu d'autant plus fort qu'il serait sûrement le dernier s'en allait et avec lui l'envie de vivre.

     

    Face à l'immensité de cette plage qui n'est pas sans rappeler le désert, apparaît un adolescent « comme un Petit Prince qui aurait un peu grandi » et, comme dans un autre roman célèbre, un dialogue un peu surréaliste va s'engager entre cette femme au bord du suicide et cet être sorti de nulle part. Comme un bon génie, il va lui demander de lui parler d'elle sous forme de quatre choses qui pourraient la résumer, une sorte d'obligation de se confier autant qu'une occasion de refaire le chemin à l'envers parce qu'il a compris très vite que ce paysage du bord de mer serait le dernier pour elle. A travers ces rencontres épisodiques, elle va donc revenir progressivement à la vie. A travers cet exercice, elle va aller à la rencontre de ses souvenirs, de ses amours et ainsi se rendre compte qu'elle n'a pas été aussi malheureuse qu'elle veut bien se le dire. C'est autant une acceptation de soi, de la vieillesse, de la condition humaine.

     

    J'avais bien aimé « La Tête en friche », j'avoue qu'ici, si j'ai pu retrouver cette ambiance un peu délétère de la dépression, si j'ai goûté le style, les phrases courtes et fluides, j'ai rapidement décroché, lisant cependant jusqu'à la fin davantage par curiosité que par intérêt pour l'histoire, sans y entrer véritablement ... Peut-être parce qu'elle évoque trop St Ex?

     

     

     

     

    © Hervé GAUTIER – Juillet 2010.http://hervegautier.e-monsite.com

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

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  • LA TÊTE EN FRICHE - Marie-Sabine Roger


     

     

    N°439– Juillet 2010

    LA TÊTE EN FRICHE – Marie-Sabine Roger. Éditions La Brune

    Qu'est ce qui m'a accroché d'emblée dans ce livre, le ton peut-être? Il n'est pourtant pas littéraire et même volontiers gouailleur. L'histoire peut-être, celle de Germain Chazes, 45 ans, pas vraiment attachant au début, un géant inculte voué aux petits boulots de manutentionnaire qui vit dans une caravane au fond du jardin de sa mère et s'amuse à compter les pigeons ou à écrire son nom sur le monument aux morts, à parler de Dieu comme si c'était un copain... C'est un poivrot qui raconte les épisodes de sa vie à ses copains de zinc qui se moquent de lui, ne comprend pas toujours tout, un mal aimé comme il y en a tant, abandonné par son père, délaissé par sa mère... C'est aussi celle de Margueritte (avec deux t) Escoffier, cette petite vieille de 85 ans, pensionnaire de la maison de retraite des « Peupliers », cultivée, discrète, qui n'aime ni le scrabble ni les lotos, qui préfère rester assise sur un banc dans un jardin public et qui passe son temps à nourrir les oiseaux, à les compter, elle aussi! C'est peut-être la seule chose qu'ils aient en commun, alors ils se rencontrent, ils parlent, se découvrent l'un l'autre une sorte de complicité.

    Ainsi ce Germain, qui est aussi le narrateur, apprend, grâce à elle, des choses qui, dans sa vie lui étaient complètement étrangères jusqu'ici, le sens des mots, leur nouveauté, leur beauté[« Les mots, ce sont des boites de conserve qui servent à ranger les pensées, pour mieux les présenter aux autres et leur faire l'article. »]...

    Lui qui n'avait été qu'un aimable cancre presque illettré, que tous ses copains prennent pour un imbécile, c'est cette vieille dame qui va réussir à lui faire prendre goût à la connaissance [ « apprendre à réfléchir, ça revient à donner des lunettes à un myope »] aux livres par la lecture à haute voix, qui va meubler sa « tête en friche » au point de lui faire changer son vocabulaire. Il va découvrir Albert Camus, Romain Gary, Sepulveda et le dictionnaire qu'elle va lui offrir parce que lui-même lui avait fait cadeau d'un petit chat sculpté dans un morceau de bois. Il ne baisera plus Annette, sa copine, mais lui fera l'amour... c'est quand même autre chose!

    Margueritte va devenir sa vraie grand-mère, non seulement en l'intéressant aux mots et aux livres qu'il ne comprend pas toujours bien mais parce que elle s'installe dans sa vie à en devenir omniprésente et même indispensable[« Margueritte, elle prenait de la place, même sans être là »].

    C'est l'histoire d'une rencontre improbable, d'une amitié entre deux êtres qui n'avaient aucune chance de se croiser, d'un échange, d'un apprentissage, d'une invitation au respect de soi et des autres[« Vous êtes quelqu'un de très bien, Germain »lui dit Margueritte], d'une tendresse réciproque, de l'acceptation de la vieillesse, de la maladie, de la mort qui font partie de la condition humaine, d'une révélation aussi, celle de cet homme mal dégrossi, un peu cabossé par la vie, que cette vielle dame, qui l'appelle « Monsieur » au début, va petit à petit amener à se découvrir lui-même, à bouleverser sa propre vie, à lui donner un sens. C'est une histoire pleine d'émotion [« Un jour, en comptant les pigeons, on tombe par coïncidence sur une grand-mère vacante et on finit avec la peste, les Jivaro et ce pauvre monsieur Gary qui pleure encore sur sa mère »] . C'est que ce Germain, même s'il parle mal, a des remarques pertinentes et pas si naïves que cela qui parviennent parfois à convaincre Margueritte par son bon sens. [« Cette fille, elle me rend dingue... c'est pire qu'un aimant. Aimant, ça doit venir du verbe aimer peut-être? »]

    J'ai goûté la poésie qui se dégage de ces dialogues à la fois simples et authentiques parce que sincères, simplement.[« Margueritte... sa vie, elle doit avoir un goût de confiture...La mienne , elle a un goût de gerbe, et je vous parle pas des fleurs »].

    C'est un roman vraiment surprenant, c'est sans doute pour cela qu'il m'a beaucoup plu. Allez savoir!

    Hervé GAUTIER – Juillet 2010.http://hervegautier.e-monsite.com

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