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la feuille volante

Michele Marziani

N° 1538 – Mars 2021

 

Umberto Dei – Michele Marziani – Cult Editore.

Biographie non autorisée d’une bicyclette.

 

Umberto Dei est une marque de bicyclette italienne, un véritable mythe, actuellement un objet de collection. Cette histoire se passe à Milan de nos jours le long du canal Martesana et tourne autour de ce type de véhicule qui appartient au narrateur. Mais ce n’est pas une bicyclette ordinaire, c’est un modèle impérial, noire, des années trente, oubliée au fond de la boutique de réparateur de cycles, Arnaldo Scura qui dans une autre vie a travaillé dans la finance mais qui a choisi de perpétrer ce métier par tradition familiale. Ainsi commence une drôle d’histoire d’amitié entre lui qui a déjà vécu plusieurs vies, pas toujours heureuses, avec pas mal d’erreurs qu’il préfère oublier et Nas, un jeune étudiant ouzbèke. Désormais veuf d’Alice, sa merveilleuse épouse, Arnaldo est devenu un peu malgré lui adepte de la solitude et ne vit que pour son atelier et Nas, qui semble en savoir long sur ces bicyclettes en devient le restaurateur. Non seulement il est au top techniquement mais il sait aussi y faire avec la clientèle

Ce roman ne raconte pas l‘histoire de cette bicyclette, encore qu’elle est présente en filigrane tout au long du roman. C’est plutôt un monologue du narrateur, Arnaldo qui fait un peu le bilan de sa vie passée et il craint qu’elle ne lui éclate maintenant en pleine figure à cause de ses luttes politiques de jeunesse. Sa boutique est devenue un sorte de microcosme, le carrefour d’histoires d’amour, de souvenirs, de philosophie…

Ce quartier « Le navigli » est populaire et multiethnique et c’est donc l’occasion de parler de la question bien actuelle des migrants, des préjugés raciaux et les craintes qu’ils suscitent, de la différence entre les gens et des problèmes que cela entraîne. En effet, le narrateur et son entourage suspectent un temps Nas, à cause de la couleur de sa peau, sa supposée religion musulmane, d’être un dangereux terroriste islamiste poseur de bombes comme on en voit de nos jours en occident.

Ce petit roman a été une belle découverte, avec des moments poétiques mais aussi un peu ironiques et amer.

J’ai lu ce roman en italien parce qu’il n’est pas traduit en français mais aussi pour le plaisir de découvrir cette langue, à haute voix.

  • La trotta ai tempi di Zorro

    N°1596 - Octobre 2021

     

    La trota ai tempi di Zorro - Michele Marziani – Edizioni DeriveApprodi.

     

    Contrairement à ce que son titre le laisse à penser, ce n'est pas exactement un roman sur la pêche à la truite (La truite au temps de Zorro). Certes ce court texte parle de la découverte de la photographie mais surtout de la passion grandissante de la pêche à la truite par Stefano Baldazzi Morra, 13 ans, un garçon un peu introverti, qui arrive avec ses parents au Piémont dans la petit commune de Gozzano sur les rives du lac d'Orta. C'est non seulement un passe-temps qui le distrait de ses périodes d'étude mais c'est surtout la marque d'un rite de passage d'une adolescence compliquée vers l'âge adulte vers la vraie vie cruelle et injuste. En effet ses parents vivent un passage difficile ce qui perturbe grandement Stefano qui va devoir se tisser lui-même sa propre personnalité et son propre équilibre au cours de ces années 70 mouvementées qui le dépassent et qui sont connues comme «  Les années de plomb  »  . Il vit une adolescence perturbée, solitaire et mélancolique mais trouve dans cette activité de pêche à la truite un dérivatif bienvenu et une occasion d'affronter la vie. Petit à petit, le parfum de la révolte grandit dans la société, n'épargne ce petit coin d’Italie et explose en ce printemps 1977 à l'école où son père est professeur  . Pour lui le père ne correspond pas pour lui à l'image qu'il s'en faisait d’autant qu'il se met à boire, quitte sa famille et devient SDF et ainsi la cellule familiale éclate. Stefano grandit, découvre la politique mais aussi l’amitié et l'amour mais gardera toujours comme refuge le souvenir de cette activité de pêche à la truite et sa proximité avec l'eau et de la nature comme un symbole à la fois de liberté et de renaissance personnelle.

    Je ne connais pas Michele Marziani mais il m’apparaît que ce court texte à des connotations autobiographiques non seulement parce que l'auteur est un pêcheur passionné mais aussi à cause de la dédicace à Mario Albertarelli mise en exergue.

    A travers les yeux de l'enfant reviennent des souvenirs peut-être un peu oubliés, des images furtives comme celles de la Fiat 850  , la machine à écrire «  Lettera 32  », l'appareil photo Voigtlander... qui donnent une note de nostalgie à cette histoire.

     

    Il s'agit du premier roman de Michele Marziani qui s'est longtemps occupé en qualité de journaliste, à la fois des problèmes de société, d'environnement, de culture qui se retrouveront dans son œuvre mais aussi de la gastronomie et de l’œnologie italiennes. C'est un texte bien écrit et qui m'a procuré une lecture assez facile, dans le texte, moi qui découvre l'italien.

    J'ai été un peu surpris par l'épilogue qui a au mois l'avantage de solliciter notre imagination, mais cela reste un roman touchant.

    J'ai déjà abordé l'univers créatif de Michele Marziani à travers deux de ces romans «  La signora del Caviale  » et «  Umberto dei  ». A ma connaissance les œuvres de cet auteur ne sont pas traduites en français. C'est peut-être dommage pour la découverte de cet écrivain.

  • La signora del caviale

    N° 1542 – Avril 2020 .

     

    La signora del caviale – Michele Marziani – Cult Editore Florence ( Italie)

     

    Le lieu, une petite ville près de Ferrare où vit une communauté de pêcheurs d’esturgeons dans le delta du Pô, le moment, la veille de la seconde guerre mondiale… Celui qui raconte ce qui se passe ici, c’est Nello, douze ans, dont le père a été tué en Espagne pendant la guerre civile. Il est le neveu du chef de gare qui vit avec sa mère et lui dans l’appartement de fonction. Il parle de la vie des habitants, du fascisme, de l’amitié, de l’amour, de la pauvreté, du travail, du « Turc », un personnage un peu étrange dont on ne sait même pas d’où il vient mais qui connaît tant de choses sur les esturgeons et dont le fils, Nicolas est son ami. Puis Nello va au collège à Ferrare, tombe amoureux de la jolie Bechi et entend parler des problèmes de la race comme le prône le parti. Dans son évocation il y a cette réalité, celle de la présence de l’esturgeon dans le fleuve Pô jusqu’au milieu du siècle dernier, de la prise d’un esturgeon qui permettait à une famille de vivre… Il y a une galerie de personnages étonnants et ordinaires, mais bizarrement, cette femme, celle qu’il appelle « la dame du caviar », qui commercialise les œufs d’esturgeons à Ferrare et fait ainsi vivre la communauté de pêcheurs, n’est que peu mentionnée dans ce livre comme si elle était en arrière-plan. On sait qu’elle abandonne ce commerce pourtant très lucratif au profit de son commis. On la savait distante et discrète et on apprend au cours de ce récit qu’elle est ainsi parce qu’elle est juive et que les lois raciales en vigueur à cette époque en Italie fasciste motivent son effacement. Elle finira pas disparaître, victime de la dictature et avec elle s’éteindra cette tradition de pêche à l’esturgeon à cause aussi de la dégradation de l’environnement et des mutations inévitables dans une société moderne.

    Il y a aussi le drame intérieur de Nello qui en apprend un peu plus sur son père, un homme qui n’a pas voulu lui donner son nom, un idéaliste qui est parti combattre en Espagne dans les rangs des républicains et n’en est jamais revenu, le fascisme qui a beaucoup marqué les Italiens et que lui, un enfant, ne comprend pas bien avec ses rituels, son décor, ses théories raciales, le temps qui passe et qui le fait grandir, mais dans un contexte de la guerre et des morts qui l’entourent…Cette période est pour lui une sorte de dur rite de passage vers l’âge adulte.

    Nello est maintenant âgé et veuf de Bechi et se souvient de ces années d’enfance, de ses amitiés, de ses amours hésitantes, du fascisme dont, enfant, il adopta l’uniforme, de la pêche à l’esturgeon et du mystère et des coutumes qui l’entouraient, des bombardements alliés, de la guerre. S’entremêlent dans ce romans les thèmes mineurs, ceux de la vie au quotidien et ceux, majeurs du conflit mondial et de ses conséquences, du racisme, le l’environnement. C’est nostalgique, poétique et ironique aussi.

     

    J’ai découvert Michele Marziani un peu par hasard, après avoir lu « Umberto Dei » un autre ouvrage de cet auteur. « La Signora del caviale », paru initialement en 2009 et a été réédité en Italie en 2012, reprend un thème qu’il a déjà traité, celui des pêcheurs du Pô. J’aime son écriture simple, abordable et claire, agréable à lire à haute voix et je regrette que, à ma connaissance , il ne soit pas encore traduit en français.

     

  • Umberto Dei - Biographie non autorisée d'une bicyclette.

    N° 1538 – Mars 2021

     

    Umberto Dei – Michele Marziani – Cult Editore.

    Biographie non autorisée d’une bicyclette.

     

    Umberto Dei est une marque de bicyclette italienne, un véritable mythe, actuellement un objet de collection. Cette histoire se passe à Milan de nos jours le long du canal Martesana et tourne autour de ce type de véhicule qui appartient au narrateur. Mais ce n’est pas une bicyclette ordinaire, c’est un modèle impérial, noire, des années trente, oubliée au fond de la boutique de réparateur de cycles, Arnaldo Scura qui dans une autre vie a travaillé dans la finance mais qui a choisi de perpétrer ce métier par tradition familiale. Ainsi commence une drôle d’histoire d’amitié entre lui qui a déjà vécu plusieurs vies, pas toujours heureuses, avec pas mal d’erreurs qu’il préfère oublier et Nas, un jeune étudiant ouzbèke. Désormais veuf d’Alice, sa merveilleuse épouse, Arnaldo est devenu un peu malgré lui adepte de la solitude et ne vit que pour son atelier et Nas, qui semble en savoir long sur ces bicyclettes en devient le restaurateur. Non seulement il est au top techniquement mais il sait aussi y faire avec la clientèle

    Ce roman ne raconte pas l‘histoire de cette bicyclette, encore qu’elle est présente en filigrane tout au long du roman. C’est plutôt un monologue du narrateur, Arnaldo qui fait un peu le bilan de sa vie passée et il craint qu’elle ne lui éclate maintenant en pleine figure à cause de ses luttes politiques de jeunesse. Sa boutique est devenue un sorte de microcosme, le carrefour d’histoires d’amour, de souvenirs, de philosophie…

    Ce quartier « Le navigli » est populaire et multiethnique et c’est donc l’occasion de parler de la question bien actuelle des migrants, des préjugés raciaux et les craintes qu’ils suscitent, de la différence entre les gens et des problèmes que cela entraîne. En effet, le narrateur et son entourage suspectent un temps Nas, à cause de la couleur de sa peau, sa supposée religion musulmane, d’être un dangereux terroriste islamiste poseur de bombes comme on en voit de nos jours en occident.

    Ce petit roman a été une belle découverte, avec des moments poétiques mais aussi un peu ironiques et amer.

    J’ai lu ce roman en italien parce qu’il n’est pas traduit en français mais aussi pour le plaisir de découvrir cette langue, à haute voix.