Articles de ervian
-
Perspective(s)
- Par ervian
- Le 09/06/2024
- Dans Laurent Binet
- 0 commentaire
N°1893 – Juin 2024.
Perspective(s) – Laurent Binet – Grasset.
Dans la Florence de 1557, le vieux peintre Jacopo da Pontorno est retrouvé assassiné dans la chapelle San Lorenzo au pied d’un fresque pour laquelle il travaillait depuis onze années. L’examen du corps ne laisse aucun doute sur l’homicide et le duc Cosimo de Medicis a chargé le peintre ,architecte et historien, Giorgo Vasari, d’éclaircir cette affaire tout en laissant courir le bruit du suicide de Jacopo, éternel insatisfait de son travail.
Dans une série de 176 lettres savoureusement perverses, échangées entre une vingtaine d’épistoliers, tant en France qu’en Italie, l’auteur recrée à l’occasion d’une fiction policière sertie dans un contexte historique, l’ambiance délétère qui règne dans cette ville, entre une période de crise créatrice, les luttes politiques pour le pouvoir et la représentation ouvrière, les guerres incessantes, les pressions moralisatrices et pudibondes inspirées par l’Église et le pape contre la nudité des corps et les homosexuels, l’ombre de l’hérésie, la défense de la vertu, le poids de l’Inquisition, le souvenir des incantations punitives du moine Jérôme Savonarole, la crainte du retour de la peste comme un châtiment divin, une crue de l’Arno... Dans le petit cénacle des peintres, on se pose des questions sur cette mort de plus en plus étrange et les spéculations les plus folles fleurissent puisque l’insécurité et la peur règnent dans la ville. On se trahit, on se critique, on s’espionne entre concurrents, avec l’intransigeance jalouse des uns et la flagornerie cupide des autres, des investigations sont menées, des délations sont chuchotées, des conspirations sont fomentées, des complots sont ourdis et tout le monde est suspect, ouvriers, peintres, nonnes, bourgeois ou nobles. Apparemment la clé de cette mort mystérieuse résiderait dans un tableau de Michel-Ange, jugé licencieux, odieusement surchargé par une main anonyme et apparemment subtilisé. Sa recherche, également confiée à Vasari, est de plus en plus problématique, laborieuse et n’évite ni les impasses ni la violence, ni le sang. Le prochain mariage arrangé de la jeune Maria de Médicis qui n’arrange pas tout le monde, l’éclaircissement d’une énigmatique visite féminine nocturne le soir de la mort de Pontorno, le tout dans la préparation du carnaval, la fréquentation des tavernes voire des bordels, les ferveurs religieuses d’un couvent avec son inévitable culpabilité judéo-chrétienne et la repentance face à la permanence du péché, la toute puissance de l’Église dont le pape, ancien inquisiteur et créateur de « l’index » et pourfendeur des « sodomites » tient à ce que la société revienne à un respect de la morale et de la religion un peu oublié lors de la période précédente où la Renaissance a correspondu à une période plus laxiste.
Le titre de ce roman rappelle que la perspective, cette technique qui consiste à créer une illusion de profondeur sur une surface plane par la mise en œuvre du « point de fuite », fut inventée à Florence au Quattrocento. Cette innovation s’invite dans ce roman d’une manière inattendue, paradoxalement liée à la mort. En outre, ce titre comporte un « s » entre parenthèses, comme une éventualité, une façon de rendre les choses passées ou de les imaginer.
Dans ce roman captivant, agréable à lire, richement documenté et érudit, l’auteur, nous transporte dans l’atmosphère cette ville exceptionnelle par la richesse de son histoire et la beauté de ses monuments et qui fut pour Stendhal le lieu du syndrome qui porte son nom et dont l’ombre plane sur ce livre.
-
Six personnages en quête d'auteur
- Par ervian
- Le 06/06/2024
- Dans Luigi Pirandello
- 0 commentaire
N°1892 – Juin 2024.
Six personnages en quête d'auteur – Luigi Pirandello. L'avant-scène théâtre.
C'est une pièce de théâtre écrite par Pirandello en 1921. .
Elle est particulière à commencer par son titre un peu surprenant. Ensuite elle montre un scénario original, la survenue impromptue d'étrangers, des personnages qui ne sont pas des acteurs et qui perturbent une répétition. D'autre part la pièce ne comporte pas d'actes ni de scène et quand le rideau se baisse c'est à la suite d'une erreur du machiniste..
C'est surtout une mise en abyme. A l'occasion d'une répétition d'une pièce programmée pour un spectacle, « le jeu des rôles », l'entrée en scène d'étrangers qui souhaitent jouer une pièce qui n'est pas encore écrite mais qu'ils portent en eux. Cette pièce c'est leur profond drame intime et familial. Peu à peu cette pièce non écrite va prendre le pas sur celle qui était prévue, s'écrire au rythme de l'improvisation, avec la complicité du directeur et au grand désarroi des acteurs professionnels. C'est aussi une réflexion sur la création théâtrale entre la fiction, l'illusion et la réalité, sur la technique théâtrale, le rôle des acteurs, la différence entre le « personnage » du manuscrit qui est vrai parce qu'il porte son drame en lui-même et l'acteur qui l'incarne, qui « joue » son rôle sur la scène. Il semble qu'ici il y a une véritable opposition entre eux, les acteurs n'étant définitivement que des interprètes.
Veut-il nous dire que le théâtre est le miroir de la vie ? On verra ce qu'on voudra dans cette mise en scène baroque qui n'a pas manqué, à l'origine de faire crier le public au scandale, à l’escroquerie à la trahison ou au génie. Le théâtre comme le roman mettent en scène des personnages fictifs, qui n'ont jamais existé parce qu'ils sont nés certes de l’imagination de l'auteur mais que ce dernier construits à sa manière avec son témoignage, son message humain, ses drames, ses rêves, ses échecs et ses joies. Ce sont les malheurs humains qui nourrissent la création qu'elle soit littéraire ou théâtrale. C'est tout le problème de l'écriture qui est le reflet de la condition humaine dont chacun de nous porte en lui la marque mais qu'il n'est pas forcément capable d'exprimer, de mettre des mots sur ses maux pour les exorciser. Ici les six personnages, heureux sans doute d'avoir trouvé un auteur pour être leur interprète, Le directeur, le torturent pour qu'il exprime leur tragédie intime en s'opposant aux acteurs. Pour autant, pour que le message passe, il faut que le metteur en scène fasse des choix en rapport avec la technique du spectacle qui doit être donné au public qui, lui aussi, fait partie du jeu puisque c'est pour lui que le spectacle est écrit et joué .
Il y a aussi, me semble-t-il toute une réflexion sur la faute et aussi la honte, à travers cette famille éclatée, l'attitude du Père, de la Belle-Fille, de la la Mère et l'indifférence du Fils.
Sa première représentation à Rome en 1921 a été un four ce qui ne l'a pas empêchée d'être légèrement remaniée et traduite en plusieurs langues, mise en scène dans plusieurs pays, quant à son auteur il a obtenu le prix Nobel de Littérature en 1934. Pourtant sa carrière d'auteur n'a pas vraiment été un long fleuve tranquille puisqu'il a, un temps, envisagé d'abandonner l'écriture.
Le titre a quelque chose d’étrange qui a piqué ma curiosité. Je crois avoir apprécié cette thématique opposant les personnages de fiction aux acteurs de théâtre, la fiction contre la réalité mais je ne suis quand même pas sûr d’avoir tout compris.
Le cinéaste italien Roberto Ando s'est inspiré de cette pièce en mettant en scène un Pirandello incarné par l'excellent acteur Toni Servillo, à l'étonnante ressemblance avec son personnage.
-
Le vase étrusque
- Par ervian
- Le 06/06/2024
- Dans Prosper Mérimée
- 0 commentaire
N°1891 – Juin 2024.
Le vase étrusque - Prosper Mérimée- Librio.
C’est une nouvelle de Prosper Mérimée, publiée en 1830.
Au fil des pages, le récit révèle une histoire d’amour comme on les vivait « dans le monde » comme on disait à l’époque. Ce n’était pas pour me déplaire, non à cause du thème appréhendé d’une manière bien différente d’aujourd’hui où, dans ce domaine comme dans bien d’autres, les choses ont bien changé mais notamment parce que je demande avant tout à un écrivain d’être le témoin de son temps. On a même prétendu que cette nouvelle avait été inspirée à son auteur par un épisode de sa propre vie.
Renouant avec Mérimée, je me suis dit, au début, que la relation de cette aventure, dont les ressorts sont éternels, seraient faite de mièvrerie, de naïveté et d’hypocrisie… Elle met en présence Auguste Saint-Clair, un bourgeois renfermé qui ne recherche pas vraiment la sympathie de ses semblables et qui croise Mathilde de Coursy, une jeune et belle comtesse veuve dont il tombe follement amoureux et qui devient sa maîtresse. Leur amour est donc partagé. Lors d’un dîner de célibataires, il apprend qu’elle a été l’amante de Massigny, un être fat bien différent de Mathilde, femme d’esprit et qui lui a offert un vase étrusque d’une grande valeur exposé sur la cheminée. Saint-Clair qui avait, Dieu sait pourquoi, supposé qu’elle n’avait jamais aimé que lui, et ce malgré l’existence de son ancien mari, devint maladivement jaloux mais n’en parla pas à la comtesse. Cette dernière, lui rendant sa montre qu’elle avait fait réparée, y a ajouté son portait miniature peint sur le fond de la boite et l’informe que c’est Massigny qui lui a indiqué le peintre qui a réalisé le travail. Il n’en faut pas plus pour provoquer la jalousie d’Auguste. De plus en plus soupçonneux, malgré les dénégations de la comtesse, Saint-Clair, lors d’une promenade à cheval provoque un de ses anciens rivaux et meurt dans le duel qui les oppose. Mathilde, désespérée s’éteint trois ans plus tard dans un état de délabrement physique désastreux.
Je ne suis pas nostalgique mais c’est sans doute la marque d’une époque révolue où on pouvait encore mourir d’amour, à l’heure des divorces faciles, des unions libres et des famille recomposées. On retrouve là une constante de la société de cette époque qui accordait toute licence à l’homme, même marié, et exigeait que la femme fût pure. Quant à Saint-Clair, il était à la fois pleins d’illusions, de sentimentalisme et sans doute aussi d’exigences. Cette courte nouvelle aurait peut-être mérité une étude psychologique un peu plus poussée .
-
Tamango
- Par ervian
- Le 05/06/2024
- Dans Prosper Mérimée
- 0 commentaire
N°1890 – Juin 2024.
Tamango - Prospère Mérimée- Librio.
C’est une nouvelle assez bien documentée de Prosper Mérimée, publiée en 1829 qui ne semble pas avoir recueilli la faveur du public.
C’est un réquisitoire contre l’esclavage et met en présence un blanc, le capitaine Ledoux, un marin expérimenté devenu officier qui, en fin de carrière, se reconvertit dans le commerce négrier, et un chef de tribu sénégalais, un guerrier redoutable et amateur d’alcool, Tamango, qui fait commerce de ses ennemis en les vendant aux blancs. Lors d’une tractation un peu arrosée avec Ledoux, il lui donne sa femme, Ayché, aussitôt embarquée. A son réveil un peu embrumé Tamango cherche son épouse, la poursuit jusqu’au bateau et se retrouve capturé comme esclave par la capitaine négrier. Tamango se retrouvait donc avec ceux qu’il avait vendus, à fond de cale, avec pour seul avenir l’esclavage dans les Antilles françaises. Au cours de la traversée Tamango prend l’ascendant sur les autres prisonniers et réussit à s’emparer du navire en tuant tout l’équipage, mais, ignorant la navigation, l’affaire tourne au désastre et le brick dont ils s’étaient emparé devient rapidement une épave où seul Tamango survit. Sauvé par un navire anglais, soigné, il terminera sa vie tragiquement dans l’armée anglaise, victime de son addiction à l’alcool.
-
Mateo Falcone
- Par ervian
- Le 05/06/2024
- Dans Prosper Mérimée
- 0 commentaire
N°1889 – Juin 2024.
Mateo Falcone - Prospère Mérimée- Librio.
C’est une nouvelle de Prosper Mérimée publiée en 1829 bien que l’auteur n’ait visité la Corse que 10 ans plus tard contrairement à ce qu’il écrit dans sa nouvelle. Il s’est donc informé des coutumes locales et s’est inspiré d’un fait réel.
Mateo Falcone est un notable respecté qui habite en lisière du maquis de Porto Vecchio qui est un havre de paix pour tous ceux qui sont en délicatesse avec la justice et souhaitent échapper aux gendarmes. Il part avec sa femme visiter un de ses troupeaux en laissant la maison à la garde de son jeune fils, dernier né et héritier du nom, Fortunato. Auparavant il avait eu trois filles actuellement mariées, ce qui ne l’enchantait pas. L’enfant voit arriver un homme blessé et poursuivi par la maréchaussée, Gianetto , et accepte de le cacher contre une pièce d’argent. Bientôt les gendarmes arrivent et le garçon, cupide, dénonce celui qu’il a caché contre une montre que lui offre l’adjudant. De retour Mateo voit Gianetto prisonnier qui accuse son fils de trahison et maudit sa famille. Le père brise la montre de Fortunato et l’emmène dans la maquis et après lui avoir fait dire ses prières, le tue purement et simplement malgré les supplications de son fils. Il lui fera cependant dire une messe en espérant que Dieu lui pardonnera sa traîtrise.
En Corse l’hospitalité est sacrée, une trahison amène inévitablement une vendetta, et on n’aime guère les gendarmes. D’autre part la Corse est, à l’époque, depuis peu française, l’île ayant été été vendue à la France par la république de Gêne mais les Corse se sentent avant tout Corses. Cette nouvelle qui est une tragédie illustre Les coutumes ancestrales de cette province au XIX° siècle , son sens de l’honneur, sa fierté.
-
L'abbé Aubin
- Par ervian
- Le 30/05/2024
- Dans Prosper Mérimée
- 0 commentaire
N°1889 – Mai 2024.
L’abbé Aubin - Prospère Mérimée- Éditions Garnier frères..
En cinq lettres, une aristocrate parisienne ruinée, réfugiée avec son mari dans l’île de Noirmoutier raconte à son amie, Sophie, sa nouvelle vie. C’est triste à mourir et cela met bien en évidence ce qu’était le sort de la plupart des femmes de cette époque et de cette classe, la souffrance intime et l’église. Sauf qu’elle s’intéresse au jeune curé de la paroisse à qui elle trouve bien des qualités dont son mari semble dépourvu. Elle en devient intime au point qu’elle provoque chez lui des révélation très personnelles sur sa vie, de solliciter des cours de latin, de botanique, de théologie.. de lui prêter des livres bien différents de ceux qu’un jeune prêtre lit d’ordinaire.. Elle s’imagine des choses tout à fait impossibles, lui obtient une meilleure cure sans qu’il ait rien demandé. La sixième lettre, écrite par ce curé à un confrère après son départ de Noirmoutier semble remettre les choses à leur place.
C’est une histoire sans grand intérêt, vraie selon Mérimée, où le lecteur peut, si le désire, voir une critiques des bigotes désœuvrées, sentir l’esprit voltairien de Mérimée ou au contraire voir dans ce texte une louange de ce jeune abbé, qui n‘est cependant pas ennemi de la bonne chère. Il est précisé que ce texte est paru en 1846 dans « Le Constitutionnel » ou il était indiqué qu’y serait publié un texte anonyme « où il n’est question ni de l’Université ni des jésuites. ».
-
La chambre bleue
- Par ervian
- Le 29/05/2024
- Dans Prosper Mérimée
- 0 commentaire
N°1888 – Mai 2024.
La chambre bleue - Prospère Mérimée- Éditions Garnier frères..
Une gare est un lieu de rencontre privilégié, surtout pour les couples illégitimes. Léon et y retrouva une jeune et jolie femme, dissimulée par un voile noir comme c’était l’usage à l’époque pour éviter d’être reconnue. Elle avait tout prévu pour cette escapade avec Léon dans l’unique hôtel d’un bourg de province où on leur donna la chambre bleue. Malheureusement pour eux, des militaires s’étaient donné rendez-vous pour un dîner dans l’auberge. Durant la nuit, dans la chambre d’à côté, un bruit étrange, une vision furtive, un voisin Anglais bizarre suscitent des peurs incontrôlées où l’imagination alla bon train… mais tout cela est bel et bon et Léon ne perdit pas de vue son aventure secrète.
Une petite histoire sans prétention et aussi sans doute sans grand intérêt et, dans l’esprit de l’époque pendant la narration de laquelle l’auteur se soucie de son lecteur. En 1866, Mérimée est à Biarritz avec l’impératrice et le prince impérial . On s’y ennuie ferme et pour distraire son hôte Mérimée écrit ce texte qui est pourtant passé à la postérité.
-
Djoumane
- Par ervian
- Le 28/05/2024
- Dans Prosper Mérimée
- 0 commentaire
N°1887 – Mai 2024.
Djoumane - Prospère Mérimée- Éditions Garnier frères..
C’est le récit d’un lieutenant français en garnison en Algérie qui revient d’une mission et à peine reposé apprend qu’il va devoir repartir au combat pour lutter contre la dissidence. Auparavant, il est convié avec d’autres officiers à un repas somptueux avec une exhibition de saltimbanques au cours de laquelle une petit fille est mordue par un serpent appelé Djoumane mais sans dommage pour l’enfant puisque cela fait partie du spectacle...Le lendemain, en opération il brave le danger, se trouve en présence d’une femme qu’il suit dans un caverne et y retrouve la petite fille au serpent de la veille en compagnie d’un vieux sorcier… et du serpent. Plus tard il suit une très belle femme qui lui offre du café dans une caverne richement décorée. Ce court récit ressemble à un rêve d’autant qu’à son réveil la jolie arabe se transforme en un banal maréchal des logis de son escadron.
Ce texte paraît en 1870 correspond à la fascination qu’on avait pour l’Algérie et les conquêtes coloniales. Que Mérimée ait voulu célébrer la beauté des femmes maghrébines n’est guère étonnant et la symbolique du serpent, à la fois judéo-chrétienne et freudienne n’est jamais très loin. L’image de la caverne qui revient doit sans doute avoir une signification précise. Là aussi l’avis des psychiatres serait peut-être bienvenu.
-
Federigo
- Par ervian
- Le 27/05/2024
- Dans Prosper Mérimée
- 0 commentaire
N°1885 – Mai 2024.
Federigo - Prospère Mérimée- Librio.
Federigo est un jeune seigneur accroc au jeu et tricheur au point de ruiner douze fils de famille qui périrent dans des combats et furent précipités en enfer. Federigo lui-même connut la déchéance et se retira sans un sou dans un petit manoir qui lui restait et qi était toute sa fortune. Un soir il y reçoit le Christ et ses apôtres qui lui accorde trois vœux. En les formulant, il pense surtout à sa passion pour le jeu et au plaisir qu’il a à mystifier ses semblables. En effet, au cours de sa vie, non seulement il fait fortune grâce à ses cartes mais parvient, repentant, à tromper le dieux des enfers en lui subtilisant les âmes des malheureux fils de famille qu’il avait jadis ruinés. Il va même jusqu’à tromper la camarde et même Jésus qui, aux portes du Ciel est en quelque sorte contraint de l’y laissé entrer.
C’est une courte nouvelle parue en 1829, originale dans sa rédaction mais j’y vois une aimable mystification de la religion, une rédemption plus facilement obtenue au terme d’un astucieux parcours pour quelqu’un qui, selon les critères évangéliques ne l’aurait pas méritée, autant que la négation de la mort, ce qui correspond bien à la philosophie de l’époque.
-
Vision de Charles XI
- Par ervian
- Le 27/05/2024
- Dans Prosper Mérimée
- 0 commentaire
N°1885 – Mai 2024.
La vision de Charles XI. - Prospère Mérimée- Librio.
Avec « La Vénus d’Ill » Prospère Mérimée avait fait dans les contes fantastiques. Ici, il prend d’emblée la précaution de préciser que, d’ordinaire, on se moque des apparitions surnaturelles même si certaines sont attestées par procès-verbal avec témoignages historiques. Pour illustrer son propos il met en scène un narrateur qui révèle une prédiction connue bien avant que les faits n’arrivent. Charles XI, roi de Suède qui, après la mort de son épouse Eléonore, eut un soir, en présence de trois personnes, une vision funeste faite de fantômes, de cadavres, de sang. Il apprend que, si son règne sera exempt de violence, cinq règnes après le sien, le malheur s’abattra sur le royaume. Tout cela fut consigné par écrit et contresigné par ceux qui en ont été les témoins.
La création de tels textes aussi dramatiques pose question. Est-ce le plaisir d’écrire et d’embarquer son lecteur dans un univers inconnu et fictif, l’illustration d’un fantasme, d’une crainte que l’auteur veut ainsi exorciser, d’une volonté de changer de registre en donnant libre cours à son imagination, la manifestation et la mise en forme de l’inconscient inhibé, d’un goût caché pour l’absurde, de la projection d’une obsession intime et refoulée, la volonté de l’auteur de s’inscrire dans la réalité historique du fait puisque le procès-verbal existe réellement et que la nouvelle de Mérimée fit l’objet d’une polémique. En effet si le document officiel existe réellement, Mérimée l’a intégré volontairement dans un récit fantastique en le mettant en scène à sa manière ce qui outrepasse quelque peu le fait historique. Il convient de noter que Mérimée fait mention d’Ankarstroem qui est l’ authentique régicide de Gustave III.
Ainsi ce court texte, fort agréable à lire, est-il de nature peut-être à intéresser aussi les psychiatres qui ne manqueraient pas de procéder à une dissection psychologique mais cela m’a paru à moi, qui ne suis qu’un simple lecteur, un bon moment de lecture.
-
La partie de trictrac
- Par ervian
- Le 25/05/2024
- Dans Prosper Mérimée
- 0 commentaire
N°1884 – Mai 2024.
La partie de trictrac . - Prospère Mérimée- Librio.
Sur un bateau immobilisé en pleine mer faute de vent le capitaine raconte au narrateur l’histoire d’un lieutenant de marine du premier empire, Roger, qui, ayant rencontré Gabrielle, une femme peu farouche devenue comédienne en est évidemment tombé follement amoureux. Évidemment pour satisfaire ses caprices il se ruine et un soir il joue au trictrac, triche et gagne une forte somme d’argent au détriment d’un officier hollandais qui, désespéré se suicide. Il a fait cela par amour pour cette femme mai, miné par la culpabilité, Roger songe à se suicider à son tour; Gabrielle tente de le raisonner, mais lui préfère trouver la mort dans un combat contre les Anglais, affrontant en quelque sorte son destin d’honnête homme malgré l’amour qu’il porte à Gabrielle. L’épilogue est surprenant et le capitaine interrompt brutalement son histoire parce qu’une baleine apparaît qu’on va chasser, brisant ainsi la monotonie de cette interminable attente. J’ai eu plaisir à relire Mérimée mais j’ai commencé par ses nouvelles fantastiques qui ont ma préférence. Là j’ai été un peu déçu.
-
Il viccolo du madama Lucrezia
- Par ervian
- Le 25/05/2024
- Dans Prosper Mérimée
- 0 commentaire
N°1883 – Mai 2024.
Il viccolo di Madama Lucrezia . - Prospère Mérimée- Librio.
Mérimée renoue avec les nouvelles fantastiques. Le narrateur, un jeune homme de famille de 23 ans se rend à Rome, sans doute pour faire son « grand tour » comme cela se faisait à l’époque. Son père lui recommande l’adresse , avec lettre introduction, d’une marquise qu’il a jadis connue, qualifiée de « bacchante » ce qui en dit assez long sur leur vieilles relations. Son souvenir, entretenu par un portrait suspendu dans le cabinet de travail paternel, mettait mal à l’aise sa mère et rendait son père quelque peu pensif. Le jeune homme s’y rend donc, accueilli chaleureusement par son hôte devenue dévote et qui retrouve avec plaisir en ce jeune homme les traits de son père. Il est confié au bons soins de son deuxième fils destiné à devenir sous peu cardinal mais dont le destin se révélera quelque peu différent. Il est intrigué par un étrange portrait de Lucrèce Borgia, il se trouve être le témoin d’un récit tragiquement prémonitoire et un pouvoir supposé de certaines statues. Et ce n’est que le début pour lui puisqu’il est le témoin accidentel puis passionné d’une invitation féminine à laquelle il n’entend pas résister, curieux qu’il est des mystères qui l’entourent et sans doute désireux de marcher sur les traces un peu coquines de son père.
Certes Mérimée transporte son lecteur dans un autre monde irrationnel et plein de suspens, mais je note qu’il associe toujours ces histoires imaginaires et parfois diaboliques à des figures féminines, à la fois belles et sensuelles. On pensera de cela ce qu’on voudra.
J’ai eu plaisir à retrouver le style de cet auteur un peu oublié et cette trop courte lecture fut pour moi un bon moment.
-
Il viccolo di madama Lucrezia
- Par ervian
- Le 25/05/2024
- 0 commentaire
N°1883 – Mai 2024.
Il viccolo di Madama Lucrezia . - Prospère Mérimée- Librio.
Mérimée renoue avec les nouvelles fantastiques. Le narrateur, un jeune homme de famille de 23 ans se rend à Rome, sans doute pour faire son « grand tour » comme cela se faisait à l’époque. Son père lui recommande l’adresse , avec lettre introduction, d’une marquise qu’il a jadis connue, qualifiée de « bacchante » ce qui en dit assez long sur leur vieilles relations. Son souvenir, entretenu par un portrait suspendu dans le cabinet de travail paternel, mettait mal à l’aise sa mère et rendait son père quelque peu pensif. Le jeune homme s’y rend donc, accueilli chaleureusement par son hôte devenue dévote et qui retrouve avec plaisir en ce jeune homme les traits de son père. Il est confié au bons soins de son deuxième fils destiné à devenir sous peu cardinal mais dont le destin se révélera quelque peu différent. Il est intrigué par un étrange portrait de Lucrèce Borgia, il se trouve être le témoin d’un récit tragiquement prémonitoire et un pouvoir supposé de certaines statues. Et ce n’est que le début pour lui puisqu’il est le témoin accidentel puis passionné d’une invitation féminine à laquelle il n’entend pas résister, curieux qu’il est des mystères qui l’entourent et sans doute désireux de marcher sur les traces un peu coquines de son père.
Certes Mérimée transporte son lecteur dans un autre monde irrationnel et plein de suspens, mais je note qu’il associe toujours ces histoires imaginaires et parfois diaboliques à des figures féminines, à la fois belles et sensuelles. On pensera de cela ce qu’on voudra.
J’ai eu plaisir à retrouver le style de cet auteur un peu oublié et cette trop courte lecture fut pour moi un bon moment.
-
Il viccolo di madama Lucrezia
- Par ervian
- Le 25/05/2024
- 0 commentaire
N°1883 – Mai 2024.
Il viccolo di Madama Lucrezia . - Prospère Mérimée- Librio.
Mérimée renoue avec les nouvelles fantastiques. Le narrateur, un jeune homme de famille de 23 ans se rend à Rome, sans doute pour faire son « grand tour » comme cela se faisait à l’époque. Son père lui recommande l’adresse , avec lettre introduction, d’une marquise qu’il a jadis connue, qualifiée de « bacchante » ce qui en dit assez long sur leur vieilles relations. Son souvenir, entretenu par un portrait suspendu dans le cabinet de travail paternel, mettait mal à l’aise sa mère et rendait son père quelque peu pensif. Le jeune homme s’y rend donc, accueilli chaleureusement par son hôte devenue dévote et qui retrouve avec plaisir en ce jeune homme les traits de son père. Il est confié au bons soins de son deuxième fils destiné à devenir sous peu cardinal mais dont le destin se révélera quelque peu différent. Il est intrigué par un étrange portrait de Lucrèce Borgia, il se trouve être le témoin d’un récit tragiquement prémonitoire et un pouvoir supposé de certaines statues. Et ce n’est que le début pour lui puisqu’il est le témoin accidentel puis passionné d’une invitation féminine à laquelle il n’entend pas résister, curieux qu’il est des mystères qui l’entourent et sans doute désireux de marcher sur les traces un peu coquines de son père.
Certes Mérimée transporte son lecteur dans un autre monde irrationnel et plein de suspens, mais je note qu’il associe toujours ces histoires imaginaires et parfois diaboliques à des figures féminines, à la fois belles et sensuelles. On pensera de cela ce qu’on voudra.
J’ai eu plaisir à retrouver le style de cet auteur un peu oublié et cette trop courte lecture fut pour moi un bon moment.
-
La Vénus d'Ill
- Par ervian
- Le 25/05/2024
- Dans Prosper Mérimée
- 0 commentaire
N°1882 – Mai 2024.
La Vénus d'Ill . - Prospère Mérimée- Librio.
Le narrateur un archéologue parisien, se trouve en visite en pays catalan chez un notable local, antiquaire, sur les terres de qui on a découvert par hasard une magnifique statue en bronze de Vénus. Cette découverte assez fortuite est d'abord l'occasion, entre ces deux hommes de faire acte d'érudition autour de cette oeuvre et des inscriptions qu'on peut y lire. Notre narrateur, sans doute auréolé de son savoir, se trouve invité au mariage du fils de famille, Alfonse. Dès lors on se met à parler librement de cette Vénus qui non seulement est d'une beauté presque vivante mais aussi semble se défendre, renvoie les cailloux qu'on lui lance, casse la jambe de celui qui l'a déterrée, semble s'approprier une bague qu'Alfonse a glissé à un de ses doigts. Tout cela pourrait être le simple fait du hasard ou tout bonnement l'effet du vin mais la nouvelle prend une dimension fantastique et énigmatique, sur fond de portraits assez ternes d'Alphonse et de son père, de mariage bourgeois arrangé avec ses rites traditionnels, l'innocence de l'épousée… et le tout sans joie ni amour pour les mariés et surtout à cause de la mort étrange d'Alfonse au cours de la nuit de noces. Dès lors l'invité se transforme en enquêteur, se rappelle de vagues menaces proférées. Et ce n'est pas le seul mystère autour de cette statue.
Mérimée est aussi l'auteur de Carmen, oeuvre à laquelle Georges Bizet donna sa notoriété. Cette femme est comme cette statue, une beauté enivrante mais fatale.
J'ai eu plaisir à retrouver le style de cet auteur un peu oublié, et c'est dommage. -
L'occupation américaine
- Par ervian
- Le 21/05/2024
- Dans Pascal QUIGNARD
- 0 commentaire
N°547 – Novembre 2011.
L'Occupation américaine – Pascal QUIGNARD – Éditions du Seuil.
Marie-José Vire, fille du quincaillier-épicier de Meung sur Loire et Patrick Carrion, fils du vétérinaire de ce même village... Ils s'aiment depuis l'enfance, c'est à dire depuis les années 50. Ils sont allés à l'école ensemble, ont découvert ensemble le monde immédiat, c'est à dire les paysages de Sologne faits de terre et d'eau, l'eau de la Loire et celle du ciel, ont rêvé ensemble à l'avenir, se sont inventé des histoires où ils étaient les seuls acteurs, dans le décor d'une île sur le fleuve ...Seul leur amour les intéresse, mais c'est un amour d'enfant fait de peurs et d'imaginaire. Patrick est même devenu l'auxiliaire zélé du curé, mais cela ne dure qu'un temps... Dehors, c'est un autre monde, celui des adultes, de l'Histoire, des guerres et de leurs conséquences, de la politique intérieure et internationale. Que le monde autour d'eux soit en flammes ne les concerne en rien. Ce qu'ils voient se sont les troupes américaines qui occupent la France sans pour autant l'avoir vaincue. Avant, il y avait eu les Romains, Attila, Jeanne d'Arc et l'occupant anglais, les Allemands et maintenant les Américains ! Et Meug sur Loire, c'est aussi la ville qui avait jadis accueilli François Villon pour le mettre aux fers !
Cet autre monde, ils l'observent de loin, toujours ensemble et ce qu'ils voient c'est un camp protégé par des barbelés, une ville étrangère avec ses magasins, ses rites militaires, son drapeau... C'est pourtant un monde qu'on singe volontiers quand on est adolescent. On en adopte les coutumes, des rudiments de la langue, les cigarettes, les boissons, la drogue, la musique, les trafics, les voitures. Il fascine ce monde-là surtout quand le corps change, comme celui de Marie-José qui devient belle, désirable et intéresse un sergent Américain qui pourrait être son père ! Pour elle c'est un peu le rêve qui se dessine, loin de Patrick... Lui non plus n'est pas insensible aux charmes de Trudy, la jeune américaine mais il pense surtout au jazz, à la batterie et au groupe qu'il a formé au village. Pour lui, la vie immédiate c'est les photos de pin'up, la bannière étoilée, la bière, pendant que les adultes crient volontiers « Us go home » et craignent pour la vertu de leurs filles. Puis vient l'anniversaire de Patrick que chacun fête à sa manière avec, en contre-point la mort [« La mort est seule à arracher notre vie à elle-même »], la désintégration du groupe de musique, le bac qu'il faut passer, le départ définitif des Américains, l'incompréhension qui mine la famille de Patrick et sa vie à côté de Marie-José qui se décline sur le mode « Je t'aime moi non plus ».
J'ai peu goûté les dissertations philosophiques de Rydell sur la vie et la mort. J'ai lu ce livre paru en 1994 jusqu'au bout, davantage pour en connaître la fin que par réel intérêt. Ce dernier est venu pourtant, mais pas avant les vingt dernières pages. Même si le style m'a paru un peu sec, même si d'ordinaire je ne goûte guère les romans qui affectionnent le « happy end », cela m'a laissé un goût amer et pour tout dire je m'attendais à autre chose de la part de celui qui sera Prix Goncourt en 2002. D'ailleurs, mon improbable lecteur pourra constater que malgré la lecture que j'ai pu faire de quelques romans de cet auteur, je n'en ai guère été bouleversé.
©Hervé GAUTIER – Novembre 2011.http://hervegautier.e-monsite.com
-
Les ombres errantes
- Par ervian
- Le 20/05/2024
- Dans Pascal QUIGNARD
- 0 commentaire
N°1881 – Mai 2024.
Les ombres errantes – Pascal Quignard – Grasset.
Prix Goncourt 2002.
Selon le testament d’Edmond de Goncourt, le prix ainsi crée par testament en 1892 récompense des auteurs d’expression française. Il est décerné « au meilleur ouvrage d’imagination en prose paru dans l’année ». D’ordinaire il s’agit d’un roman, c’est à dire d’une histoire, authentique ou imaginée, racontée par un auteur avec un début un développement et une fin. Le livre refermé, on ne peut guère dire qu’il s’agit d’un roman puisque cet ouvrage est en fait une somme d’interrogations, d’affirmations, d’aphorismes, certes érudits comme c’est la coutume chez Pascal Quignard et nul ne s’en plaindra, où la fiction voisine avec l’essai, le poème libre et le conte philosophique. J’ai eu le sentiment, en lisant cette série de textes répartis en cinquante cinq chapitres plus ou moins longs, de lire des fiches techniques ou des remarques personnelles, des esquisses littéraires qui souvent ont trait à l’écriture, à la lecture, et destinées peut-être à la rédaction de futurs livres. Après tout peu importe et dans ce domaine aussi les choses sont faites pour évoluer. Il s’agit d’un ouvrage inclassable, une réflexion sur la mort, le sexe, le plaisir, le langage, le passé propre à chacun, la politique, la morale, l’histoire et son cortège de personnages autant que le temps qui passe pour chacun d’entre nous et qui tisse sa trame de souvenirs, c’est à dire des choses bien humaines au demeurant.
Que sont donc ces « ombres errantes » qui évoquent le clavecin de François Couperin ? Sont-ce les âmes de ses ancêtres, celles des Enfers, que voit le dernier roi des Romains avant d’expirer sous les coups de Clovis ? Sont-ce ces textes qui composent cet ouvrage, qui suscitent la réflexion, la critique ou souligne la scansion d’une phrase ou la musique des mots, entre récits et pensées vagabondes, insoumises à la fois à l’ordre et à la logique d’un raisonnement et à la force du désir ? Sont-ce des souvenirs diffus qui peuplent la mémoire, qu’il s’agisse de corps de femmes désirées et objets de fantasmes ou des réflexions sur le vécu ses propres remords, ses mensonges, ses souffrances ? Sont-ce ces pensées, dignes parfois d’une écriture automatique, qui fusent sous la plume et imposent leurs mots à la page blanche comme autant de jalons ? Sont-ce des silhouettes de vivants juste entraperçues et fuyant la lumière, avec leur vécu, leurs secrets intimes leurs potentielles jouissances et leur solitude ou des images furtives qui ne sont qu’illusions et qu’énigmes ?Sont-ce les leçons tragiques de l’histoire qu’on oublie trop souvent ?
Ouvrage étonnant dans sa forme autant que dans son esprit, déroutant parfois, loin du roman traditionnel couronné d’ordinaire par cette académie. A moins, bien sûr, que je sois passé à côté de quelque chose ! J’ai en tout cas apprécié, comme toujours, le style, la fluidité et la précision de la phrase et la pertinence des remarques.
-
La dentellière
- Par ervian
- Le 19/05/2024
- Dans Pascal Lainé
- 0 commentaire
N°1880 – Mai 2024.
La dentellière – Pascal Lainé – Gallimard.
Prix Goncourt 1974.
Je rouvre ce livre, lu et apprécié à sa sortie, il y a bien longtemps parce qu’il y a quelque chose qui me rappelle des bribes de mon existence personnelle, des bribes seulement. Je ne me souviens plus qu’elle a été ma réaction à ce moment-là mais j’ai relu ce roman sans désemparer, comme une redécouverte et cette histoire qui aurait pu être un peu mièvre m’a à nouveau passionné.
La première partie, la plus longue, raconte l’histoire de Pomme, une oie banche, pour qui la vie n’avait pas été généreuse et qui s’attendait à ce que cela ne change pas jusqu’à la fin. Elle rencontre, un peu par hasard Aimery, un étudiant probablement plein d’avenir mais noblaillon ruiné avec qui elle se met en ménage. Comme toutes les jeunes filles, elle cherche un mari pour fonder une famille, mais qu’espère-t-elle vraiment ? Entrer dans cette lignée où d’évidence elle n’a pas sa place et ainsi sortir de sa condition de modeste salariée et de sa pauvreté, l’aime-t-elle vraiment au point de reconstituer auprès de lui le rôle traditionnel de l’épouse, dévouée, fidèle, économe, efficace au point qu’il voit en elle cette « dentellière » dont il rêvait peut-être et qui lui fait l’offrande de sa virginité. Joue-t-elle plus ou moins consciemment ce jeu sans perdre de vue cet objectif de s’unir à lui pour la vie ? On imagine très bien la mère de ce garçon faisant la morale à son fils et lui rappelant ses origines, dénonçant une éventuelle mésalliance insupportable, le rejet de la tradition dans une famille traditionnelle, bien pensante et catholique. Avec Pomme, il fait l’amour, profitant certes de la beauté de cette jeune fille un peu naïve, lui qui n’a pas dû avoir beaucoup de succès auparavant, mais ils font de plus en plus vieux couple et le silence s’installe entre eux, l’inverse d’une passion amoureuse ! Même si elle avait ce qu’il fallait pour obtenir ce qu’elle voulait, elle accepte sans broncher la rupture qu’Aimery lui impose parce qu’ils ne sont pas du même monde et la vie reprend son cours pour chacun. Ils auraient se tromper mutuellement, elle aurait pu tomber enceinte et le mettre devant ses responsabilités mais rien de tout cela et le garçon peut poursuivre ses études et fantasmer sur son avenir. Il tourne simplement cette page de sa vie comme on clôt une passade. Sa réaction à elle est bien différente. Elle traînera sa peine comme un échec pendant longtemps se laissant peu à peu gagner par la folie. Un épilogue bouleversant où les impressions ordinaires qu’on peut avoir après avoir lu cette histoire bien banale prend ainsi une dimension plus tragique.
La deuxième partie de ce roman, d’ailleurs beaucoup plus courte, donne à ce récit une dimension différente puisque la rédaction passe à la première personne. Ce n’est peut-être qu’une histoire racontée mais ce changement dans la rédaction me donne à penser qu’il pourrait peut-être cacher une dimension autobiographique, une manière de se débarrasser d’une honte, d’une culpabilité et ainsi donner à l’écriture une dimension exorciste. J’ai beaucoup réfléchi, à titre personnel, sur cette fonction qu’on prête à l’écriture, comme si poser des mots sur d’éventuels maux pouvait suffire à les guérir. Je n’en suis plus très sûr aujourd’hui et le remords me paraît devoir survivre au baume supposé des mots. Le film qui s’en inspire a consacré la frêle silhouette d’Isabelle Huppert d’ailleurs primée au Festival de Cannes 1977 qui incarne parfaitement Pomme.
J’ai apprécié cette relecture parce que le style de Pascal Lainé est fluide et agréable à lire. J’observe d’ailleurs qu’il est quelque peu différent dans sa composition, plus classique, plus suave de celui qu’on rencontre sous la plume des auteurs d’aujourd’hui. C’est là une simple constatation et l’écriture doit elle aussi évoluer, être en phase avec son temps. Il change et elle en est le miroir. Cinquante ans (déjà) sont passés depuis ce prix prestigieux et la façon d’écrire était différente.
-
Les larmes
- Par ervian
- Le 18/05/2024
- Dans Pascal QUIGNARD
- 0 commentaire
N°1879 – Mai 2024.
Les larmes – Pascal Quignard – Grasset.
La lecture d’un ouvrage de Mathias Énard sur le langage (« J’y mets ma langue à couper » chez Bayard) a attiré mon attention et mon intérêt pour ce roman de Pascal Quignard.
Notre langue française, celle qui nous sert à nous exprimer chaque jour, a une date de naissance officielle. Elle est liée à un évènement historique. En 842, par une matinée d’hiver, entre l’Ill et le Rhin, Charles de Chauve et Louis le Germanique, c’est à dire les fils de Louis le Pieu et donc les petits-fils de Charlemagne, signent une alliance contre leur frère Lothaire 1°qui revendiquait des territoires. Pour être bien compris des troupes de Charles, Louis prête serment en langue romane et Charles fait de même en langue germanique. Ce sont « les serments de Strasbourg » et donc la naissance de la langue française. L’empire franc fut donc partagé en trois, ce qui fut l’esquisse de l’Europe, déjà menacée par les Arabes venus du sud et les Normands du nord. Berthe, une des filles de Charlemagne donna naissance à des jumeaux au caractère bien différent, Hartnid, soldat et homme politique, voyageur, séducteur, et Nithard, chroniqueur, historien et abbé de Saint-Riquier, transcripteur des serments de Strasbourg en trois langues y compris le latin, ce qui fait de ce document une véritable pierre de Rosette de l’Europe. Pascal Quignard fait revivre ces deux personnages historiques passés au second plan de l’Histoire. Il le fait non seulement avec des précisions historiques et une grande érudition mais aussi poétiquement, ce qui est un hommage à notre langue et procure un réel plaisir au lecteur. Il procède d’une manière originale pour énoncer cette histoire. Par petits chapitres, il déroule un conte, un poème, une légende ou un fait historique et nous entraîne, grâce à son écriture à la fois fluide, musicale, émouvante et parfois sensuelle, dans ce contexte historique où les animaux se mêlent aux hommes, le quotidien au merveilleux, le profane au religieux, les terres à la mer. Le titre qui peut paraître étrange à première vue est un symbole, décliné plusieurs fois par les personnages et habillés différemment mais évoquant toujours l’eau, la douleur. et la mort. Et puis « Écrire… c’est noter le mal » nous dit Pascal Quignard.
Dans son ouvrage Mathias Énard, talentueux sculpteur de notre belle langue française, a qualifié ce roman de « magnifique ». J’ai eu raison de lui faire confiance.
-
J'y mets ma langue à couper
- Par ervian
- Le 15/05/2024
- Dans Mathias Enard
- 0 commentaire
N°1877– Mai 2024.
J’y mets ma langue à couper – Mathias Énard – Bayard (Petite conférence).
Qui mieux que Mathias Énard, universitaire, traducteur, érudit, polyglotte, prix Goncourt 2015, pour parler du langage, c’est à dire du moyen par lequel, depuis la nuit des temps les hommes communiquent entre eux. Reprenant une idée originale d’avant la deuxième guerre d’émissions radiophoniques destinées à la jeunesse, Gilberte TsaÏ, directrice artistique et metteuse en scène qui assura la direction du « Théâtre public de Montreuil », organisa de « petites conférences » destinées aux enfants, c’est à dire dans un esprit différent des traditionnels colloques. C’est dans ce cadre qu’est intervenu Mathias Énard en 2019 à Sierk-les-Bains, à bord d’une péniche.
Au prétexte d’une petite déformation humoristique d’une expression populaire (en mettre sa main à couper qui signifie une affirmation sans l’ombre d’un doute, péremptoire ) notre auteur choisit de disserter sur la langue qui est le ciment politique d’une nation, l’appartenance de ses membres à un groupe, à un pays, à une culture, à des valeurs et sur les problèmes que cela pose. C’est aussi un élément de compréhension entre des peuples différents qui commercent entre eux ou se combattent mais c’est aussi, pour un petit groupe, une façon de se protéger d’autrui pour ne pas en être compris. Mathias Énard, en bon pédagogue linguiste, refait l’histoire de la langue, probablement unique à l’époque de la Bible, évoque le mythe de la « Tour de Babel », de la volonté humaine d’unité et de la sanction divine qui brouilla les langues et dispersa les peuples qui ne se comprenaient plus. Il se penche notamment sur la naissance de sa langue maternelle, le français, ses origines, les apports extérieurs, ses évolutions, ses adaptations, la volonté politique, au cours des siècles, d’étouffer les langues régionales minoritaires, revient sur des idées reçues. La nécessaire survie d’une langue suppose son enseignement et sa pratique face à la volonté de créer une langue unique comme l’espéranto ou le volapük , pour ne rien dire des langues de fiction qui n’échappent évidemment pas aux enfants, parce que ne pas parler la langue d’autrui, nonobstant la traduction, est une malédiction.
Cette conférence a été close par une série de questions-réponses et, évidemment, les enfants se sont intéressés à la façon de s’exprimer chez les animaux. Mathias Énard n‘a rien esquivé, sans pour autant « donner sa langue un chat » (encore que) en s’interrogeant sur l’origine de la langue humaine et à quel moment l’homme en tant qu’animal commence à développer son langage. Cette réflexion sur la vie et la mort des langues est un peu technique mais passionnante. Suivre notre auteur quand il parle de son rapport à écriture est aussi plein d’enseignement et d’intérêt. L’article de Sylvie Lisiecki paru dans le n° 84 de janvier – mars 2019 de « Chronique » (BNF) est éclairant à ce titre.
-
Tout sera oublié
- Par ervian
- Le 13/05/2024
- Dans Mathias Enard
- 0 commentaire
N°1878 – Mai 2024.
Tout sera oublié – Mathias Énard – Pierre Marquès - Acte Sud BD.
Sarajevo, Bosnie-Herzégovine, la ville, héritière des empires ottoman et austro-hongrois, est évidemment liée à la Grande guerre mais de 1992 à 1996, elle a été assiégée et Croates, Bosniaques et Serbes s’y sont entre-déchirés. Cette histoire met en scène, vingt ans après, un narrateur, venu ici pour concevoir un monument à la mémoire de cette période douloureuse, censé symboliser la réconciliation. Il imagine cette mission qu’il juge impossible à travers les yeux de Marina, une jeune architecte et Igor un écrivain local et se demande à travers les ruines, les mines qui restent et les traces de cette guerre, comment c’était « avant » et « pendant ». C’était un peu comme les camps nazis, le vide. C’est aussi là son sujet, la conservation de la mémoire collective malgré les traces qui peu à peu s’effacent parce que l’amnésie est le propre de la nature humaine et quelques vestiges de peinture sur les murs, quelques dessins, même ceux de Pierre Marquès, n’y feront rien. Il en va des évènements comme des gens, le temps qui passe gomme tout et l’oubli prévaut toujours.
-
Boire à Niort
- Par ervian
- Le 07/05/2024
- Dans Mathias Enard
- 0 commentaire
N°1876– Mai 2024.
Boire à Niort – Mathias Enard – Skki -Winterlog Galerie.
Qu’on se rassure, ce petit livre n’est pas un catalogue des débits de boissons niortais, non plus d’ailleurs qu’une invitation à consommer des boissons alcooliques, même si cette ville a, entre autres spécialités, la liqueur d’angélique. C’est une déambulation dans la cité de Niort que Houellebecq a cru bon de stigmatiser dans un de ses derniers romans en l’évoquant comme une ville triste, ce qu’elle n’est évidemment pas. Le lecteur la découvre à travers douze quatrains en alexandrins, accompagnés, calligraphiés et illustrés de photos de Niort et d’ailleurs, de l’artiste Skki. Cela a donné une exposition urbaine qui a eu lieu de mai 2021 à février 2022, qui a été présentée au Palais de Tokyo à Paris en juin 2023 et qui est publiée ici au fil des pages.
Enard, grand voyageur, romancier consacré, connaisseur du Moyen-Orient et observateur du quotidien s’est arrêté ici, simplement parce qu’il y est né et qu’il y a passé sa jeunesse. Il promène son lecteur dans les rues et c’est pour lui l’occasion d’évoquer l’angélique, cette plante qui protégeait, dit-on, jadis de la peste, mais aussi le quai de la Regratterie, havre de calme dans l’agitation de la ville, les frondaisons apaisantes du Marais Poitevin tout proche, la chamoiserie qui en fit si longtemps la richesse… Il évoque les grands noms qui honorèrent cette ville, industriels, cinéaste, hommes des Lettres et des Arts et son prix Goncourt en 2015 le place évidemment parmi eux !
Sa pérégrination lui fait croiser le regard de jolies passantes dont les yeux, la silhouette l’émeuvent et la beauté lui inspirent quelques mots joliment tressés qui accompagnent des moments d’histoire locale et des images urbaines, entre photos de smartphones et port du masque à cause de la pandémie. Alors boire un verre, surtout avec les copains, au bord de la Sèvre pourquoi pas, puisque François Rabelais qui fut moine à l’abbaye de Maillezais toute proche a bien dû passer par Niort et y laisser son empreinte. Souvenirs d’enfance, nostalgies des amours oubliées, regrets de la fugacité du temps, beauté des femmes… le lecteur découvre la belle plume d’un poète attachant, inattendu peut-être, mais qui aime à arpenter sa ville, l’œil et l’esprit en éveil, fixer l’instant et y mettre des mots.
-
La ragazza di Hopper
- Par ervian
- Le 06/05/2024
- Dans Fabio Bussotti
- 0 commentaire
N°1875– Mai 2024.
La ragazza di Hopper - Fabio Bussotti – Mincione Edizioni.
Un giallo classico. Nel settembre 2020 in una camera di un albergo di Roma, una bella et giovane cameriera rumena, Nora Rednic, è stata strangolata. I poliziotti l’hanno trovata semi nuda. Gli altri dipendenti non la conoscevano bene tranne Marisól, un altra cameriera peruviana. Lei riferisce ai poliziotti che Nora, benché sia una semplice impiegata, era colta, parlava molte lingue e leggeva molti libri ma non era felice . Suo marito, un monumentale muratore rumeno, la picchiava. Nora le confidava che iI suo matrimonio e stato un errore. Era triste e depressiva. Il commissario Bertone e la sua squadra sono incaricati del caso. Hanno trovato una lettera d’amore anonima, scritta in italiano e in spagnolo. L’inchiesta si presentava molto complicata con un marito violento, instabile e ladro , una duchessa vecchia e ricca,un strano cuoco peruvianno, un arresto violento del marito di Nora . Una multitudine di personnagi che fanno un po’smarirsi il lettore. Tutto questo durante la pandemia di Covid e le difficoltà del commissario Bertone con l’alcol. L’ispettore Pizzo, un collaboratore di Bertone, in vacanza con sua moglie a Madrid, ha visitato il museo Thyssen-Bornemisza dove c’é il quadro,« Room Hotel », di Edward Hopper,un pittore américano molto connosciuto, morto nel 1983. Il quadro gli ricordava l’arredo della camera dell’ hotel di Roma, con la morta sul letto. Il commissario racconta il crimine a Mafalda Moraes, la sua torrida amante, direttrice del Withney Museum a New York e critica d’arte, di cui aveva l’impressione di essere in un dipinto di Hopper. .A partire da quella impressione, Mafalda si ricorda che Hopper aveva rilasciato un’ intervista a un giornalista irlandese, negli anni 60, il quale, parlando con Jo, la moglie di Hopper, gli aveva appreso come suo marito dipingeva . Per esempio lui aveva dipinto una ragazza, seduta in un cinema di notte a Brodway. Lui et Jo, giocando, l’avevano chiamata Nora é avevano deciso che era una cameriera colta che faceca il turno di notte in un hotel di Manhattan. Poco dopo, Hopper aveva letto in un ritaglio di un giornale che una cameriera era stata trovata stragolata, di notte, a l’ultimo piano di un un hotel di Manhattan. Il cadavere era stato scoperto da una cameriera che aveva dichiarato che la sua collega, trovata morta, il cui marito era un ex pugile, era una donna stupenda, colta, che leggeva molti libri e aveva l’abitudine di vedere film a Brodway. Quella ragazza se chiamava Nora. Una coincidenza straordinaria ! Hopper dipingeva un altro quadro rappresente una stanza vuota con un raggio di sole, ma senza ragazza perché morta. Jo diceva che suo marito non poteva dipingere un personnagio senza conocerne la vita, le speranze, la storia, o immaginarla… Hopper è il pittore della solitudine rapresentata attraverso le donne.
I quadi di Edward Hopper mi piacciono molto e li ho rivisti con piacere. Ritrovarsi in uno dei sui quadri dev’ essere una sensazione eccezionale.
La Jeune fille de Hopper – Fabio Bussoti- Mincione Edizioni.
Un roman policier classique .
En septembre 2020, dans une chambre d’hôtel de Rome, une belle et jeune femme de chambre roumaine, Nora Rednic,a été étranglée. Les policiers l’ont trouvée à demi-nue. Les autres employés ne la connaissaient pas bien, à l’exception de Marsól, une autre femme de chambre péruvienne qui déclare aux policiers que, bien que Nora soit une simple, elle était cultivée, parlait plusieurs langues, lisait beaucoup de livres mais n’était pas heureuse. Son mari, un impressionnant maçon roumain, la battait. Nora lui confiait que son mariage a été un erreur. Elle était triste et dépressive.
Le commissaire Bertone et son équipe sont chargés de cette affaire. Ils sont trouvé une lettre d’amour anonyme, écrite en italien et en espagnol. L’enquête se présentait comme très compliquée avec un mari violent instable et voleur, une duchesse vieille et riche, un étrange cuisinier péruvien, une arrestation violente du mari de Nora. Une multitude de personnages qui égarent un peu le lecteur, le tout pendant la pandémie de Covid et les problèmes d’alcool du commissaire.
L’inspecteur Pizzo, un collaborateur de Bertone, en vacance avec sa femme à Madrid a visité le musée Thyssen-Bornemisza où il y a un tableau baptisé « Room Hotel », de Edward Hopper, un peintre américain très connu , mort en 1983 . Le tableau lui rappelle l’ameublement de la chambre de l’hôtel à Rome, avec la morte sur le lit. Le commissaire raconte le crime à Mafalda Moraes, son amante torride qui est aussi directrice du Withney Museum à New York et également critique d’art laquelle a l’impression d’être dans un tableau de Hopper. A partir de cette impression, Mafalda se souvient que Hopper avait accordé une interview à un journaliste irlandais, dans les années 60, lequel, parlant avec Jo, l’épouse de Hopper lui avait appris comment son mari peignait. Par exemple, il avait peint une jeune femme, assise dans un cinéma, la nuit à Brodway. Lui et Jo, par jeu, l’avaient appelée Nora et avaient décidé qu’elle était une femme de chambre cultivée qui travaillait dans une équipe la nuit dans un hôtel de Manhattan. Un peu plus tard, Hopper avait lu dans un entrefilet de journal qu’une femme de chambre avait été trouvée étranglée,la nuit, au dernier étage d’un hôtel de Manhattan. Le cadavre avait été découvert par une femme de chambre qui avait déclaré que sa collègue trouvée morte et dont le mari était un ex-boxeur, était une femme extraordinaire, qui lisait beaucoup et avait l’habitude d’aller voir des films à Brodway. Cette jeune fille s’appelait Nora. Une coïncidence extraordinaire !
Hopper peignit un autre tableau représentant une chambre vide avec un rayon de soleil mais la jeune fille parce qu’elle était morte. Jo disait que son mari ne pouvait pas peindre un personnage sans en connaître la vie, les espoirs , l’histoire, ou l’imaginer… Hopper est le peintre de la solitude représentée par les femmes.
Les tableaux de Hopper me plaisent beaucoup et je les ai ai revus avec plaisir. Se retrouver dans un de ses tableaux doit être une sensation exceptionnelle.
-
La panthère des neiges
- Par ervian
- Le 05/05/2024
- Dans Sylvain Tesson
- 0 commentaire
N°1874– Mai 2024.
La panthère des neiges – Sylvain Tesson – Vincent Munier – Gallimard.
Sylvain Tesson est vraiment l’homme de tous les défis, surtout quand il y a y a un voyage en jeu. Ainsi quand le photographe animalier Vincent Munier lui a proposé de l’accompagner au Tibet à la poursuite de la panthère des neiges, sa réponse ne pouvait être que positive et enthousiaste puisque cette quête supposait aussi une qualité supplémentaire ; la patience. Avec Marie, cinéaste animalière, compagne de Vincent et Léo, doctorant en philosophie et aide-photographe, ils formèrent cette « bande des quatre » qui allaient arpenter la Chine.
Ils escaladèrent donc jusqu’à 5 200 mètres, aux sources du Mékong et après avoir croisé des ânes sauvages, des chèvres bleues, des yacks, des aigles, leur patience a été récompensée par des « apparitions » de cette panthère des neiges qui les observait sans crainte et même avec une certaine tolérance, comme des voyageurs curieux, avec qui elle partageait temporairement son territoire et un moment de sa vie sauvage.
Pour Tesson, cette solitude et ce froid évoquent cette fille « tiède et blanche qui vivait dans la forêt des Landes ». Elle, son seul amour, était retournée à sa vie sauvage, sans lui, et la regrettait . Ce voyage vers la nature avait quelque chose de symbolique. Il associe aussi cette période de sa vie à l’enterrement de sa mère où les sentiments et les certitudes exprimés, comme à chaque fois devant un cercueil, ne durent qu’un moment devant la vie qui reprend ses droits. Dans l’image de la panthère, distante et insaisissable il revoyait les traits de sa mère qui avait tout sa vie cultivé l’art de disparaître et le goût du silence . Ce fut pour lui une consolation.
L’affût, l’attente silencieuse et glacée de cette bête mythique favorisent la réflexion de Tesson sur le monde qui l’entoure et sur l’humanité. Il y jette un œil désespéré, constatant que ce monde va à grands pas vers sa perte dans l’indifférence générale. Cela fait naître sous sa plume une bonne dose d’aphorismes quelque peu désabusés. Lors de ce séjour glacé il retrouve cette nature et nous la fait partager. C’est aussi, un peu comme toujours, un retour sur lui-même.
J’ai retrouvé avec plaisir la belle écriture, poétique et érudite de Tesson qui illustre les sublimes photographies de Vincent Munier où l’œil peine à distinguer la présence de l’animale tant son pelage se confond avec les rochers.
-
Ressources humaines
- Par ervian
- Le 03/05/2024
- Dans cinéma français
- 0 commentaire
Ressources humaines – Un film de Laurent Cantet.
Laurent Cantet (1961-2024), réalisateur et scénariste de cinéma et de télévision vient de mourir à l’âge de 63 ans. Ce film de 2000 a notamment été récompensé par le « César de la meilleure première œuvre » et celui du « Meilleur espoir masculin » pour Jalil Lespert. Il évoque l’expérience de Franck (Jalil Lespert), un fils d’ouvrier de province qui, grâce aux sacrifices de ses parents, a été diplômé d’ HEC et a obtenu un stage dans l’usine où travaille son père comme simple ouvrier, depuis 35 ans. Il se retrouve aux « Ressources humaines », c’est à dire à la Direction, chargé de mettre en œuvre les nouvelles dispositions des « 35 heures ». Ses nouvelles responsabilités lui laissent entrevoir une carrière prometteuse au sein du groupe , malgré un certaine hostilité de la part de la hiérarchie intermédiaire. Franck est à la fois l’objet de la fierté de son père mais aussi prend conscience des réalités de l’entreprise et à ce titre est suspect de trahison de classe. Dans le cadre de ses fonctions, il s’oppose d’abord aux syndicats de gauche qui se méfient de l’usage que fera le patron de cette nouvelle loi et réclament des négociations. Un peu par hasard, il apprend et révèle le projet de licenciement des plus vieux ouvriers moins rentables, soutient la grève et fait acte de rébellion face au patron qui le met à la porte. Cette mise en perspective est pertinente puisqu’elle met en évidence les illusions d’un jeune diplômé, fils d’ouvrier, face à la rentabilité de l’entreprise mais aussi désireux de ne pas trahir ses origines, placé devant son avenir professionnel, conscient de la différence qui existera toujours entre les ouvriers devenus chômeurs dans une ville de province et sa propre carrière de cadre dirigeant qui se déroulera dans un autre contexte, ailleurs. Ce film est bien servi par des acteurs peu connus du grand public à l’exception de Jalil Lespert. .
Né à Melle de parents instituteurs Laurent Cantet était diplômé de l’Institut des hautes études cinématographiques ( IDHEC) et a été couronné par une palme d’or au 61° festival de Cannes en 2008 pour son film « Entre les murs » à l’unanimité du jury. Il s’est d’abord consacré aux courts métrages – « L’étendu » (1987)- « Tous à la manif » (1994) - « Jeux de plage »(1995) , puis aux longs métrages « Les sanguinaires »(1998), « Ressources Humaines »(2000) pour Arte, suivis de nombreux autres jusqu’en 2021. Une belle réussite en tout cas. Il s’est également impliqué à titre personnel en faveur des sans-papiers en 2010 puis dans la promotion de l’égalité des hommes et des femmes et de la diversité sexuelle et de genre dans le cinéma et l’audiovisuel. Il était également impliqué dans l’association « amitié Echire-Haiti ». Discret et indépendant, Laurent Cantet laissera l’image d’un humaniste, soucieux des problèmes sociaux de son époque.
-
Vers le sud
- Par ervian
- Le 03/05/2024
- Dans cinéma français
- 0 commentaire
N°1873– Mai 2024.
Vers le sud – Un film de Laurent Cantet.
Ces nouvelles de l’écrivain haïtien Dany Laferrière, de l’académie française, ont été adaptées par Laurent Cantet (1961-2024), réalisateur et scénariste de cinéma et de télévision qui vient de nous quitter. Avec ce film de 2005 le cinéaste s’attaque à un problème de sons temps, celui du tourisme sexuel, mais pas exactement dans le sens auquel on peut s’attendre. Pour cela il met en scène trois femmes blanches, américaines et québécoises, Ellen (Charlotte Rampling), Brenda (Karen Young) et Sue (Louise Portal) qui viennent, en célibataires, chercher à Haïti,en 1979, le plaisir avec de jeunes noirs et spécialement Legba (Menolty Cesar) que deux d’entre elles se partagent se partagent. Elles ne sont d’ailleurs pas les seules et Ellen confie revenir chaque année à Port au Princes pour le plaisir de rencontrer des jeunes qui deviennent leurs amants. Toutes passent ici un séjour après quoi elles repartiront vers leur quotidien parce que la règle non-écrite est que personne ne s’attache à personne et que chacun oublie l’autre après en avoir profité. Chacune de ces trois femmes se présente dans un monologue et Brenda nous confie être déjà venue avec son mari, il y a trois ans et avoir déjà connu Legba qu’elle n’a pas oublié. Lui ne vit que du plaisir qu’il donne à ces femmes et en retire de l’argent, des cadeaux... Sa mère voudrait bien qu’il revienne vivre chez elle, qu’il change de vie, se range, mais accepte son argent faute de pouvoir faire autrement. Ce pays est pauvre et instable où l’armée est aux ordres d’un pouvoir corrompu et dictatorial. Il n’y a que très peu infrastructures touristiques et la prostitution aussi bien féminine que masculine s’ajoute au soleil, aux palmiers, à la mer, au farniente...les autorités tolèrent cet équilibre fragile simplement parce que ce tourisme sexuel rapporte de l’argent à un pays qui en a bien besoin. A ce titre, les ordres de ces femmes blanches sont exécutés et elles-mêmes sont respectées ou à tout le moins tolérées, parce qu’elles apportent des devises. Elles ne sont jamais inquiétées quand un meurtre a lieu dans cette communauté de jeunes hommes. En revanche ces éphèbes sont rejetés, à l’image de l’attitude révélatrice du patron de l’hôtel face à Legba, ce qui n’est pas du racisme mais du mépris. Ce qui au départ n’était qu’un jeu, une simple quête du plaisir pour ces femmes qui trouvaient dans ce pays l’opportunité de faire ce qu’elle ne pouvaient pas ou n’osaient pas faire chez elles, se transforme pour Brenda en un drame. Ses larmes du début, quand elle se souvient de son premier adultère avec Legba, font écho à celles qu’elle verse pour la mort de son amant et aussi à celles d’Ellen qui prend conscience, en rentrant définitivement chez elle, de la fin de ce jeu de l’amour, de la perte de Legba à qui, malgré tout elle était attachée et aussi à celle de Brenda désormais sans attache, qui choisit de rester dans ce sud paradisiaque pour oublier ce bouleversement dans sa vie. D’ordinaire on jetait, avec raison, l’opprobre sur ces hommes qui choisissaient des pays d’Asie, non pour leur culture ou leurs paysages, mais parce qu’ils y trouvaient l’occasion de pratiques sexuelles proscrites et surtout condamnées dans leur propre pays. On a beaucoup parlé des situations dont les femmes ont toujours été victimes dans toutes les couches de la société, de la part d’hommes influents qui ont profité de leur position dominante. Une certaine littérature, notamment vaudevillesque, s’en est même largement nourrie. Des actions judiciaires sont actuellement pendantes, des esclandres ont été dénoncés, des scandales ont éclaté et un mouvement général de libération de la parole s’est développé, dénonçant cette situation inacceptable de dépendance dans un pays où la femme est traditionnellement regardée comme un pilier de la famille. Ce film, tourné en République dominicaine et à Haïti, a l’avantage de lever l’hypocrisie sur la réalité du tourisme sexuel, sur cette nature humaine à laquelle nous appartenons tous, où la recherche du plaisir charnel est une constante, nonobstant toutes les paroles lénifiantes qui peuvent être dites, que cela implique les hommes autant que les femmes, jusques dans l’oubli du risque des maladies vénériennes. Cela est rappelé par une mère de famille au début du film « Les bons masques sont mélangés avec les mauvais, mais tous portent un masque ». C’est là une marque universelle soulignée par le mélange des langues anglaise et française. Le décès de Laurent Cantet a provoqué un grand nombre d’hommages bienvenus pour faire connaître son œuvre. C’est peut-être dommage qu’on ne le reconnaisse que maintenant.
-
Vers le sud
- Par ervian
- Le 03/05/2024
- Dans Laurent Cantet
- 0 commentaire
N°1873– Mai 2024.
Vers le sud – Un film de Laurent Cantet.
Ces nouvelles de l’écrivain haïtien Dany Laferrière, de l’académie française, ont été adaptées par Laurent Cantet (1961-2024), réalisateur et scénariste de cinéma et de télévision qui vient de nous quitter. Avec ce film de 2005 le cinéaste s’attaque à un problème de sons temps, celui du tourisme sexuel, mais pas exactement dans le sens auquel on peut s’attendre. Pour cela il met en scène trois femmes blanches, américaines et québécoises, Ellen (Charlotte Rampling), Brenda (Karen Young) et Sue (Louise Portal) qui viennent, en célibataires, chercher à Haïti,en 1979, le plaisir avec de jeunes noirs et spécialement Legba (Menolty Cesar) que deux d’entre elles se partagent se partagent. Elles ne sont d’ailleurs pas les seules et Ellen confie revenir chaque année à Port au Princes pour le plaisir de rencontrer des jeunes qui deviennent leurs amants. Toutes passent ici un séjour après quoi elles repartiront vers leur quotidien parce que la règle non-écrite est que personne ne s’attache à personne et que chacun oublie l’autre après en avoir profité. Chacune de ces trois femmes se présente dans un monologue et Brenda nous confie être déjà venue avec son mari, il y a trois ans et avoir déjà connu Legba qu’elle n’a pas oublié. Lui ne vit que du plaisir qu’il donne à ces femmes et en retire de l’argent, des cadeaux... Sa mère voudrait bien qu’il revienne vivre chez elle, qu’il change de vie, se range, mais accepte son argent faute de pouvoir faire autrement. Ce pays est pauvre et instable où l’armée est aux ordres d’un pouvoir corrompu et dictatorial. Il n’y a que très peu infrastructures touristiques et la prostitution aussi bien féminine que masculine s’ajoute au soleil, aux palmiers, à la mer, au farniente...les autorités tolèrent cet équilibre fragile simplement parce que ce tourisme sexuel rapporte de l’argent à un pays qui en a bien besoin. A ce titre, les ordres de ces femmes blanches sont exécutés et elles-mêmes sont respectées ou à tout le moins tolérées, parce qu’elles apportent des devises. Elles ne sont jamais inquiétées quand un meurtre a lieu dans cette communauté de jeunes hommes. En revanche ces éphèbes sont rejetés, à l’image de l’attitude révélatrice du patron de l’hôtel face à Legba, ce qui n’est pas du racisme mais du mépris. Ce qui au départ n’était qu’un jeu, une simple quête du plaisir pour ces femmes qui trouvaient dans ce pays l’opportunité de faire ce qu’elle ne pouvaient pas ou n’osaient pas faire chez elles, se transforme pour Brenda en un drame. Ses larmes du début, quand elle se souvient de son premier adultère avec Legba, font écho à celles qu’elle verse pour la mort de son amant et aussi à celles d’Ellen qui prend conscience, en rentrant définitivement chez elle, de la fin de ce jeu de l’amour, de la perte de Legba à qui, malgré tout elle était attachée et aussi à celle de Brenda désormais sans attache, qui choisit de rester dans ce sud paradisiaque pour oublier ce bouleversement dans sa vie. D’ordinaire on jetait, avec raison, l’opprobre sur ces hommes qui choisissaient des pays d’Asie, non pour leur culture ou leurs paysages, mais parce qu’ils y trouvaient l’occasion de pratiques sexuelles proscrites et surtout condamnées dans leur propre pays. On a beaucoup parlé des situations dont les femmes ont toujours été victimes dans toutes les couches de la société, de la part d’hommes influents qui ont profité de leur position dominante. Une certaine littérature, notamment vaudevillesque, s’en est même largement nourrie. Des actions judiciaires sont actuellement pendantes, des esclandres ont été dénoncés, des scandales ont éclaté et un mouvement général de libération de la parole s’est développé, dénonçant cette situation inacceptable de dépendance dans un pays où la femme est traditionnellement regardée comme un pilier de la famille. Ce film, tourné en République dominicaine et à Haïti, a l’avantage de lever l’hypocrisie sur la réalité du tourisme sexuel, sur cette nature humaine à laquelle nous appartenons tous, où la recherche du plaisir charnel est une constante, nonobstant toutes les paroles lénifiantes qui peuvent être dites, que cela implique les hommes autant que les femmes, jusques dans l’oubli du risque des maladies vénériennes. Cela est rappelé par une mère de famille au début du film « Les bons masques sont mélangés avec les mauvais, mais tous portent un masque ». C’est là une marque universelle soulignée par le mélange des langues anglaise et française. Le décès de Laurent Cantet a provoqué un grand nombre d’hommages bienvenus pour faire connaître son œuvre. C’est peut-être dommage qu’on ne le reconnaisse que maintenant.
-
Vers le sud
- Par ervian
- Le 03/05/2024
- Dans Dany Laferrière
- 0 commentaire
N°1873– Mai 2024.
Vers le sud – Dany Laferrière – Bernard Grasset.
Ce sont 20 nouvelles qui forment entre elles un roman qui traite de la séduction et du pouvoir à Haïti, pays d’origine de l’auteur. Des femmes blanches, frustrées ou un peu vieillissantes viennent en célibataires pour un séjour de farniente afin de profiter sexuellement de jeunes éphèbes noirs dont elles rémunèrent les « prestations ». On peut y voir une réalité, un tourisme sexuel où le pouvoir réside certes dans l’argent mais aussi dans la jeunesse et la beauté ou une revanche sur l’ancien colonisateur. Bien entendu la prostitution féminine existe aussi mais dans ce roman où la vie des personnages s’entremêlent on a de ce pays pauvre, instable politiquement, meurtri par la dictature et la corruption, injuste socialement, une image un peu sordide malgré les paysages paradisiaques attachés aux Caraïbes.
Vers le sud – Un film de Laurent Cantet.
Ces nouvelles de l’écrivain haïtien Dany Laferrière, de l’académie française, ont été adaptées par Laurent Cantet (1961-2024), réalisateur et scénariste de cinéma et de télévision qui vient de nous quitter. Avec ce film de 2005 le cinéaste s’attaque à un problème de sons temps, celui du tourisme sexuel, mais pas exactement dans le sens auquel on peut s’attendre. Pour cela il met en scène trois femmes blanches, américaines et québécoises, Ellen (Charlotte Rampling), Brenda (Karen Young) et Sue (Louise Portal) qui viennent, en célibataires, chercher à Haïti,en 1979, le plaisir avec de jeunes noirs et spécialement Legba (Menolty Cesar) que deux d’entre elles se partagent se partagent. Elles ne sont d’ailleurs pas les seules et Ellen confie revenir chaque année à Port au Princes pour le plaisir de rencontrer des jeunes qui deviennent leurs amants. Toutes passent ici un séjour après quoi elles repartiront vers leur quotidien parce que la règle non-écrite est que personne ne s’attache à personne et que chacun oublie l’autre après en avoir profité. Chacune de ces trois femmes se présente dans un monologue et Brenda nous confie être déjà venue avec son mari, il y a trois ans et avoir déjà connu Legba qu’elle n’a pas oublié. Lui ne vit que du plaisir qu’il donne à ces femmes et en retire de l’argent, des cadeaux... Sa mère voudrait bien qu’il revienne vivre chez elle, qu’il change de vie, se range, mais accepte son argent faute de pouvoir faire autrement. Ce pays est pauvre et instable où l’armée est aux ordres d’un pouvoir corrompu et dictatorial. Il n’y a que très peu infrastructures touristiques et la prostitution aussi bien féminine que masculine s’ajoute au soleil, aux palmiers, à la mer, au farniente...les autorités tolèrent cet équilibre fragile simplement parce que ce tourisme sexuel rapporte de l’argent à un pays qui en a bien besoin. A ce titre, les ordres de ces femmes blanches sont exécutés et elles-mêmes sont respectées ou à tout le moins tolérées, parce qu’elles apportent des devises. Elles ne sont jamais inquiétées quand un meurtre a lieu dans cette communauté de jeunes hommes. En revanche ces éphèbes sont rejetés, à l’image de l’attitude révélatrice du patron de l’hôtel face à Legba, ce qui n’est pas du racisme mais du mépris. Ce qui au départ n’était qu’un jeu, une simple quête du plaisir pour ces femmes qui trouvaient dans ce pays l’opportunité de faire ce qu’elle ne pouvaient pas ou n’osaient pas faire chez elles, se transforme pour Brenda en un drame. Ses larmes du début, quand elle se souvient de son premier adultère avec Legba, font écho à celles qu’elle verse pour la mort de son amant et aussi à celles d’Ellen qui prend conscience, en rentrant définitivement chez elle, de la fin de ce jeu de l’amour, de la perte de Legba à qui, malgré tout elle était attachée et aussi à celle de Brenda désormais sans attache, qui choisit de rester dans ce sud paradisiaque pour oublier ce bouleversement dans sa vie. D’ordinaire on jetait, avec raison, l’opprobre sur ces hommes qui choisissaient des pays d’Asie, non pour leur culture ou leurs paysages, mais parce qu’ils y trouvaient l’occasion de pratiques sexuelles proscrites et surtout condamnées dans leur propre pays. On a beaucoup parlé des situations dont les femmes ont toujours été victimes dans toutes les couches de la société, de la part d’hommes influents qui ont profité de leur position dominante. Une certaine littérature, notamment vaudevillesque, s’en est même largement nourrie. Des actions judiciaires sont actuellement pendantes, des esclandres ont été dénoncés, des scandales ont éclaté et un mouvement général de libération de la parole s’est développé, dénonçant cette situation inacceptable de dépendance dans un pays où la femme est traditionnellement regardée comme un pilier de la famille. Ce film, tourné en République dominicaine et à Haïti, a l’avantage de lever l’hypocrisie sur la réalité du tourisme sexuel, sur cette nature humaine à laquelle nous appartenons tous, où la recherche du plaisir charnel est une constante, nonobstant toutes les paroles lénifiantes qui peuvent être dites, que cela implique les hommes autant que les femmes, jusques dans l’oubli du risque des maladies vénériennes. Cela est rappelé par une mère de famille au début du film « Les bons masques sont mélangés avec les mauvais, mais tous portent un masque ». C’est là une marque universelle soulignée par le mélange des langues anglaise et française. Le décès de Laurent Cantet a provoqué un grand nombre d’hommages bienvenus pour faire connaître son œuvre. C’est peut-être dommage qu’on ne le reconnaisse que maintenant.
-
Entre les murs
- Par ervian
- Le 01/05/2024
- Dans Laurent Cantet
- 0 commentaire
N°314 – Septembre 2008
ENTRE LES MURS – Un film de Laurent CANTET [Palme d'or Cannes 2008].
Il est de la “Palme d'or” comme du “Prix Goncourt”, on parle de l'œuvre qui est couronnée et elle fait débat! C'est d'ailleurs heureux puisque, pour un créateur, rien n'est pire que l'indifférence. Ici, c'est carrément une polémique que suscite ce film et on oscille entre des extrêmes, soit on est laudatif voire inconditionnel, soit les critiques pleuvent...
A s'en tenir au film, qu'en ai-je retenu? D'abord le décor : une classe de 4° dans un collège de ZEP d'une banlieue difficile où un professeur de Français peine à faire son véritable métier, celui d'enseigner notre langue, de provoquer les réactions constructives de ses élèves, de leur donner l'occasion de s'exprimer sur le programme scolaire mais aussi sur la langue, la littérature, la syntaxe, le vocabulaire...
Premier constat : Le message ne passe pas et le malheureux enseignant à qui on demande de nombreux diplômes pour être nommé à ce poste a du mal à se faire entendre de ses élèves et en est réduit à faire de la discipline dans sa classe, pour la simple raison qu'il n'y règne pas l'ordre et le silence nécessaires à la transmission du savoir. C'est aussi un paradoxe, ce professeur souhaiterait évidemment plus de sérénité dans son cours, même s'il a été, quelques années avant, un étudiant un peu indiscipliné, voire chahuteur, dans les amplis de la faculté! Cela est souligné par le personnage d'Esméralda, volontiers frondeuse et irrévérencieuse... qui veut plus tard être policière, sans doute par amour de cet ordre qu'elle contribue largement à perturber dans ce microcosme!
Deuxième constat : Les élèves veulent rester dans le système scolaire, même si, d'évidence, il ne leur sert à rien: témoin cette jeune fille au début du film qui ne veut pas être dirigée sur le “secteur professionnel” alors que son avenir est plus sûrement dans ce domaine que dans le milieu scolaire traditionnel d'où elle sortira sans diplôme et donc sans perspective. Cette classe étant composée majoritairement d'enfants d'immigrés, on comprend bien que l'école, qui devrait être regardée comme une chance d'intégration est en réalité une voie de garage. S'ils en sont exclus, ce sera aussi l'expulsion administrative du territoire avec toutes les conséquences qu'on peut imaginer. Dès lors, l'école apparaît comme un moyen des plus artificiels de maintenir un fragile équilibre que les élèves eux-mêmes, en dépit de leur intérêt, ne font rien pour entretenir.
Troisième constat : Les enseignants de ce collège sont conscients de cela, témoin ce professeur de mathématiques qui, en se présentant à ses collègues, se déclare “prof de tables de multiplications”! C'est assez dire le niveau de cette 4° où, d'évidence, les acquis des années antérieures sont nuls! D'ailleurs, on n'entend jamais François Marin parler de littérature, ce qu'il devrait quand même faire! Chacun de ses cours n'est qu'un long et pénible débat, par ailleurs oiseux et sans méthode, avec ses élèves, sur tout et n'importe quoi... Et on se demande bien ce qu'ils peuvent en retirer.
Quatrième constat : L'organisation d'une société à laquelle l'école est censée préparer inclut l'ordre. Le professeur devrait incarner l'autorité et, à l'évidence, ne le fait pas puisque non seulement il accepte, au nom sans doute de la dialectique, un dialogue qui se révèle stérile avec des élèves inconsistants dont on comprend vite qu'ils sont ici pour passer le temps, mais surtout perd son sang-froid et se met lui-même dans une position difficile à tenir. Le spectateur sent bien que l'autorité dont est censé être revêtu le chef d'établissement, et à travers lui l'école, ne peut rien face à la mauvaise volonté des élèves. La décision du Conseil de discipline prononçant l'exclusion de Souleymane est révélatrice. Il sera expulsé de France [on devine son avenir] et paiera seul ce qui n'était qu'un dérapage partagé né de l'insolence constante de cette classe, mais aussi du manque d'autorité du professeur. [Le spectateur aurait sans doute espéré davantage de mansuétude dans le prononcé de cette sanction!]
Cinquième constat : Ce film montre bien bien que ceux qui sont irrévérencieux sont noirs ou d'origine maghrébine, les blancs et les jaunes méritent félicitations et encouragements, ce qui correspond bien à l'image [malheureuse] de notre société multiraciale pour laquelle l'école veut être une chance d'intégration, ce qu'en réalité elle est rarement! C'est la mère de Souleymane qui présente, dans sa langue, ses excuses personnelles au nom de son fils pour éviter l'exclusion que celui-ci semble maintenant accepter comme une fatalité. Double constat d'échec en matière d'éducation, celui de l'école certes, mais aussi celui de la cellule familiale.
Sixième constat : la faillite de l'école mise en évidence par les dernières secondes du film. Cette séquence pose question. Une élève qu'on n'a pas vue pendant le long métrage, c'est à dire qu'elle ne s'est signalée ni par son insolence ni par son assiduité, vient avouer simplement “qu'elle n'a rien appris pendant l'année”! On suppose qu'elle s'est également ennuyée dans les classes précédentes. C'est là un constat des plus alarmants remettant en cause le fondement même de l'enseignement et, au-delà, de notre société.
Septième constant : à mon avis, le rôle d'un professeur de Français, surtout en 4°, est de donner envie à ses élèves de lire. Cela ne me semble pas évident au vu de ce film, nonobstant l'épisode du journal d'Anne Frank. Je voudrais cependant souligner que l'allusion d'Esméralda à “La République” de Platon, qu'elle dit avoir lu avec intérêt me semble un peu artificiel face à l'image qu'elle a donné d'elle. Soit c'est faux et c'est dommage, soit c'est vrai et François Begaudeau, l'auteur du roman qui a servi de prétexte à ce film, n'a plus qu'à changer de métier, ce que je crois, il a fait.
J'observe enfin qu'un débat s'instaure entre les élèves sur la nationalité française et qu'Esméralda déclare n'être pas fière d'être française. Pourtant, j'imagine que ses parents, eux, ont beaucoup souffert pour cela et ne doivent pas renier leur choix!
Un film est une œuvre d'art. Le rôle d'un artiste n'est pas seulement de créer, c'est à dire de réaliser une fiction, c'est aussi de porter témoignage de son temps. De ce point de vue, Laurent Cantet remplit son rôle, d'autres cinéastes l'ont fait également avec talent, même si ce témoignage est nécessairement partiel, voire partisan. En tout cas, son film ne laisse pas indifférent. C'est là un documentaire plus qu'une œuvre de création, mais je continue de penser et même d'espérer que l'école reste globalement un moyen d'éducation, voire d'intégration et un des fondements de notre société.
-
Un soir d'été
- Par ervian
- Le 29/04/2024
- Dans Philippe Besson
- 0 commentaire
N°1871– Avril 2024.
Un soir d’été – Philippe Besson – Julliard.
J’ai toujours lu Philippe Besson avec plaisir tout en constatant que je n’avais rien de commun avec lui puisque notamment nous n’avons pas le même âge. Cette fois encore j’ai apprécié son style fluide et agréable à lire, j’ai eu, en plus, plaisir a retrouver l’île de Ré qui a fait partie de ma jeunesse même s’il fallait souvent attendre le bac pendant des heures sous le soleil et surtout ne pas manquer le dernier, sauf à passer la nuit à Sablanceaux où les hôtels manquaient et même si on était romantique, la traversée n’avait rien d’une croisière. Besson revoit les uniformes blancs des marins qui assuraient le passage, moi j’ai plutôt souvenir de lamaneurs en bleu de chauffe ! Pour les îliens, je faisais partie de ceux « du continent » qui venaient ici pour les paysages sauvages qui n’existent plus ; la salicorne ne se vendait pas et le sel servait aussi à dégeler les routes l’hiver. Il n’y avait pas encore de surfeurs, les vacanciers préféraient les tentes aux résidences secondaires qui n’étaient parfois qu’un aménagement sommaire de blockhaus de l’ancien « mur de l’Atlantique », les bateaux du port, aux couleurs d’aquarelle étaient ceux des pêcheurs et la cheminée de l’épave du « Champlain » veillait au large. Aussi loin que ma mémoire remonte, les ânes étaient en culottes et les femmes en kichenotte, quant aux roses trémières,elles n’avaient pas encore envahi les ruelles. Elle n’était pas encore une « presqu’île » où se ruent aujourd’hui les estivants, il n’y avait pas de « boite de nuit », on n’y faisait pas encore de vélo mais c’était le but estival de bien des jeunes et de leurs premiers émois amoureux. Chaque adolescence est unique avec ses joies éphémères, ses illusions, ses craintes pour l’avenir et les vacances c’était le plaisir d’être avec ses copains, sur la plage, le bronzage, le sel sur la peau, les cigarettes qui faisaient tousser, la fascination pour le corps des filles et les tentatives maladroites d’attirer leur attention. Pour le jeune Philippe et son homosexualité c’était un peu différent et l’attirance qu’il avait pour les garçons était parfois déçue par leurs choix personnels et ses baisers étaient éphémères comme un amour d’été.. Parfois pourtant une rencontre se concluait par une étreinte rapide et sans aucune suite. Bref ils étaient cinq garçon et une fille en vacances sur l’île en cet été 1985, glandeurs et désinvoltes, chacun avec son parcours et ses projets mais désireux de profiter du moment présent. Quand l’un d’eux disparaît, c’est le drame, avec questionnement, recherches et culpabilité, prise de conscience de la réalités des choses de la vie, l’espoir de le retrouver qui active l’imagination et surtout l’impensable idée de la mort qui vous fait, d’un seul coup, quitter l’insouciance.
C’est avec ce genre d’événement qu’on mûrit, qu’on devient plus vite adulte, qu’on apprend à admettre les choses dans leur simplicité autant que dans leur complexité,, qu’on prend conscience que la mort existe, qu’on ne reverra plus celui qui vient de nous quitter, que cela fait simplement partie de notre condition humaine..Je ressens à titre personnel ce roman comme une réflexion sur l’absence, un échec à cet oubli, qui caractérise tant la nature humaine, comme un acte de mémoire que Philippe Besson fait pour son ami. Il portait probablement en lui cette période de sa vie comme une plaie non cicatrisée que l’écrivain qu’il est ne pouvait panser qu’avec des mots. C’est sans doute dérisoire mais, même si je ne crois guère à l’exorcisme de l’écriture, une telle démarche a, d’une certaine manière, dû libérer son auteur. Un beau roman en tout cas.
-
Ressources humaines
- Par ervian
- Le 28/04/2024
- Dans Laurent Cantet
- 0 commentaire
N°1872– Avril 2024.
Ressources humaines – Un film de Laurent Cantet.
Laurent Cantet (1961-2024), réalisateur et scénariste de cinéma et de télévision vient de mourir à l’âge de 63 ans. Ce film de 2000 a notamment été récompensé par le « César de la meilleure première œuvre » et celui du « Meilleur espoir masculin » pour Jalil Lespert. Il évoque l’expérience de Franck (Jalil Lespert), un fils d’ouvrier de province qui, grâce aux sacrifices de ses parents, a été diplômé d’ HEC et a obtenu un stage dans l’usine où travaille son père comme simple ouvrier, depuis 35 ans. Il se retrouve aux « Ressources humaines », c’est à dire à la Direction, chargé de mettre en œuvre les nouvelles dispositions des « 35 heures ». Ses nouvelles responsabilités lui laissent entrevoir une carrière prometteuse au sein du groupe , malgré un certaine hostilité de la part de la hiérarchie intermédiaire. Franck est à la fois l’objet de la fierté de son père mais aussi prend conscience des réalités de l’entreprise et à ce titre est suspect de trahison de classe. Dans le cadre de ses fonctions, il s’oppose d’abord aux syndicats de gauche qui se méfient de l’usage que fera le patron de cette nouvelle loi et réclament des négociations. Un peu par hasard, il apprend et révèle le projet de licenciement des plus vieux ouvriers moins rentables, soutient la grève et fait acte de rébellion face au patron qui le met à la porte. Cette mise en perspective est pertinente puisqu’elle met en évidence les illusions d’un jeune diplômé, fils d’ouvrier, face à la rentabilité de l’entreprise mais aussi désireux de ne pas trahir ses origines, placé devant son avenir professionnel, conscient de la différence qui existera toujours entre les ouvriers devenus chômeurs dans une ville de province et sa propre carrière de cadre dirigeant qui se déroulera dans un autre contexte, ailleurs. Ce film est bien servi par des acteurs peu connus du grand public à l’exception de Jalil Lespert. .
Né à Melle de parents instituteurs Laurent Cantet était diplômé de l’Institut des hautes études cinématographiques ( IDHEC) et a été couronné par une palme d’or au 61° festival de Cannes en 2008 pour son film « Entre les murs » à l’unanimité du jury. Il s’est d’abord consacré aux courts métrages – « L’étendu » (1987)- « Tous à la manif » (1994) - « Jeux de plage »(1995) , puis aux longs métrages « Les sanguinaires »(1998), « Ressources Humaines »(2000) pour Arte, suivis de nombreux autres jusqu’en 2021. Une belle réussite en tout cas. Il s’est également impliqué à titre personnel en faveur des sans-papiers en 2010 puis dans la promotion de l’égalité des hommes et des femmes et de la diversité sexuelle et de genre dans le cinéma et l’audiovisuel. Il était également impliqué dans l’association « amitié Echire-Haiti ». Discret et indépendant, Laurent Cantet laissera l’image d’un humaniste, soucieux des problèmes sociaux de son époque.
-
Cantilènes et fulmicoton
- Par ervian
- Le 28/04/2024
- Dans PAUL BAUDENON.
- 0 commentaire
N°1870– Avril 2024.
Cantilènes et fulmicoton – Paul Baudenon – Les nouveaux cahiers de la jeunesse- Bordeaux.
Le titre a de quoi étonner. Une cantilène est un morceau de musique profane même limité à une simple phrase musicale , au tempo languissant. Le thème en est souvent l’amour. Le fulmicoton c’est du coton imbibé d’acide nitrique, une substance à la fois combustible et surtout explosive. C’est donc une sorte de contraire, un paradoxe, à l’image de l’auteur sans doute. En réalité c’est un recueil de poèmes à la fois rimés et pour la plupart octosyllabiques voire heptasyllabiques, donc à priori classiques dans la forme. Les thèmes aussi sont étonnants en tout cas rien à voir avec une poésie descriptive de la nature mais bien plutôt inspirée par les gens qu’il a croisés et la condition humaine.Il y a chez lui de la liberté, du réalisme, une bonne dose d’humour dont je ne peux pas ne pas me rappeler qu’il est aussi « la politesse du désespoir » car, entre des lignes si bien écrites, il y a le message de celui qui a souvent croisé la mort et qui la craint pour lui comme on à peur de l’inconnu. Œuvre introuvable actuellement car publiée en 1966 à compte d’auteur par Paul Baudenon (1910-1983) à la fois officier supérieur (Lieutenant-colonel de l’infanterie coloniale) dont la carrière combattante s’est principalement déroulée en Asie et écrivain de romans, nouvelles, de poèmes et de comédies récompensés par de nombreux prix littéraires. Lors d’un séjour en Afrique en 1948 il met à profit cette affectation pour parcourir le pays et devient correspondant du Musée d’Histoire Naturelle de Paris auquel il envoie différents spécimens et une nombreuse documentation photographique. Ses archives personnelles, les fichiers qui y sont conservés et son travail de recherche notamment sur les antilopes lui ont valu les Palmes académiques. Il est possible de consulter certaines de ses archives à la Bibliothèque Nationale et la Monnaie de Paris a frappé une médaille à son effigie. Un militaire courageux donc, décoré de plusieurs distinctions françaises et étrangères, qui a servi son pays dans des opérations à haut risque et un humaniste, un homme à la fois curieux des autres et lucide face à la condition humaine, jovial, humoristique et bon vivant. Une figure atypique au sein de l’armée.
-
La maison de rendez-vous
- Par ervian
- Le 23/04/2024
- Dans Alain Robbe-Grillet
- 0 commentaire
N°1869– Avril 2024.
La maison de rendez-vous – Alain Robbe-Grillet – Les Éditions de Minuit.
Kong-Kong dans les années 20, c’est, pour le béotien que je suis l’objet d’idées reçues voire de fantasmes, le jeu, l’argent, les réceptions, les trafics, la drogue, l’espionnage, la prostitution... Le narrateur dont nous ne saurons rien nous raconte une histoire bien étrange qui commence dans une maison de luxe, la Villa Bleue où se donnent de bien singuliers spectacles, gouvernée par la non moins étrange Lady Ava aux précieux chiens noirs. Il nous fait partager son admiration pour la beauté des femmes eurasiennes et leurs robes érotiquement fendues, croise des personnages au comportement bizarre qui pour certains meurent assassinés, le tout dans une ambiance à la fois raffinée de cette maison de rendez-vous et la saleté des rues chinoises, le petit peuple des coolies, les fumeries d’opium, le trafic de filles mineures, les tentatives empoisonnement, les chantages, les policiers véreux, les escroqueries en tout genre, les crimes camouflés en accident qui égarent le lecteur qui finit par le plus rien comprendre. Égaré, le pauvre lecteur l’est en effet puisque dans ce récit labyrinthique et parfois contradictoire, ce même narrateur raconte plusieurs versions d’une même histoire, donnant une explication beaucoup plus terre à terre des faits antérieurement relatés, révélant la vraie nature des gens, transformant les lieux auparavant décrits et détruisant ainsi l’ambiance moite patiemment tissée. Dans les diverses descriptions qu’il fait, notamment des femmes, il sollicite même l’imagination du lecteur, si celui-ci veut bien entrer dans son jeu. Robbe-Grillet tient même à apporter quelques précisions audit lecteur avant qu’il ne lise ce roman.
Je poursuis mon exploration du « nouveau roman ». Je suis de plus en plus perplexe.
-
le voyeur
- Par ervian
- Le 21/04/2024
- Dans Alain Robbe-Grillet
- 0 commentaire
N°1868– Avril 2024.
Le voyeur – Alain Robbe-Grillet – Les Éditions de Minuit.
Le titre peut avoir une certaine connotation malsaine, sexuelle voire érotique. Nous sommes cependant dans le « nouveau roman » où tout est inattendu. C’est en effet l’histoire de Mathias, représentant en montres, « voyageur de commerce » comme on disait alors, qui revient dans son île natale avec le projet d’en vendre 99 aux deux mille habitants du lieu en une journée, une gageure. Il sera dénommé « le voyageur » tout au long de ce roman. Durant son bref séjour, il va forcément être reconnu, va rencontrer des gens de sa connaissance, et d’autres qui prétendaient le connaître mais dont il n’avait aucun souvenir. Il va être confronté malgré lui à une mort suspecte, celle de la petite Jacqueline, une petite allumeuse tombée d’une falaise. La nudité du corps retrouvé laisse penser à un crime sexuel. On se sait trop pourquoi, il se met à supposer qu’il en est coupable et se persuade qu’il a semé des preuves derrière lui et ce d’autant plus qu’il croit avoir été vu sur la scène de crime. C’est un peu comme si, devant un tel événement, il se comportait comme un meurtrier qui ne se souviendrait plus de rien et qui voudrait se disculper en s’inventant des preuves de sa culpabilité… et en les faisant disparaître. Cette attitude est d’autant plus mystérieuse et inexplicable qu’aucun soupçon ne pèse sur lui, que les coupables potentiels sont nombreux, qu’on évoque même la légende locale d’un crime rituel remontant à la nuit des temps et surtout que la gendarmerie n’intervient même pas pour ce qui reste un regrettable accident.
C’est le deuxième roman de notre auteur, paru en 1955 et qui, boudé lors de sa publication au point de faire polémique mais qui a reçu le Prix des Critiques. Je poursuis la relecture de ses livres qui s’inscrivent dans le style du « Nouveau roman ». J’ai lu celui-ci, écrit, apparemment’ comme un roman policier classique d’ailleurs bien écrit et agréable à lire, avec certes un luxe de détails superflus, mais dont la touche originale s’impose au fil du texte. Certes Mathias n’est pas un personnage anonyme comme le soldat de « Dans le labyrinthe » mais certaines scènes sont répétées plusieurs fois différemment, avec parfois un décalage dans le temps, des monologues sans suite, obscurs, mais également répétitifs, des épisodes ou l’imagination prend le dessus de sorte qu’on ne sait plus trop ce qui s’est réellement passé et la raison des visions furtives que Mathias a de ce qu’il considère comme un meurtre pour lequel il veut se constituer un alibi.
Robbe-Grillet distille le suspense avec talent mais, le livre refermé, je me demande si j’ai vraiment lu un roman policier puisque je me suis longtemps cru dans un thriller psychologique. Il n’y a en effet ni enquête policière, ni même meurtre, à part dans la tête de Mathias qui s’en accuse dans son for intérieur. Apparemment la disparition de Jacqueline n’a rien de surprenant puisque chacun s’y attendait, seul Mathias s’en sent coupable parce que sans doute il se remémore un fait tragique remontant à son enfance îlienne autour de la mystérieuse Violette, ou qu’il est tout simplement obsédé par les petites filles. C’est sans doute ce qui expliquerait le titre et de « voyageur » il deviendrait « voyeur ». Tout cela n’est pas sans égarer le lecteur et caractérise l’esprit de ce mouvement littéraire qui à l’écriture d’une aventure préfère l’aventure d’une l’écriture selon le mot de Jean Ricardou.
-
Dans le labyrinthe
- Par ervian
- Le 20/04/2024
- Dans Alain Robbe-Grillet
- 0 commentaire
N°1867– Avril 2024.
Dans le labyrinthe – Alain Robbe-Grillet– Les Éditions de Minuit.
Le décor est celui d’une ville déserte refroidie par la nuit de l’hiver, un théâtre de guerre de défaite et d’armée en déroute. Il n’y a personne dans les rues et les rares habitants se claquemurent chez eux. Seul un café accueille les hommes, majoritairement des civils, et constitue un contraste avec la suite. Un soldat, un conscrit, fatigué, à l‘uniforme sale cherche un endroit inconnu qu’il ne trouve pas, frappe à une porte, interroge les occupants. Il semble avoir une mission à remplir dont il veut s’acquitter, remettre le paquet qu’il porte à son destinataire. Les paroles qu’ils échangent sont rares, la méfiance est de mise à cause des espions potentiel, le soldat veut remplir la mission qui lui a été confiée mais il est comme un zombi dans ce décor froid, glauque et impersonnel. Les dialogues sont économes, les des descriptions techniques précises mais semblent cependant superflues, l’ambiance labyrinthique, comme le texte qui la suscite, les personnages aussi insaisissables que des fantômes et ce soldat, loin d’être le héro de ce texte comme il pourrait l’être dans le roman traditionnel, disparaît derrière une prose écrite sans recherche littéraire, dans un déroulé descriptif où les séquences se croisent et se succèdent sans réel suivi, au détriment d’une intrigue plus soutenue et le lecteur peut facilement s’y perdre. Lui aussi est dans un labyrinthe. Il est difficile de saisir les postures successives de ce soldat qui se trouve dans des situations différentes au fil du texte. Il croise aussi un enfant, une femme et d’autres personnages tout aussi insaisissables et l’épilogue est à la mesure de cette histoire.
Je continue à intéresser au « nouveau roman » qui, lors de sa manifestation dans le paysage littéraire m’avait laissé sur ma faim, parce qu’il a constitué un moment particulier, une expérience d’évolution (de révolution?) de l’écriture et je recherche, à travers les écrivains qui l’ont incarnée, ce sur quoi elle a débouché, l’empreinte qu’elle a laissée dans la culture de l’écriture romanesque actuelle.
Tout cela me semble s’inscrire dans cette expérience littéraire de destructuration du roman classique que Jean Ricardou définit lui-même non comme « l’écriture d’une aventure mais l’aventure d’une l’écriture ». Pourquoi pas après tout mais, à titre personnel, le livre refermé je suis de plus en plus perplexe.
-
La modification
- Par ervian
- Le 19/04/2024
- Dans Michel Butor
- 0 commentaire
N°1866– Avril 2024.
La modification – Michel Butor – Les Éditions de Minuit.
Prix Renaudot1957.
Je poursuis ma redécouverte du « Nouveau Roman ».
Même si vous n’avez connu que le TGV, imaginez ce qu’étaient les trains dans les années 50, lents, bercés par le claquement régulier et entêtant des boggies, rythmés par les sonneries plaintives des différents passages à niveaux.... Mettez-vous à la place de cet homme, la cinquantaine, parisien, père de famille qui prend le train pour Rome comme il le fait souvent. Vous n’aurez pas de mal puisqu’il s’agit de vous comme l’a décidé l’auteur qui vous fait, à l’occasion, endosser l’identité de Léon Delmont. C’est le parti pris de ce roman. Officiellement c’est un voyage professionnel mais en réalité vous allez rejoindre Cécile, votre maîtresse romaine qui ne s’y attend pas et lui annoncer que vous allez vivre ensemble à Paris, que vous avez tout organisé pour elle, que vous allez quitter votre femme, votre vie bourgeoise et déprimante. Et puis son image, son corps, sa jeunesse se confondent avec Rome, cette ville éternelle que vous aimez tant et Paris est aussi la cité de l’amour. Ce sera pour vous une nouvelle jeunesse ! Démon de midi, peur de vieillir... Peut-être ?
Le voyage s’étire le long des gares et vous décrivez mollement les passagers de ce compartiment et vous imaginez les retrouvailles romaines tout en explorant vos souvenirs, votre rencontre avec Cécile, vos amours, vos projets même si les images de votre mariage avec Henriette, votre femme, reviennent elles aussi. Le train est depuis son invention un lieu privilégié dans la vie de chacun et donc dans la vôtre. Ici le long trajet vous invite à la rencontre d’inconnus à qui votre imagination ou votre ennui vous invitent à prêter un morceau de vie mais surtout vous force, malgré vous, à réfléchir sur votre vie passée, sur cette démarche que vous voulez définitive en vous posant des questions intimes. Vous êtes donc quelqu’un d’un peu perdu qui s’interroge, comme obnubilé par cet avertissement en italien qu’on voyait à l’époque dans les compartiments « e pericoloso sporgersi »(il est dangereux de se pencher au dehors) et c’est pourtant ce que vous vous apprêtez à faire. Pourtant la logique, la peur de l’avenir ou le découragement , le renoncement s’imposent avec la perte de vos illusions… En outre, je ne suis pas sûr que le livre que vous allez écrire pour compenser ce vide servira à quelque chose.
C’est un roman lent, sans action avec, vers la fin des phrases démesurées qui traduisent peut-être votre désarroi mais ne facilitent pas la lecture. J’ai assez voyagé en train dans ma jeunesse, y compris en 3° classe, pour apprécier le décor. Sur le principe de transformer le lecteur en personnage principal, je ne suis pas contre, même si cela m’a toujours paru artificiel . Certes l’univers du roman s’inspire de toute façon de la réalité et nous sommes, un jour ou l’autre, susceptibles de connaître de telles circonstances. Alors pourquoi pas puisque c’est aussi une tentative d’évolution de cet art. J’avoue que, dans ma scolarité déjà bien lointaine, j’ai été mal sensibilisé à ce « nouveau roman » par un professeur trop classique et donc imperméable à la nouveauté. Bien des années après je relis ces textes mais je dois dire que je n’en suis pas davantage convaincu, non par l’analyse des sentiments qui me paraît pertinente mais par le parti-pris d’écriture. Je suis peut-être passé à côté de quelque chose ?
-
La jalousie
- Par ervian
- Le 18/04/2024
- Dans Alain Robbe-Grillet
- 0 commentaire
N°1865– Avril 2024.
La jalousie – Alain Robbe-Grillet – Les Éditions de Minuit.
L’auteur choisit de traiter un sentiment très humain où se mêlent l’anxiété, l’insécurité, la peur de perdre une chose ou un être à qui on est attaché. S’y ajoutent de la colère, de la frustration, de la tristesse et on pense inévitablement à un contexte amoureux avec le triangle traditionnel, le mari, la femme, l’amant… Oui, mais, nous sommes dans le « nouveau roman » où rien n’est vraiment comme dans les fictions romanesques habituelles.
Nous sommes dans une plantation de bananes, c’est à dire dans un climat chaud et humide et le titre de ce roman joue d’une part sur l’émotion et d’autre part sur cette sorte de contrevent à lattes, fréquent sous ces latitudes, qui permet d’observer au dehors sans être vu. La rédaction du texte donne à penser que le narrateur observe la scène de loin, comme absent de la pièce et surtout muet, mais sa présence effective est envahissante. Pourtant de lui nous ne saurons absolument rien. De sa femme, A, nous ne savons pratiquement rien non plus, sinon que le narrateur la désire ardemment, la décrit amoureusement en train de se coiffer, admire la beauté de sa chevelure, la soupçonne d’accorder ses faveurs à Franck, un séducteur très présent auprès d’elle et dont elle apprécie la compagnie alors qu’elle s’ennuie avec son mari qui l’épie en permanence et craint surtout qu‘elle ne le quitte. Elle est assez hypocrite pour lui cacher une aventure adultère avec Frank et les dialogues qu’ils ont ensemble, en présence du narrateur, ont quelque chose de convenu où l’on peut voir une volonté de lui cacher une liaison. Franck est marié à Christiane, très inexistante dans ce contexte et qui se préoccupe surtout de la santé fragile de leur fils. Toutes choses égales par ailleurs, elle est un peu le pendant du narrateur, mais elle ne se manifeste pas.
L’attitude de ce couple donne à penser qu’ils ont quelques années de mariage derrière eux, que le temps y a fait son œuvre dévastatrice, y insinuant l’ennui et les soupçons, tuant l’amour, à supposer qu’il ait jamais existé entre eux et y substituant pour le narrateur une jalousie maladive entretenue par le jeu de A dans lequel on peut voir une volonté de séduire Franck, de lui céder ou, à tout le moins, d’en donner l’impression, surtout quand elle émet son opinion sur le roman dont ils partagent la lecture et qu’elle admet l’adultère d’une épouse blanche avec un noir. Quand ils sont ensemble, la scène est souvent vue à travers les irrégularités d’une vitre, ce qui me paraît symbolique de leurs relations floues. Bizarrement le narrateur-mari ne réagit pas face aux absences parfois nocturnes de sa femme, comme s’il ne voyait rien ou ne voulait rien voir pour la garder auprès de lui, tolère qu’elle fasse chambre à part, que Franck soit souvent chez eux et que lui’ dîne souvent seul. On ne sait rien de lui mais il est évident que c’est un homme seul, fataliste, résilient, assurément malheureux, comme quelqu’un qui s’en remet au hasard pour voir cesser une situation dont il est prisonnier. Les rares paroles qu’il échange avec sa femme ont trait au quotidien de la plantation .
A la lecture de ce roman j’ai eu l’impression d’une certaine immobilité du temps, comme s’il s’était arrêté de fuir, comme s’il était à l’image de cette météo, inchangée, comme si cette ambiance malsaine ne devait jamais finir. J’ai été aussi un peu perdu dans le déroulé des évènements, volontairement bouleversés dans leur chronologie.
L’ambiance de cette maison coloniale est pesante notamment du fait de la présence du narrateur devenu voyeur, de son silence mais surtout des soupçons pourtant non exprimés qui l’accompagnent. Je note que la narration de l’auteur recèle un luxe de détails techniques, précis, géométriques, arithmétiques biologiques ou topographiques, c’est à dire scientifiques, pas désagréables à lire mais assez superflus. Était-ce ainsi que l’auteur, avec la technique du narrateur-voyeur, souhaitait révolutionner l’art du roman ? Sur le seul plan de la rédaction, il y a une succession de paragraphes qui, sans aucune transitions, parlent de choses fondamentalement différentes. Quant à la présentation des « tables », elle est originale. Pourtant à l’inverse d’autres œuvres du même auteur, j’ai porté de l’intérêt à cette histoire, peut-être à cause du thème et malgré le peu d’action du roman, mais, le livre refermé, cette lecture m’a laissé assez perplexe, même si je ne suis pas ennemi de l’évolution des choses et de la littérature en particulier.
C’est le quatrième roman de Robbe-Grillet (1922-2008) publié en 1957 qui, contrairement aux œuvres précédentes a bénéficié d’un accueil favorable et à été traduit en 30 langues.
-
Les gommes
- Par ervian
- Le 17/04/2024
- Dans Alain Robbe-Grillet
- 0 commentaire
N°1864– Avril 2024.
Les gommes – Alain Robbe-Grillet – Les Éditions de Minuit.
Ça commence comme un roman policier classique Daniel Dupond a été assassiné à son domicile la veille, mais on n’a pas retrouvé son corps.Le détective Wallase, un jeune enquêteur parisien, fraîchement muté dans cette ville, est chargé de l’enquête qui s’annonce difficile en l’absence de corps. C’est donc un « meurtre » sans témoin et on s’oriente, grâce à un homme providentiel et lui-même très énigmatique, dans une histoire un peu obscure d’une organisation terroriste à cause des opinions politiques de la « victime ». L’enquêteur rame beaucoup à cause du peu d’indices et il a même l’impression que sa hiérarchie le laisse patauger dans cette mystérieuse affaire en l’abandonnant à ses investigations hasardeuses. Était-ce par dépit ou pour conjurer un mauvais sort qui s’acharnerait sur lui, Wallace achète convulsivement des gommes dont il sait parfaitement qu’elles ne lui serviront à rien (cet achat se reproduit de la part d’un client d’une papeterie). Pour ses supérieurs, il finit lui-même par être une véritable énigme puisque que, notamment, on sait seulement qu’il vient de Paris mais c’est à peu près tout. En effet, il apparaît que Dupond n’a que légèrement touché et, avec la complicité du docteur Juard, il a organise sa disparition physique et a voulu faire croire à un cambriolage qui aurait mal tourné. On apprend que Dupond aurait songé au suicide mais aurait préféré le scénario de l’assassinat avec disparition du corps
J’ai relu ce roman dont la première approche remonte à ma scolarité déjà bien lointaine et que mon professeur de français, à la fois ironique et sceptique, avait présenté, comme appartenant à ce mouvement dont la principale caractéristique était d’être nouveau, sans plus de commentaires. J’ai donc voulu approfondir à travers les écrivains emblématiques qui l’avaient illustré, ce qui pour moi restait une sorte de mystère qui m’avait laissé sur ma faim. J’ai d’abord eu un peu de mal à y entrer dans ce roman et quand finalement, vers la moitié du livre, ma démarche a suscité de l’intérêt et je l’ai lu comme un roman policier. L’originalité de ce parti-pris d’écriture qui consiste à faire se déplacer le narrateur dans la conscience de chaque personnage au point d’emporter peut-être l’adhésion du lecteur qui devient ainsi une sorte d’enquêteur parallèle, est intéressant. Cela se complique par l’arrivée d’autres personnages, dont Marchat, qui, sous couvert d’aider la police va se présenter comme la prochaine victime tout se ne révélant pas tout ce qu’il sait. Le déroulé labyrinthique de l’enquête rapproche ce livre du thriller bien qu’on sache tout depuis le départ, mais les hésitations de Wallace, comme perdu dans un tourbillon sans fin, tisse une ambiance un peu malsaine, accentuée par une unité de lieu qui donne une idée d’enfermement des personnages dans cette histoire. Notre enquêteur en vient même à être lui-même soupçonné à cause d’une vague ressemblance. Malgré mon attention et ma volonté de comprendre, j’ai fini par perdre un peu la notion du temps et même celle des évènements, j’ai ressenti une sorte d’impression de malaise, de doute et d’absurde devant ces investigations qui recherchent un mort qui ne l’est pas encore et des devinettes incertaines d’un pilier de bistrot, mais c’est peut-être un des buts recherchés par l’auteur. Quant aux gommes que Wallace achète sans trouver vraiment ce qu’il cherche, je ne sais pas. Le livre refermé, je suis assez perplexe, pas vraiment emballé. Peut-être suis-je passé à côté de quelque chose?
-
si par une nuit d'hiver un voyageur
- Par ervian
- Le 15/04/2024
- Dans Italo Calvino
- 0 commentaire
N°1863– Avril 2024.
Si par une nuit d’hiver un voyageur – Italo Calvino- Seuil.
Traduit de l’italien par Danièle Sallenave et François Wahl.
Étonnant ce roman dont le personnage est le lecteur, c’est à dire vous et moi et par le biais de subtiles mises en abyme et d’une non moins habile erreur de composition de son livre, l’auteur nous place, dans une librairie en présence d’une belle lectrice. Ce détail est important parce qu’il confronte deux univers aussi différents que celui, traditionnel, de l’écrivain et de son lecteur. Dès lors c’est une autre histoire, certes loufoque et déjantée mais qui nous permet de voyager dans de petits mondes aussi différents que multiples, d’entrer dans l’univers très particulier d’Italo Calvino et d’y faire d’improbables rencontres au point de vouloir impérativement en savoir davantage et donc de ne pouvoir revenir en arrière. Cela peut susciter diverses réactions de notre part, rejet de cette originalité inattendue peut-être, saoulerie de l’imaginaire ou stupeur d’être au bord d’un gouffre, en équilibre entre la fiction et la vraie vie et tout cela par le miracle pourtant simple de l’écriture ? Écrire c’est créer un espace peuplé de gens particulier, ici des libraires, des traducteurs, des professeurs, c’est raconter une histoire qui n’existe pas encore parce que les mots qui la composent sont encore dans les limbes du cerveau de celui qui la tisse. Il arrive qu’il en soit lui-même étonné. Alors que peut faire le lecteur face à cet alchimie qui ne sera sûrement jamais complètement dévoilée sinon lire et ce d’autant que, cette fois, il s’agit de lui-même !
Avec Calvino, entrer dans un livre c’est davantage que d’y porter intérêt le temps d’une lecture. C’est tenter de mettre de l’ordre dans les multiples pièces d’un puzzle, de déjouer les arcanes du hasard, de goûter le vertige suscité par des mises en situation inattendues et labyrinthiques, de tenter de poursuivre une ombre tout en se demandant si elle est le fruit de l’imagination ou si elle est une réalité fuyante, de se laisser embarquer dans un voyage dont on se demande où il va finir et même s’il va avoir une fin tant l’épilogue en est abrupte et les secrets multiples et aussi si d’autres lecteurs nous accompagneront dans ce périple incertain...
Le lecteur (et la lectrice) cherche donc, tout au long de ces dix récits, à lire un improbable roman qui apparemment se dérobe à sa lecture dans une pirouette oulipienne en s’ouvrant sur un autre tout aussi mystérieux né de cet exercice de style génial. Livre, qui n’est pas vraiment un roman mais qui tient son lecteur en haleine jusqu’à la fin au point de le laisser à ce point perplexe... s’il n’est pas largué avant ;
-
si par une nuit d'hiver un voyageur
- Par ervian
- Le 15/04/2024
- Dans Italo Calvino
- 0 commentaire
N°1863– Avril 2024.
Si par une nuit d’hiver un voyageur – Italo Calvino- Seuil.
Traduit de l’italien par Danièle Sallenave et François Wahl.
Étonnant ce roman dont le personnage est le lecteur, c’est à dire vous et moi et par le biais de subtiles mises en abyme et d’une non moins habile erreur de composition de son livre, l’auteur nous place, dans une librairie en présence d’une belle lectrice. Ce détail est important parce qu’il confronte deux univers aussi différents que celui, traditionnel, de l’écrivain et de son lecteur. Dès lors c’est une autre histoire, certes loufoque et déjantée mais qui nous permet de voyager dans de petits mondes aussi différents que multiples, d’entrer dans l’univers très particulier d’Italo Calvino et d’y faire d’improbables rencontres au point de vouloir impérativement en savoir davantage et donc de ne pouvoir revenir en arrière. Cela peut susciter diverses réactions de notre part, rejet de cette originalité inattendue peut-être, saoulerie de l’imaginaire ou stupeur d’être au bord d’un gouffre, en équilibre entre la fiction et la vraie vie et tout cela par le miracle pourtant simple de l’écriture ? Écrire c’est créer un espace peuplé de gens particulier, ici des libraires, des traducteurs, des professeurs, c’est raconter une histoire qui n’existe pas encore parce que les mots qui la composent sont encore dans les limbes du cerveau de celui qui la tisse. Il arrive qu’il en soit lui-même étonné. Alors que peut faire le lecteur face à cet alchimie qui ne sera sûrement jamais complètement dévoilée sinon lire et ce d’autant que, cette fois, il s’agit de lui-même !
Avec Calvino, entrer dans un livre c’est davantage que d’y porter intérêt le temps d’une lecture. C’est tenter de mettre de l’ordre dans les multiples pièces d’un puzzle, de déjouer les arcanes du hasard, de goûter le vertige suscité par des mises en situation inattendues et labyrinthiques, de tenter de poursuivre une ombre tout en se demandant si elle est le fruit de l’imagination ou si elle est une réalité fuyante, de se laisser embarquer dans un voyage dont on se demande où il va finir et même s’il va avoir une fin tant l’épilogue en est abrupte et les secrets multiples et aussi si d’autres lecteurs nous accompagneront dans ce périple incertain...
Le lecteur (et la lectrice) cherche donc, tout au long de ces dix récits, à lire un improbable roman qui apparemment se dérobe à sa lecture dans une pirouette oulipienne en s’ouvrant sur un autre tout aussi mystérieux né de cet exercice de style génial. Livre, qui n’est pas vraiment un roman mais qui tient son lecteur en haleine jusqu’à la fin au point de le laisser à ce point perplexe... s’il n’est pas largué avant ;
-
L'herbier des villes
- Par ervian
- Le 13/04/2024
- Dans Hervé Le Tellier
- 0 commentaire
N°1862– Avril 2024.
L’herbier des villes – Hervé Le Tellier – Textuel.
J’ai pris ce livre un peu au hasard sur les rayonnages de la médiathèque, un peu aussi de confiance à cause du nom de l’auteur dont j’avais apprécié la très oulipienne « Anomalie » couronnée par le prix Goncourt 2020. J’ai cru avoir emprunté un livre pour enfants à cause des « illustrations » mais en réalité ce livre est le résultat d’une collecte que l’auteur a réalisée avec son fils en 2005 dans le 18° arrondissement de Paris, un peu en hommage au génial Georges Perec. Il a présenté le résultat de sa triste récolte d’objets abandonnés sur la chaussée avec des haïkus. A la réflexion, cela pourrait parfaitement être un livre pour enfants, pour les sensibiliser à une des incivilités qu’il vaut mieux éviter si on veut favoriser le « vivre ensemble » dont on nous parle souvent. Cela ne coûte effectivement rien de jeter dans une poubelle ces petits objets dont on veut se débarrasser plutôt que de les abandonner sur la voie publique. Par dérision ou par humour Le Tellier à baptisé son livre du nom « d’herbier » comme ce qui nous était demandé jadis par les instituteurs pour apprendre les plantes de la nature. Cela consistait à présenter fleurs et herbes séchées dans un cahier documenté et ainsi apprendre par nous-mêmes ce qui composait notre environnement. C’est bien le nom qui convient en effet puisque nos trottoirs offrent tout un panel d’objets devenus inutiles qui font partie de notre décor urbain. On devrait même dire un « urbier » ! Le haïku, par sa simplicité de rédaction (5-7-5) et surtout parce qu’il ne dit pas, convient bien à cette démarche négative, révélatrice d’un état d’esprit de plus en plus développé chez nos contemporains qui, se croyant tout permis, transforment aisément en décharge publique la moindre parcelle de territoire. La nature humaine est décidément peu fréquentable. C’est certes oulipien mais c’est aussi le rôle de l’écrivain d’être témoin de son temps !
C’est une sorte d’inventaire où on trouve pêle-mêle une collection qui va de cannettes écrasées, aux billets froissés de cinéma, en passant par les PV pour stationnement interdit, ou un foulard de soie où une femme a laissé son parfum…J’ai pensé que s’il avait fait un vrai herbier, rural celui-là, il aurait sans doute été moins fourni que celui que jadis les potaches studieux réalisaient puisque, à force de jeter des objets dans la nature, cette dernière a fini par dépérir à cause des détritus qu’on y déverse. C’est malheureusement le résultat de notre comportement qui détruit autour de nous la flore et la faune sauvages et on est fondé à se demander le but de tout cela et la raison de ce qui n’est pas autre chose qu’une volonté irrationnelle d’autodestruction.
-
Bérézina
- Par ervian
- Le 12/04/2024
- Dans Sylvain Tesson
- 0 commentaire
N°1861– Avril 2024.
Bérézina- Sylvain Tesson – Éditions Guérin.
Sylvain Tesson est l’homme des défis un peu fous. Après avoir participé au Salon du livre de Moscou en 2012, pourquoi pas revenir à Paris en side-car avec son ami Cédric Gras en suivant l’itinéraire de la Grande Armée de Napoléon, cette retraite de Russie dont on fêtait le deuxième centenaire, histoire de saluer les fantômes de ces grognards qui avaient suivi aveuglement leur empereur dans son aveuglement guerrier de conquêtes. Chacun sa folie après tout ! Sauf que eux, ils étaient revenus à pied, à tout le moins pour ceux qui avaient échappé à la mort, pas vraiment une promenade de santé. Nos deux compères, bannière de la Vieille Garde au vent, étaient accompagnés dans cette équipée démente par un autre ami, Thomas Goisque, photographe, qui partagera cette folle équipée ainsi que deux Russes Vitaly et Vassili sur une autre moto, évidemment de fabrication soviétique.
Le nom même de Bérézina est un symbole, une évocation pas très glorieuse de cette campagne désastreuse qui a sonné l’effondrement de l’Empire même s’il a paradoxalement une tout autre raisonnance historique. La campagne de Russie se terminait avec la fuite de l’Empereur !
J’ai aimé voyager avec Sylvain Tesson au rythme de ce récit extravagant et jubilatoire dans l’hiver russe, scandé par les mémoires de Caulaincourt, des citations de « Guerre et paix » de Tolstoï, des atermoiements mécaniques et des lampées de vodka dans cet hiver russe, même si mes origines charentaises me font préférer les pantoufles du même nom.
-
Tropismes
- Par ervian
- Le 10/04/2024
- Dans Nathalie Sarraute
- 0 commentaire
N°1860– Avril 2024.
Tropismes – Nathalie Sarraute – Les éditions de Minuit.
C’est un recueil de vingt quatre textes courts et indépendants les uns des autres, paru en 1939 dans l’indifférence quasi générale après avoir été refusé notamment par Gallimard et qui ne connut le succès que vingt en plus tard lors de sa réédition. Ce détail relativise les choses quant au talent de notre auteure, cet ouvrage étant considéré comme fondateur du mouvement littéraire dit du « nouveau roman ». Il n’est pas interdit de penser que ces circonstances ont nourri la trame de son roman « Les Fruits d’or » paru en 1963.
Le tropisme est une réaction d’orientation générée par un agent physique ou chimique, par exemple dans le cas du tournesol qui recherche le soleil. Au sens figuré, c’est un sentiment fugace, bref, inexpliqué face à un phénomène banal. Chaque texte s’attache à étudier la réaction d’inconnus, hommes et femmes, en contact avec leurs semblables, met en scène des personnages non définis, à peine esquissés, sans lien entre eux, juxtaposés, qui vivent un moment de leur vie d’une manière presque indifférente et qui se termine bizarrement dans une sorte d’expectative où rien ne se passe que des faits anodins, comme si l’intérêt de leur vie se résumait à une attente, à une immobilité (le verbe attendre revient souvent). Cette absence d’action se double d’une sorte de négligence, une sorte de lassitude face aux choses qu’on laisse se dérouler d’elles-mêmes sans qu’on fasse rien pour en modifier le cours. C’est le contraire du mouvement, un peu comme la tiédeur d’un dimanche après-midi qui distille l’ennui, la solitude, le temps qui passe inexorablement, mais aussi l’indifférence à l’autre quand la méchanceté qui est une des particularité de la nature humaine, ne vient pas bouleverser l’agencement de ce morne décor. Alors s’installe la peur de l’autre et aussi la haine, le plaisir de déranger sa vie, d’étouffer ses habitudes, ses espoirs avec des mots médisants, des actions malsaines parfois, pour le seul plaisir de se prouver qu’on existe ou d’exorciser sa propre lassitude de vivre. Cette vie artificielle s’étire, s’emploie à parler de tout et surtout de rien, à faire des plans sur la comète, à médire d’autrui, à exercer son imagination débordante et malveillante dans des domaines futiles et inutiles. Cette superficialité trouve aussi sa réalité dans la volonté de suivre la mode qui est à la fois changeante et frivole. Cette vie marginale, égoïste, ne se limite pas aux petites gens, ceux qui ne laissent aucune trace de leur passage, mais s’étend également aux intellectuels suffisants dont la conscience qu’ils ont de leur supériorité les distingue du commun, ceux qui trouvent dans la foi religieuse et ses rituels surannés une raison de vivre ou ceux que la culture enivre parce qu’elle entretient leur différence et leur en donne la certitude d’être différents, ceux qui se plaisent à croire que la vieillesse leur a conféré une forme de sagesse et donc d’importance avec des pouvoirs exorbitants ou que rien ne doit venir bousculer leur décor familier et immuable.
Il s’agit d’un essai dont la rédaction, cherche à redéfinir une nouvelle manière d’écrire, en réaction contre la seconde guerre mondiale, ses excès et ses violences, notamment la volonté nazie dont elle a été la victime d’exterminer les juifs.
-
Les fruits d'or
- Par ervian
- Le 09/04/2024
- Dans Nathalie Sarraute
- 0 commentaire
N°1859– Avril 2024.
Les fruits d’or – Nathalie Sarraute – Gallimard.
Prix international de littérature en 1964.
Il s’agit d’un roman intitulé « Les fruits d’or », comme celui que signe Nathalie Sarraute, un roman dans le roman, une mise en abyme. Le véritable sujet est le roman lui-même dont parlent de nombreux intervenants. Il s’agit surtout de vilipender tous ces pseudo-intellectuels qui, souvent sans les avoir lus, se croient obligés de porter des jugements esthétiques variant de la dithyrambe à la critique au vitriol, de tenir des discours convenus avec force postures étudiées, sur des romans qui viennent de sortir, de faire état avec véhémence de leur avis souvent glané ailleurs ou qui se croient inspirés en baptisant « génial », « stupéfiant » ou « un chef-d’œuvre », un livre auquel ils n’ont rien compris, ou qui encensent un roman au seul motif que l’auteur est connu. Cela tient davantage à leur volonté de briller en société en formulant des jugements définitifs que d’entretenir leur culture ou de goûter la beauté d’un texte et ils ne tarissent pas d’éloges sur le talent de cet auteur, font des plans sur la comète sur sa carrière, clament bien fort leur soutien en exagérant l’importance de l’œuvre. Cela ne se limite pas aux best-sellers et notre auteure évoque un tableau de Courbet à qui cet aréopage réserve le même sort. Tout cela a un côté jubilatoire même si cet entre-soi prête beaucoup à l’ironie peut-être un peu facile.
Ce livre est pour moi l’occasion de renouer avec « Le nouveau roman » dont Nathalie Sarraute était un des auteurs emblématiques. Ce mouvement littéraire apparu dans les années 50 se caractérise par un récit assez neutre où il n’y a aucune trame, aucun rebondissement, ou les personnages sont flous, sans caractère particulier, qui éprouvent de la difficulté à se parler et à se comprendre. Il n’est même pas question ici de l’auteur du roman dont le nom, Brehier, est à peine mentionné. Le texte est narratif et emprunte souvent à la fiction, les personnages qui ici s’expriment n’ont aucune personnalité et l’écriture est sans recherche littéraire. La fin, souvent inattendue prend la forme d’une chute. Ici on peut considérer que « Les fruits d’or » finit par s’imposer, à être apprécié, même contre certains de ses détracteurs quand d’autres l’ont carrément oublié, l’oubli étant le lot de la plupart des romans.
Le nouveau roman a donc voulu révolutionner l’écriture. Je me souviens qu’un de mes professeurs de français qui, sceptique et quelque peu ironique, disait du nouveau roman qu’il avait la caractéristique essentiel d’être nouveau ! Qu’en reste-t-il aujourd’hui, quand Marguerite Duras, une autre auteure emblématique de ce mouvement, a obtenu un franc succès non démenti à ce jour, mais je ne suis pas sûr qu’elle ait toujours illustré ce mouvement au cours de son œuvre et deux auteurs couronnés par le Prix Nobel de littérature, Patrick Modiano et Annie Ernaux ont surtout parlé d’eux au point de tomber dans le solipsisme. Le nouveau roman a donc été une tentative de révolutionner la littérature qui en avait déjà connu beaucoup, alors pourquoi pas ? Depuis le début de son existence, le roman a déjà subi nombre d’évolutions, de l’humaniste au baroque, au classicisme, au romantisme, au naturalisme, au réalisme, au symbolisme...quant à l’Oulipo, l’expérience qu’il mène sur le langage est originale et cela n’a pas échappé au jury Goncourt qui a décerné son prix en 2020 à « l’Anomalie » d’Hervé Le Tellier, Alfred Jarry comme Georges Perec (cités par Sarraute à propos du mot « oneille ») ont eux aussi été tenté d’’y imprimer leur marque et ils ne sont heureusement pas les seuls.. Qu’en reste-t-il ? Je ne suis pas expert mais Il est certain que si les romans actuels racontent une histoire avec souvent un étude de personnages, le mode d’expression des auteurs, à quelques brillantes exceptions près, a globalement changé pour adopter un forme plus spontanée, proche du langage parlé, loin en tout cas d’un recherche d’images poétiques ou de vocabulaire.
Il reste que ce livre est jubilatoire, (pas celui dont parle Sarraute qui n’est qu’à peine évoqué, mais le sien) et parler ainsi d’un livre sans en rien dire reste une performance. C’est en tout cas pour moi l’occasion d’en connaître davantage sur ce « Nouveau roman » tout juste effleuré dans ma lointaine scolarité. C’est aussi peut-être une sorte de leçon à tous ceux qui parlent des livres des autres !
-
La nouvelle femme
- Par ervian
- Le 08/04/2024
- Dans Léa Todorov
- 0 commentaire
N°1857– Avril 2024.
La nouvelle femme - Un film franco-italien de Lea Todorov. (2023)
L’éducation est un moyen essentiel dans l’émancipation de l’homme et de sa réalisation personnelle. Cette affirmation prend toute son importance quand il s’agit de personnes handicapées qui ont comme les autres le droit à la vie. Face à ce problème, le régimes totalitaires ont apporté une solution d’élimination quand les démocraties cherchent à y apporter une réponse plus adaptée. Ce fut un long combat, il est vrai souvent caractérisé par des initiatives individuelles quand la collectivité choisissait souvent d’ignorer voire de cacher ceux qui en étaient atteints.
Nous sommes à Rome en 1900 et Lili d’Alengy, une prostituée qui a fui Paris, cache sa fille idiote qui entrave sa carrière. Elle y rencontre Maria Montessori (1870-1952), une femme médecin qui travaille dans un institut pour enfants déficients et qui a développé une méthode d’éducation pour les aider à se réadapter. Il naît entre ces deux femmes que tout oppose une relation faite d’empathie, de compréhension et de volonté d’aide face à une détresse solitaire, celle de Lilli qui souhaite dissimuler la présence de sa fille et celle de Maria qui veut faire reconnaître son action. Maria elle aussi cache un fils, certes normal, mais né hors mariage, ce qui a l’époque est pour une femme célibataire un motif d’exclusion de cette société bourgeoise, bien pensante et hypocrite. De plus, pour une femme, être médecin est tout simplement inconcevable dans un monde réservé aux hommes et son action personnelle en faveur des enfants est éclipsée au profit de son collègue, le père de son fils, Guisepe Montesano, codirecteur de l’institut. Lilli fait profiter à Maria de sa connaissance du monde masculin et de la façon de se comporter face à lui pour lui résister et Maria aide efficacement sa fille à progresser. Maria qui auparavant ne vivait que pour la science et pour son travail se révèle être cette « nouvelle femme » qui va s’affirmer. Ce sont les deux personnalités féminines de ce film. Cette opposition entre ces deux femmes, l’une réelle, Maria Montessori (Jasmine Trinca) et l’autre fictive incarnée par Leila Bekti est bienvenue. Elle met en prescriptive la personnalisé de la première, autoritaire, ambitieuse et surtout désireuse de s’imposer dans un monde qui la rejette et la seconde qui reste une demi-mondaine mais une femme libre et indépendante qui va aider Maria à conquérir son autonomie financière , fonder son propre centre et imposer la méthode qui va porter son nom et révolutionner l’école de son temps. Elle est encore utilisée aujourd’hui.
Un autre aspect important est la relation entre Maria et son compagnon, le père de son fils qui co-dirige l’institut, Guisepe Montesano (Rafaele Esposito) qui souhaiterait qu’ils se marient, notamment pour légitimer leur fils, mais Maria refuse puisqu’elle perdrait du même coup son indépendance, la femme mariée était à l’époque sous la tutelle exclusive de son époux. La reconnaissance de son fils par son père, qui par ailleurs de marie avec une autre femme, fait perdre à Maria ses droits sur son fils dont elle doit se séparer pendant 12 ans. C’est le douloureux prix qu’elle doit payer pour être reconnue.
Ce film est important parce qu’il met en scène des enfants réellement déficients mais dont la direction s’est adaptée à leur handicap. En outre il s’inspire directement du journal intime de Maria.
Ce long métrage s’inscrit parfaitement dans la difficile conquête des droits de l‘enfant inadapté mais aussi la prise en compte du long combat des femmes pour la reconnaissance de leur statut au sein de la société. Le cinéma italien s’en fait actuellement l’écho, mais dans un tout autre registre, notamment avec le film de Paola Cortellesi « C’e ancora domani » (il reste encore demain) et celui de Maria Savina (« Prima donna »)
C’est le premier film de Lea Todorov, connue par ailleurs dans le domaine de réalisation de documentaires et c’est une réussite.
-
Blanc
- Par ervian
- Le 06/04/2024
- Dans Sylvain Tesson
- 0 commentaire
N°1858– Avril 2024.
Blanc – Sylvain Tesson – Gallimard.
Sylvain Tesson est un incorrigible arpenteur de territoires. Déjà, après un accident stupide qui faillit lui coûter la vie, il avait pris la décision de traverser la France à pied, de la Méditerranée à la Manche, par les chemins de traverse. Ici c’est plutôt une sorte de défi que lui lance son ami, le guide de haute montagne Daniel Du Lac de Fougères de traverser les Alpes à ski, de Menton à Trieste, la montagne entre deux mers, le grand blanc entre deux nuances de bleu. Pour ce périple de quatre vingt cinq jours, un peu bousculé par l’épidémie de covid et qui s’est étiré sur quatre hivers de 2018 à 2021, ils ont été accompagnés de Philippe Rémonville. C’était sans doute un peu fou, mais après tout pourquoi pas ? En tout cas il n’était pas seul.
De passages de cols en refuges, d’escalades en descentes en rappel ou à ski dans des températures en-dessous de 0, Sylvain Tesson nous narre par le menu et à la façon d’’Hemingway, cette expédition fragmentée. Il use pour cela du passé simple qui évoque une action définitivement passée, un peu comme s’il avait tourné définitivement la page de cette épopée. C’est les noces de la plume et du piolet avec poésie, souvenirs personnels et même une petite dose d’humour. Rimbaud est souvent cité à cause du voyage, mais il n’est pas le seul, même si les citations, par leur nombre un peu trop important, n’apportent que peu de choses à l’écriture de qualité de l’auteur. Les aphorismes qu’il égrène tout au long du texte ont souvent des résonances originales.
Le voyage lent est un parti-pris au siècle de la vitesse. Je le ressens comme une fuite du monde contemporain, un retour sur soi-même, une recherche intime, une thérapie peut-être face à la mélancolie. Nous savons cependant que voyager n’est pas guérir son âme. Le blanc, associé à la neige est un symbole, la couleur transitoire de l’eau qui n’en comporte pas, sa forme solide que le froid entretient et que la douceur dissoudra, elle évoque le néant, le vide, une sorte de pays assez indistinct où les reliefs sont gommés, les aspérités dissoutes pour mieux cacher les difficultés, le ravin synonymie de mort. Il répond pour l’écrivain à la page blanche mais cela ne semble pas affecter notre auteur. Pourtant, le livre refermé, en dehors du plaisir de lire sa belle écriture, était-ce la répétition de ce mouvement ascendant et descendant et les chiffres qui le caractérisent, cet effort quotidien répétitif avec la crainte de l’avalanche et du danger, je ne suis que peu entré dans ce voyage, mais cela doit tenir à moi.
-
Le mystère de l'île au Cochons
- Par ervian
- Le 03/04/2024
- Dans Michel Izard
- 0 commentaire
N°1856 – Avril 2024.
Le mystère de l’île aux Cochons- Michel Izard – Paulsen.
Le titre suggère un roman policier et pourtant il n’en est rien et une énigme demeure... Ce petit coin de France au nom étrange, perdu au milieu de l’océan indien qui se décline en un chapelets d’îles désolées, inhospitalières et glacées, sans habitants permanents autres que des scientifiques en transit et des milliers de manchots royaux qui posent problème. On a constaté que cette communauté animale, jadis la plus importante au monde, avait perdu plus de 90 % de sa population. Telle est l’objet de cette expédition scientifique de cinq jours en terres australes dans des conditions spartiates, de ces investigations d‘une poignée de scientifiques. En sa qualité de grand reporter, Michel Izard, accompagné de Bertrand Lachat cameraman, couvrira l’évènement.
C’est un compte rendu de voyage, entrecoupé d’extraits de journaux de bord et de récits d’autres navigateurs historiques ou anonymes, marins cartographes et découvreurs, amoureux des voyages au long cours ou cupides chasseurs de baleines ou d’éléphants de mer, qui ont exploré ces contrées désolées et y ont parfois fait naufrage. On ne peut pas ne pas évoquer Baudelaire « Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent pour partir, cœurs légers semblables aux ballons, de leur fatalité jamais ils ne s’écartent, et sans savoir pourquoi, ils disent toujours Allons ! » Ce voyage est raconté par le menu, rencontres et découvertes improbables, compte rendu de séjour, d’explorations et de prélèvements, avec heureusement des cartes et des photos pour permettre au lecteur de s’y retrouver dans ces terres australes.
Le livre se savoure non seulement à cause des descriptions précises, des images, avec un grand souci du détail et de précisions techniques, poétiques parfois, mais aussi de sa riche documentation historique et des témoignages de journaux de bord des navigateurs qui tissent l’histoire pourtant maigre de ces lieux où l’homme est absent et presque intrus. C’est que ces îles du Grand Sud fascinent par leur nom nom même qui évoque les 40° rugissants, les écueils, les tempêtes, les paysages solitaires, juste peuplés d’une faune sauvage, d’une maigre flore, de paysages volcaniques et dépouillés. Avec lui on voyage dans l’espace et dans le temps et on ne peut pas ne pas évoquer Baudelaire, à cause sans doute de l’albatros mythique mais aussi tout simplement le voyage lui-même qui transforme un être banal en marin, le temps d’une campagne de pêche ou d’un périple au long cours, à la suite d’Alvaro Mutis ou de Bernard Giraudeau. Le dépaysement est assuré, même si cette île n’encourage pas vraiment le tourisme mais ces paysages répondent souvent à un rêve de gosse « Pour l’enfant amoureux de cartes et d’estampes, l’univers n’a d’égal que son vaste appétit ». Quand il quitte l’île Michel Izard a une drôle d’impression, celle de l’abandonner ou pire peut-être d’y abandonner quelque chose de lui-même tant la magie du lieu, ajouté au mystère qui entoure ces côtes désolées continue d’exercer son étrange pouvoir.
Je ne suis qu’un modeste téléspectateur de TF1 mais j’apprécie toujours les reportages de Michel Izard. C’est d’abord une voix, à la fois posée et économe en mots mais pas en émotions et les chroniques qu’il nous propose n’ont rien à voir avec la façon journalistique traditionnelle de ses confrères. Avec lui, même si le sujet est banal, et il l’est rarement, le spectateur entre à sa suite dans un monde différent, poétique et parfois un peu mystérieux qui se révèle au fil des mots et des images, avec cette envie de nous faire voir les choses sous un jour différent et qui outrepasse la réalité du quotidien. C’est toujours un plaisir que je partage avec lui, une émotion qui sans cela n’eut jamais été ressentie ni même révélée.
-
Ecrire
- Par ervian
- Le 28/03/2024
- Dans Marguerite DURAS
- 0 commentaire
N°1855 – Mars 2024.
Écrire - Marguerite Duras. Gallimard.
C’est un livre, le dernier, publié en 1993, dans lequel Marguerite Duras au crépuscule de sa propre vie, revient sur son activité et son rôle d’écrivain, sur cette action d’écrire, une réflexion sur sa spécificité, sur la genèse et la nécessité pour elle de l’écrit.
J’ai toujours lu Duras avec en tête cette citation de l’Amant « Je n'ai jamais écrit, croyant le faire, je n'ai jamais aimé, croyant aimer, je n'ai jamais rien fait que d'attendre devant la porte fermée ». Ici elle note « Écrire, c’était la seule chose qui peuplait ma vie et qui m’enchantait… L’écriture ne m’a jamais quittée » C’était donc à la fois paradoxal et intéressant qu’elle s’explique sur ce qui a été toute sa vie. Elle égrène donc une série de remarques qui accompagnent, selon elle, la création d’un texte, l’importance du silence, la nécessité de s’écouter soi-même parce qu’écrire c’est se parler, c’est une sorte de soliloque même si la composition d’un livre peut durer des années. Écrire, comme elle le dit, c’est parler mais aussi rester silencieux, c’est « hurler sans bruit », pratiquer une sorte de non-écriture faite de non-dits, de révoltes muettes. La solitude aussi est essentielle. Elle peut être de deux natures, non seulement la solitude, physique et même morale qui résulte d’une souffrance ou d’une volonté délibérée, mais aussi la confrontation individuelle et intime face à la page blanche qui est ainsi le témoin privilégié de l’expression de la pensée, du message. Pourtant la présence d’amis, d’amants, lui est indispensable. C’est aussi un paradoxe car c’est dans le silence et la solitude que le créateur, conçoit, donne vie à ses personnages. Il a avec eux une relation privilégiée faite de volonté de les guider mais aussi il y a, de leur part, des velléités de liberté. La qualité d’un livre vient aussi de cette lutte intime entre eux. Elle insiste sur les lieux choisis dans lesquels peut éclore l’écriture. Il lui faut une maison et personne autour d’elle, des images et des sons lointains de la campagne ou de la mer et c’est dans un lieu d’exception et son environnement immédiat, son parc, ses arbres, sa lumière, dans cette sorte de microcosme ainsi crée et coupé du monde extérieur qu’elle s’enferme volontairement et que naîtra le livre qu’elle porte en elle, un peu comme un accouchement. Il lui faut des rituels, la quiétude de la nuit, la présence d’un amants, peut-être l’alcool comme un autre paradoxe qui l’aide sans doute non seulement à supporter la vie mais aussi à faire sortir les mots du néant, à apprivoiser son inspiration, c’est à dire qui lui permet d’écrire mais, autre contradiction, c’est avec l’écriture qu’elle combat ce fléau. Il lui faut tout cela parce que le souffle créatif est exigeant, capricieux aussi et on se doit d’y être attentif et même disponible, parce que si on ne cède pas à la sollicitation nocturne des mots, des images, tout cela est happé par le néant et une telle vibration ne se représentera plus. C’est un combat contre soi-même parce qu’on écrit toujours pour exorciser une douleur intime, c’est aussi une folie parce qu’on n’est jamais sûr du résultat et qu’il y a des chances pour que cela ne serve à rien
Une telle réflexion sur soi-même pleine de contradictions, cette sorte de confession, s’agissant d’un écrivain de la stature de Marguerite Duras, est important pour chacun d’entre nous et spécialement pour ceux (et celles) qui ont fait de l’écriture un des centres d’intérêt importants de leur vie. A titre personnel, j’ai toujours respecté les livres et ceux qui les écrivent parce que cette démarche n’est jamais innocente. Derrière les mots il y a un travail, des souffrances, de l’espoir et plus souvent du désespoir, un témoignage pour échapper à l’oubli, à la mort . Cela mérite le respect et de l’attention même si je ne partage rien de leur voyage.
-
Dernières nouvelles du front
- Par ervian
- Le 25/03/2024
- Dans Philippe Volard
- 0 commentaire
N°1854 – Mars 2024.
Dernières nouvelles du front – Philippe Volard – l’Harmattan.
L’auteur est médecin urgentiste et ça se sent dans son écriture, dans les thèmes qu’il aborde. C’est la douleur, celle de la maladie qui mange peu à peu la vie, celle qui suit l’accident, dans les débris de tôle et de verre, avec le sang et la chair à vif, celle qu’on ne peut plus supporter parce que sa propre vie est trop lourde à porter, celle que le praticien impuissant voit grandir chez son patient à qui la camarde tend ses bras décharnés, la sienne aussi, plus intime, de ne pouvoir plus rien faire pour retenir la vie, celle qui accompagne ses gardes démesurément longues et éprouvantes que le café peine parfois à adoucir. C’est aussi être confronté à la violence de la rue, aux ravages de l’alcool, de la drogue, de l’incompréhension entre les gens, de leur désespoir, de leur volonté de destruction suicidaire. Il faut beaucoup d’abnégation aux soignants pour soulager toute cette souffrance et ceux qui sont l’objet de leurs soins veulent vite disparaître parce qu’il a fallu attendre longtemps son tour et que la vie reprenne son cours pour peut-être une nouvelle chance. Un médecin, de part sa fonction, doit faire accepter la souffrance et la mort avec pour tout moyen les mots, entre empathie et distance indispensable et pour toute cuirasse sa blouse blanche et son titre de docteur. Il y a la vie ordinaire, banale qui, en une fraction de seconde, quand on s’y attend le moins, bascule vers le néant avec son cortège de souffrances, comme un point de passage obligé. La guérison peut être au rendez-vous mais la mort n’est jamais très loin dans le microcosme des urgences. A l’extérieur, ce sont les copains, les rencontres, ces moments futiles autour d’une bière ou d‘une vodka, à évoquer le temps qui passe, les choses de la vie et les souvenirs qu’on égrène avec leurs joies, leurs regrets, leurs remords, ces moments aussi où on frôle le danger au point d’envisager son propre saut dans le néant avec cette intuition que mourir est peut-être une choses simple.
Nous sommes mortels mais sous nos latitudes nous choisissons de vivre sans penser à la mort, un peu comme si elle n’existait pas, au point que souvent elle survient à notre grand étonnement. La mort frappe sans logique, malgré les efforts pour retenir la vie, malgré les larmes et il faut accepter son verdict parce que telle est notre condition humaine.
Recueil de nouvelles courtes qui constitue de premier ouvrage publié de Philippe Volard, annoncé bizarrement sur la couverture comme un roman, agréable à lire, avec des accents poétiques parfois malgré les angoisses et thème traité. C’est une plongée dans notre quotidien de plus en plus violent qui parle de souffrance, de demande de soins autant que de compréhension qui remet en cause le vivre ensemble autant que toutes les affirmations lénifiantes sur notre passage sur terre, c’est aussi une façon d’attirer l’attention sur les urgentistes, leur devoir, leur volonté de sauver, leurs difficultés.
-
La couleur des choses
- Par ervian
- Le 23/03/2024
- Dans Martin Panchaud
- 0 commentaire
N°1853 – Mars 2024.
La couleur des choses – Martin Panchaud – ça et là.
Il y en a comme cela qui sont nés sous une mauvaise étoile. C’est un peu le cas de Simon, un jeune anglais de 14 ans, pas vraiment gâté par la nature, pas parce qu’il est gros, pas parce qu’il est tombé dans une famille aux fins de mois difficiles où sa mère vivote comme elle peut en faisant des gâteaux pour les autres mais un peu parce que son père qui ne pense qu’aux courses y consacre tout son argent. Comme si cela ne suffisait pas il est en butte aux harcèlements de ses copains de quartier qui lui imposent tout un tas de corvées et d’humiliations pour le plaisir de s’affirmer. Un peu par hasard, il croise une diseuse de bonne aventure qui lui dévoile un avenir immédiat un peu inattendu en lui dévoilant les chevaux gagnants de la prestigieuse course du Royal Ascot. Tenté par l’aventure, il dévalise les économies de son père et gagne le gros lot, 16 millions de livres quand même, largement de quoi voir venir et surtout d’avoir l’impression que ses ennuis touchent à leur fin. Que nenni ! D’abord parce qu’il est mineur et ne peut toucher son argent qu’avec la signature d’un de ses parents mais surtout parce qu’il est maintenant une proie facile, que sa mère agressée tombe dans un coma profond et que son père disparaît et surtout qu’il ne manque pas de gens bien intentionnés pour vouloir s’approprier son ticket gagnant. A cette occasion au moins apprend-t-il à mieux connaître la nature humaine ! Et comme si cela ne suffisait pas il tombe dans une sorte de maelstrom où des révélations inattendues vont lui être faites qui vont bouleverser sa vie alors qu’il ne perd pas de vue son projet de sauver sa mère hospitalisée. Cette quête va durer sept longues années, le temps de devenir majeur et de croiser une baleine dont on se demande ce qu’elle vient faire dans cette histoire et qui va l’aider à se tirer du mauvais pas dans lequel cette fabuleuse somme d’argent gagnée l’a précipité. L’épilogue ne ressemble pas vraiment pour lui à un « happy end » sauf si on considère que si l’argent ne fait pas forcément le bonheur, il peut peut-être y contribuer.
J’ai eu un peu de mal au début à entrer dans cette histoire, peut-être à cause d’un manque relative d’originalité dans le scénario, mais plus sûrement parce que la présentation différait quelque peu de ce à quoi je m’attendais. Ce livre est classé parmi les BD mais les vignettes, les bulles et la présentation traditionnelle du « neuvième art » manquaient. A leur place ce sont des images vues de haut, un peu comme si le lecteur surplombait cette aventure, les personnages à ce point stylisés qu’il ne sont matérialisés que par de petits cercles colorés d’où Les expressions, notamment du visage et du corps sont absentes. Il y a même des explications techniques, pleines de détails inutiles qui égarent le lecteur. Et pourtant, plus rapidement que je ne l’aurait pensé, je suis entré dans cette histoire un peu rocambolesque et pas vraiment drôle.
Alors avons nous affaire à une révolution de la BD . Pourquoi pas ? Les choses, dans ce domaine aussi sont susceptibles d’évolution.