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la feuille volante

Prosper Mérimée

  • Le vase étrusque

    N°1891 – Juin 2024.

     

    Le vase étrusque - Prosper Mérimée- Librio.

    C’est une nouvelle de Prosper Mérimée, publiée en 1830.

    Au fil des pages, le récit révèle une histoire d’amour comme on les vivait « dans le monde » comme on disait à l’époque. Ce n’était pas pour me déplaire, non à cause du thème appréhendé d’une manière bien différente d’aujourd’hui où, dans ce domaine comme dans bien d’autres, les choses ont bien changé mais notamment parce que je demande avant tout à un écrivain d’être le témoin de son temps. On a même prétendu que cette nouvelle avait été inspirée à son auteur par un épisode de sa propre vie.

    Renouant avec Mérimée, je me suis dit, au début, que la relation de cette aventure, dont les ressorts sont éternels, seraient faite de mièvrerie, de naïveté et d’hypocrisie… Elle met en présence Auguste Saint-Clair, un bourgeois renfermé qui ne recherche pas vraiment la sympathie de ses semblables et qui croise Mathilde de Coursy, une jeune et belle comtesse veuve dont il tombe follement amoureux et qui devient sa maîtresse. Leur amour est donc partagé. Lors d’un dîner de célibataires, il apprend qu’elle a été l’amante de Massigny, un être fat bien différent de Mathilde, femme d’esprit et qui lui a offert un vase étrusque d’une grande valeur exposé sur la cheminée. Saint-Clair qui avait, Dieu sait pourquoi, supposé qu’elle n’avait jamais aimé que lui, et ce malgré l’existence de son ancien mari, devint maladivement jaloux mais n’en parla pas à la comtesse. Cette dernière, lui rendant sa montre qu’elle avait fait réparée, y a ajouté son portait miniature peint sur le fond de la boite et l’informe que c’est Massigny qui lui a indiqué le peintre qui a réalisé le travail. Il n’en faut pas plus pour provoquer la jalousie d’Auguste. De plus en plus soupçonneux, malgré les dénégations de la comtesse, Saint-Clair, lors d’une promenade à cheval provoque un de ses anciens rivaux et meurt dans le duel qui les oppose. Mathilde, désespérée s’éteint trois ans plus tard dans un état de délabrement physique désastreux.

    Je ne suis pas nostalgique mais c’est sans doute la marque d’une époque révolue où on pouvait encore mourir d’amour, à l’heure des divorces faciles, des unions libres et des famille recomposées. On retrouve là une constante de la société de cette époque qui accordait toute licence à l’homme, même marié, et exigeait que la femme fût pure. Quant à Saint-Clair, il était à la fois pleins d’illusions, de sentimentalisme et sans doute aussi d’exigences. Cette courte nouvelle aurait peut-être mérité une étude psychologique un peu plus poussée .

  • Tamango

    N°1890 – Juin 2024.

     

    Tamango - Prospère Mérimée- Librio.

    C’est une nouvelle assez bien documentée de Prosper Mérimée, publiée en 1829 qui ne semble pas avoir recueilli la faveur du public.

    C’est un réquisitoire contre l’esclavage et met en présence un blanc, le capitaine Ledoux, un marin expérimenté devenu officier qui, en fin de carrière, se reconvertit dans le commerce négrier, et un chef de tribu sénégalais, un guerrier redoutable et amateur d’alcool, Tamango, qui fait commerce de ses ennemis en les vendant aux blancs. Lors d’une tractation un peu arrosée avec Ledoux, il lui donne sa femme, Ayché, aussitôt embarquée. A son réveil un peu embrumé Tamango cherche son épouse, la poursuit jusqu’au bateau et se retrouve capturé comme esclave par la capitaine négrier. Tamango se retrouvait donc avec ceux qu’il avait vendus, à fond de cale, avec pour seul avenir l’esclavage dans les Antilles françaises. Au cours de la traversée Tamango prend l’ascendant sur les autres prisonniers et réussit à s’emparer du navire en tuant tout l’équipage, mais, ignorant la navigation, l’affaire tourne au désastre et le brick dont ils s’étaient emparé devient rapidement une épave où seul Tamango survit. Sauvé par un navire anglais, soigné, il terminera sa vie tragiquement dans l’armée anglaise, victime de son addiction à l’alcool.

  • Mateo Falcone

    N°1889 – Juin 2024.

     

    Mateo Falcone - Prospère Mérimée- Librio.

    C’est une nouvelle de Prosper Mérimée publiée en 1829 bien que l’auteur n’ait visité la Corse que 10 ans plus tard contrairement à ce qu’il écrit dans sa nouvelle. Il s’est donc informé des coutumes locales et s’est inspiré d’un fait réel.

    Mateo Falcone est un notable respecté qui habite en lisière du maquis de Porto Vecchio qui est un havre de paix pour tous ceux qui sont en délicatesse avec la justice et souhaitent échapper aux gendarmes. Il part avec sa femme visiter un de ses troupeaux en laissant la maison à la garde de son jeune fils, dernier né et héritier du nom, Fortunato. Auparavant il avait eu trois filles actuellement mariées, ce qui ne l’enchantait pas. L’enfant voit arriver un homme blessé et poursuivi par la maréchaussée, Gianetto , et accepte de le cacher contre une pièce d’argent. Bientôt les gendarmes arrivent et le garçon, cupide, dénonce celui qu’il a caché contre une montre que lui offre l’adjudant. De retour Mateo voit Gianetto prisonnier qui accuse son fils de trahison et maudit sa famille. Le père brise la montre de Fortunato et l’emmène dans la maquis et après lui avoir fait dire ses prières, le tue purement et simplement malgré les supplications de son fils. Il lui fera cependant dire une messe en espérant que Dieu lui pardonnera sa traîtrise.

    En Corse l’hospitalité est sacrée, une trahison amène inévitablement une vendetta, et on n’aime guère les gendarmes. D’autre part la Corse est, à l’époque, depuis peu française, l’île ayant été été vendue à la France par la république de Gêne mais les Corse se sentent avant tout Corses. Cette nouvelle qui est une tragédie illustre Les coutumes ancestrales de cette province au XIX° siècle , son sens de l’honneur, sa fierté.

  • L'abbé Aubin

    N°1889 – Mai 2024.

     

    L’abbé Aubin - Prospère Mérimée- Éditions Garnier frères..

    En cinq lettres, une aristocrate parisienne ruinée, réfugiée avec son mari dans l’île de Noirmoutier raconte à son amie, Sophie, sa nouvelle vie. C’est triste à mourir et cela met bien en évidence ce qu’était le sort de la plupart des femmes de cette époque et de cette classe, la souffrance intime et l’église. Sauf qu’elle s’intéresse au jeune curé de la paroisse à qui elle trouve bien des qualités dont son mari semble dépourvu. Elle en devient intime au point qu’elle provoque chez lui des révélation très personnelles sur sa vie, de solliciter des cours de latin, de botanique, de théologie..  de lui prêter des livres bien différents de ceux qu’un jeune prêtre lit d’ordinaire.. Elle s’imagine des choses tout à fait impossibles, lui obtient une meilleure cure sans qu’il ait rien demandé. La sixième lettre, écrite par ce curé à un confrère après son départ de Noirmoutier semble remettre les choses à leur place.

    C’est une histoire sans grand intérêt, vraie selon Mérimée, où le lecteur peut, si le désire, voir une critiques des bigotes désœuvrées, sentir l’esprit voltairien de Mérimée ou au contraire voir dans ce texte une louange de ce jeune abbé, qui n‘est cependant pas ennemi de la bonne chère. Il est précisé que ce texte est paru en 1846 dans « Le Constitutionnel » ou il était indiqué qu’y serait publié un texte anonyme «  où il n’est question ni de l’Université ni des jésuites. ».

  • La chambre bleue

    N°1888 – Mai 2024.

     

    La chambre bleue - Prospère Mérimée- Éditions Garnier frères..

    Une gare est un lieu de rencontre privilégié, surtout pour les couples illégitimes. Léon et y retrouva une jeune et jolie femme, dissimulée par un voile noir comme c’était l’usage à l’époque pour éviter d’être reconnue. Elle avait tout prévu pour cette escapade avec Léon dans l’unique hôtel d’un bourg de province où on leur donna la chambre bleue. Malheureusement pour eux, des militaires s’étaient donné rendez-vous pour un dîner dans l’auberge. Durant la nuit, dans la chambre d’à côté, un bruit étrange, une vision furtive, un voisin Anglais bizarre suscitent des peurs incontrôlées où l’imagination alla bon train… mais tout cela est bel et bon et Léon ne perdit pas de vue son aventure secrète.

    Une petite histoire sans prétention et aussi sans doute sans grand intérêt et, dans l’esprit de l’époque pendant la narration de laquelle l’auteur se soucie de son lecteur. En 1866, Mérimée est à Biarritz avec l’impératrice et le prince impérial . On s’y ennuie ferme et pour distraire son hôte Mérimée écrit ce texte qui est pourtant passé à la postérité.

  • Djoumane

    N°1887 – Mai 2024.

     

    Djoumane - Prospère Mérimée- Éditions Garnier frères..

    C’est le récit d’un lieutenant français en garnison en Algérie qui revient d’une mission et à peine reposé apprend qu’il va devoir repartir au combat pour lutter contre la dissidence. Auparavant, il est convié avec d’autres officiers à un repas somptueux avec une exhibition de saltimbanques au cours de laquelle une petit fille est mordue par un serpent appelé Djoumane mais sans dommage pour l’enfant puisque cela fait partie du spectacle...Le lendemain, en opération il brave le danger, se trouve en présence d’une femme qu’il suit dans un caverne et y retrouve la petite fille au serpent de la veille en compagnie d’un vieux sorcier… et du serpent. Plus tard il suit une très belle femme qui lui offre du café dans une caverne richement décorée. Ce court récit ressemble à un rêve d’autant qu’à son réveil la jolie arabe se transforme en un banal maréchal des logis de son escadron.

    Ce texte paraît en 1870 correspond à la fascination qu’on avait pour l’Algérie et les conquêtes coloniales. Que Mérimée ait voulu célébrer la beauté des femmes maghrébines n’est guère étonnant et la symbolique du serpent, à la fois judéo-chrétienne et freudienne n’est jamais très loin. L’image de la caverne qui revient doit sans doute avoir une signification précise. Là aussi l’avis des psychiatres serait peut-être bienvenu.

  • Federigo

    N°1885 – Mai 2024.

     

    Federigo - Prospère Mérimée- Librio.

    Federigo est un jeune seigneur accroc au jeu et tricheur au point de ruiner douze fils de famille qui périrent dans des combats et furent précipités en enfer. Federigo lui-même connut la déchéance et se retira sans un sou dans un petit manoir qui lui restait et qi était toute sa fortune. Un soir il y reçoit le Christ et ses apôtres qui lui accorde trois vœux. En les formulant, il pense surtout à sa passion pour le jeu et au plaisir qu’il a à mystifier ses semblables. En effet, au cours de sa vie, non seulement il fait fortune grâce à ses cartes mais parvient, repentant, à tromper le dieux des enfers en lui subtilisant les âmes des malheureux fils de famille qu’il avait jadis ruinés. Il va même jusqu’à tromper la camarde et même Jésus qui, aux portes du Ciel est en quelque sorte contraint de l’y laissé entrer.

    C’est une courte nouvelle parue en 1829, originale dans sa rédaction mais j’y vois une aimable mystification de la religion, une rédemption plus facilement obtenue au terme d’un astucieux parcours pour quelqu’un qui, selon les critères évangéliques ne l’aurait pas méritée, autant que la négation de la mort, ce qui correspond bien à la philosophie de l’époque.

  • Vision de Charles XI

    N°1885 – Mai 2024.

     

    La vision de Charles XI. - Prospère Mérimée- Librio.

    Avec « La Vénus d’Ill » Prospère Mérimée avait fait dans les contes fantastiques. Ici, il prend d’emblée la précaution de préciser que, d’ordinaire, on se moque des apparitions surnaturelles même si certaines sont attestées par procès-verbal avec témoignages historiques. Pour illustrer son propos il met en scène un narrateur qui révèle une prédiction connue bien avant que les faits n’arrivent. Charles XI, roi de Suède qui, après la mort de son épouse Eléonore, eut un soir, en présence de trois personnes, une vision funeste faite de fantômes, de cadavres, de sang. Il apprend que, si son règne sera exempt de violence, cinq règnes après le sien, le malheur s’abattra sur le royaume. Tout cela fut consigné par écrit et contresigné par ceux qui en ont été les témoins.

    La création de tels textes aussi dramatiques pose question. Est-ce le plaisir d’écrire et d’embarquer son lecteur dans un univers inconnu et fictif, l’illustration d’un fantasme, d’une crainte que l’auteur veut ainsi exorciser, d’une volonté de changer de registre en donnant libre cours à son imagination, la manifestation et la mise en forme de l’inconscient inhibé, d’un goût caché pour l’absurde, de la projection d’une obsession intime et refoulée, la volonté de l’auteur de s’inscrire dans la réalité historique du fait puisque le procès-verbal existe réellement et que la nouvelle de Mérimée fit l’objet d’une polémique. En effet si le document officiel existe réellement, Mérimée l’a intégré volontairement dans un récit fantastique en le mettant en scène à sa manière ce qui outrepasse quelque peu le fait historique. Il convient de noter que Mérimée fait mention d’Ankarstroem qui est l’ authentique régicide de Gustave III.

    Ainsi ce court texte, fort agréable à lire, est-il de nature peut-être à intéresser aussi les psychiatres qui ne manqueraient pas de procéder à une dissection psychologique mais cela m’a paru à moi, qui ne suis qu’un simple lecteur, un bon moment de lecture.

  • La partie de trictrac

    N°1884 – Mai 2024.

     

    La partie de trictrac . - Prospère Mérimée- Librio.

    Sur un bateau immobilisé en pleine mer faute de vent le capitaine raconte au narrateur l’histoire d’un lieutenant de marine du premier empire, Roger, qui, ayant rencontré Gabrielle, une femme peu farouche devenue comédienne en est évidemment tombé follement amoureux. Évidemment pour satisfaire ses caprices il se ruine et un soir il joue au trictrac, triche et gagne une forte somme d’argent au détriment d’un officier hollandais qui, désespéré se suicide. Il a fait cela par amour pour cette femme mai, miné par la culpabilité, Roger songe à se suicider à son tour; Gabrielle tente de le raisonner, mais lui préfère trouver la mort dans un combat contre les Anglais, affrontant en quelque sorte son destin d’honnête homme malgré l’amour qu’il porte à Gabrielle. L’épilogue est surprenant et le capitaine interrompt brutalement son histoire parce qu’une baleine apparaît qu’on va chasser, brisant ainsi la monotonie de cette interminable attente. J’ai eu plaisir à relire Mérimée mais j’ai commencé par ses nouvelles fantastiques qui ont ma préférence. Là j’ai été un peu déçu.

  • Il viccolo du madama Lucrezia

    N°1883 – Mai 2024.

     

    Il viccolo di Madama Lucrezia . - Prospère Mérimée- Librio.

    Mérimée renoue avec les nouvelles fantastiques. Le narrateur, un jeune homme de famille de 23 ans se rend à Rome, sans doute pour faire son « grand tour » comme cela se faisait à l’époque. Son père lui recommande l’adresse , avec lettre introduction, d’une marquise qu’il a jadis connue, qualifiée de « bacchante » ce qui en dit assez long sur leur vieilles relations. Son souvenir, entretenu par un portrait suspendu dans le cabinet de travail paternel, mettait mal à l’aise sa mère et rendait son père quelque peu pensif. Le jeune homme s’y rend donc, accueilli chaleureusement par son hôte devenue dévote et qui retrouve avec plaisir en ce jeune homme les traits de son père. Il est confié au bons soins de son deuxième fils destiné à devenir sous peu cardinal mais dont le destin se révélera quelque peu différent. Il est intrigué par un étrange portrait de Lucrèce Borgia, il se trouve être le témoin d’un récit tragiquement prémonitoire et un pouvoir supposé de certaines statues. Et ce n’est que le début pour lui puisqu’il est le témoin accidentel puis passionné d’une invitation féminine à laquelle il n’entend pas résister, curieux qu’il est des mystères qui l’entourent et sans doute désireux de marcher sur les traces un peu coquines de son père.

    Certes Mérimée transporte son lecteur dans un autre monde irrationnel et plein de suspens, mais je note qu’il associe toujours ces histoires imaginaires et parfois diaboliques à des figures féminines, à la fois belles et sensuelles. On pensera de cela ce qu’on voudra.

    J’ai eu plaisir à retrouver le style de cet auteur un peu oublié et cette trop courte lecture fut pour moi un bon moment.

  • La Vénus d'Ill

    N°1882 – Mai 2024.

    La Vénus d'Ill . - Prospère Mérimée- Librio.

    Le narrateur un archéologue parisien, se trouve en visite en pays catalan chez un notable local, antiquaire, sur les terres de qui on a découvert par hasard une magnifique statue en bronze de Vénus. Cette découverte assez fortuite est d'abord l'occasion, entre ces deux hommes de faire acte d'érudition autour de cette oeuvre et des inscriptions qu'on peut y lire. Notre narrateur, sans doute auréolé de son savoir, se trouve invité au mariage du fils de famille, Alfonse. Dès lors on se met à parler librement de cette Vénus qui non seulement est d'une beauté presque vivante mais aussi semble se défendre, renvoie les cailloux qu'on lui lance, casse la jambe de celui qui l'a déterrée, semble s'approprier une bague qu'Alfonse a glissé à un de ses doigts. Tout cela pourrait être le simple fait du hasard ou tout bonnement l'effet du vin mais la nouvelle prend une dimension fantastique et énigmatique, sur fond de portraits assez ternes d'Alphonse et de son père, de mariage bourgeois arrangé avec ses rites traditionnels, l'innocence de l'épousée… et le tout sans joie ni amour pour les mariés et surtout à cause de la mort étrange d'Alfonse au cours de la nuit de noces. Dès lors l'invité se transforme en enquêteur, se rappelle de vagues menaces proférées. Et ce n'est pas le seul mystère autour de cette statue.

    Mérimée est aussi l'auteur de Carmen, oeuvre à laquelle Georges Bizet donna sa notoriété. Cette femme est comme cette statue, une beauté enivrante mais fatale.
    J'ai eu plaisir à retrouver le style de cet auteur un peu oublié, et c'est dommage.

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