la feuille volante

Articles de hervegautier

  • Toutes ces choses qu'on ne s'est pas dites

    N°1919 – Juillet 2024.

    Toutes ces choses qu’on ne s’est pas dites – Marc Levy Robert Laffont.

     

    Julia, une infographiste new-yorkaise, va se marier. Elle vient d’être informée par un coup de téléphone que Anthony Walsh n’assistera pas à la cérémonie. Cela ne l’étonne guère , il a toujours un père distant voire absent, mais là c’est un peu différent, il vient de mourir. Enterrer son père puis se marier dans la foulée c’est évidemment un peu compliqué. Ce qui l’est encore plus c’est le cadeau qu’il lui fait, sans doute pour rattraper tout ce temps perdu pendant lequel ils ne se sont pas parlé, un androïde à son image, plus vrai que nature, avec sa propre mémoire, ses sentiments et ses regrets. Mais limité à six jours seulement et pour rattraper toutes ces années perdues ça risque d’être un peu juste. Toute cette redécouverte de son père ne va pas sans péripéties, sans souvenirs décalés, sans remarques acerbes et tentatives de justifications, sans regrets et sans remords, avec l’inévitable premier amour qu’on n’oublie jamais au point de chercher à le retrouver vingt ans après, pour une dernière rencontre, même si elle doit hypothéquer son propre mariage. Cette folie met en lumière la fuite inexorable du temps, les changements dans nos vies, les mensonges qu’on peut entretenir…

     

    Marc Levy renoue ici avec la science-fiction qu’il semble affectionner, même si nous pouvons imaginer cela maintenant sous le nouveau vocable d’intelligence artificielle. La chose paraît en effet impossible, surtout en 2008, date de la parution du livre, même si nous sommes en pleine fiction, ce roman me semble illustrer une chose bien humaine et qui nous touche tous . Nous passons notre temps à croiser des gens maintenant disparus, dans notre famille ou ailleurs, et inévitablement nous regrettons, parce qu’ils ne sont plus là et qu’il est trop tard, tout ce que nous leur avons dit ou ce que nous n’avons pas eu le temps de leur dire. Ce retour de Julia sur son passé, la découverte de son père ne se font pas sans nostalgie, avec cette constante référence à la mort et ressemble à un exorcisme, l’illustration que notre passage sur terre n’est pas aussi simple que nous l’avions imaginé, que les destin doit bien exister qui fait de nous ce qu’il veut. Je sais que nous sommes dans une fiction mais le « happy end » me paraît un peu surfait, simplement parce ça n’existe pas ainsi dans la vraie vie, malheureusement !

     

    J’apprécie toujours le style fluide et agréable de Marc Levy. Même si cette histoire est surréaliste, il tient en haleine son lecteur jusqu’à la fin et je ne me suis pas ennuyé malgré ces plus de 400 pages. Ce fut comme toujours un bon moment de lecture

  • Le voleur d'ombres

    N°1918 – Juillet 2024.

    Le voleur d’ombres – Marc Levy Robert Laffont.

     

    Décidément Marc Levy aime bien les monde parallèles. Le narrateur, un petit garçon de 6° découvre qu’il peut s’ approprier les ombres de ceux qu’il rencontre et ainsi tout connaître de leur vie. Son ombre elle-même à la quelle il parle lui révèle des choses qu’il ignorait sur lui-même, sur son passé. C’est un pouvoir bien encombrant et un secret difficile à garder. Cette particularité en fait un être à part qui l’incite à être bon avec les autres.

    Cette histoire un peu trop idyllique au départ m’a paru une jolie fable mais quand le narrateur a grandi, ce pouvoir est complètement oublié et ça s’est transformé en un récit de sa vie, de ses amitiés, de ses amours, de son métier de médecin, avec toute la nostalgie que cette évocation suppose, avec, évidemment des petits moments à la fois merveilleux et inattendus comme ceux qu’on ne rencontre que dans les romans, histoire de me rappeler mon impression du début, avec aussi des événements qui font la vie, tout simplement.

    C’est bien écrit, ça a retenu mon attention jusqu’à la fin, même si elle était un peu attendue quand même.

  • La prochaine fois

    N°1917 – Juillet 2024.

    La prochaine fois – Marc Levy Robert Laffont.

     

    Jonathan a consacré une grande partie de sa vie d’expert à l’œuvre de Vladimir Radskin, un peintre russe du XIX° siècle . Il est à la recherche de son ultime tableau que personne n’a jamais vu. Il doit se rendre de Boston à Londres où sera organisée une vente, pour expertiser les tableaux de Radskin dont le dernier, à la demande de son ami Peter, commissaire-priseur qui l’accompagne et qui est l’ organisateur de la vente chez Christie’s.

    Jonathan va se marier avec Anna, une ravissante artiste peintre mais dans sa poursuite de l’ultime tableau de son peintre préféré, il croise Clara, directrice de galerie londonienne au charme de qui il n’est pas insensible. Leurs deux histoires d’amour croisées menaçaient d’être d’un ennuyeux ordinaire mais l’originalité de cette fiction est venue du saut dans le passé, même si je ne suis pas bien sûr d’avoir cru vraiment à cette histoire de réincarnation.Les péripéties à propos de l’authentification du tableau du peintre russe tiennent du roman policier.

    C’est agréablement écrite et procure une lecture facile, mais j’ai été un peu déçu par ce 4° roman de Marc Levy

     

     

  • Une sacrée bonne femme

     

    N°1916 – Juillet 2024.

     

    Une sacrée bonne femme – Florence Asie- Gallimard.

    Je continue d’explorer l’univers créatif de Florence Asie, de son vrai nom Henriette Lafarge-Saget (1910,-2012) Ce roman, rédigé à la première personne, ressemble à l’auteure dont on sait par ailleurs peu de choses sinon qu’elle écrivit des romans, dont celui-ci, le dernier, paru en 1975, publiés chez Gallimard, grâce à l’appui de Simone de Beauvoir Elle se dit « bâtarde du monde » et cette bâtardise semble être une obsession et nombre de précisions présentes dans « fascination », un autre de ses romans, se retrouvent dans celui-ci. La sacrée bonne femme ,c’est sans doute elle., mais il est difficile de faire la part de l’autobiographie et de la fiction.

    Elle raconte une jeunesse mouvementée, auprès d’une mère tyrannique, ses amours avec un homme marié qui s’est tué au volant de sa voiture. Dès lors, la mort fut longtemps son obsession, jusqu’au suicide…manqué. Puis vient une longue aventure avec un gitan ; Celui-ci disparu, elle se retrouve héritière d’une maison close assez particulière, peuplée de pensionnaires masculins, destinés aux femmes ! Le livre refermé, j’ai le sentiment d’une grande solitude. Le style est brut, haché, sans aucune recherche. Je me suis même un peu ennuyé

  • Fascination

    N°1915 – Juillet 2024.

     

    Fascination – Florence Asie- Gallimard.

    L’exploration de mes archives personnelles m’a remis en mémoire le nom de Florence Asie (1910-2012), de son vrai nom Henriette Lafarge-Saget née à Mauzé sur le Mignon (79). Elle justifie non sans humour son pseudonyme, Florence parce que c’est joli et Asie à cause de sa « binette » asiatique. Elle était employée des postes puis « demoiselle du téléphone ». Étrange destin littéraire de cette jeune femme, installée à Rouen après son mariage qui écrivit à Simone de Beauvoir pour lui dire son admiration, laquelle lui proposa de lire ses manuscrits dont cinq sur les sept qu’elle publia le furent, grâce à son appui, chez Gallimard. Elle dédicacera à celle « qui lui a fait la courte échelle » ce roman, paru en 1966 Elle était également l’auteure de poèmes. Ce roman évoque la vie de Marion dans un petit village des Deux-Sèvres, une « enfant de l’amour », une gamine de 13 ans qui est fascinée par le monde des adultes, veut croquer les plaisirs de l’existence, surtout dans leur version érotique, qui vit dans un monde dont elle tisse le décor, s’invente une vie entre la réalité et la fiction, entre fréquentation de l’église, du couvent, des maisons du village, des belles demeures et de la nature, tout cela pour meubler son ennui et son imagination est débordante. Entre naïveté et perversion, cette petite fille, un peu trop mûre pour son âge sans doute, a hâte de connaître la vie des adultes avec leur univers, leurs amours, leurs mystères leurs perversions aussi et , bouscule la réalité, la transformant parfois en drames, entre mystifications et jalousie, notamment dans le but de grandir vite et d’attirer l’attention sur elle et peut-être d’être tout simplement aimée et aussi d’être autre chose aux yeux du monde qu’une petite fille à la filiation contestée, ce qui, à l’époque était tabou. Je note que cette bâtardise revient sous la plume de l’auteur comme un leitmotiv , comme une sorte d’obsession. Son histoire parait à la fois idyllique et tragique pleine d’appétit pour l’amour , de craintes pour l’avenir, de folies , de chagrins, de quête du bonheur, d’hésitations, de culpabilisations et de fascination pour la mort.. Florence Asie ne laissa pas indifférent. On célébra « son style nerveux, entraînant, piqueté d’images inattendues », on ne manqua pas de la critiquer, de dénoncer son peu de culture. Je ne sais si ce roman fut un succès de librairie mais ce que je retiens c’est le parcours de cette femme et le geste de Simone de Beauvoir. En tout cas, en qualité d’ancienne postière on peut au moins dire d’elle qu’elle était une femme de lettres !

  • Bella figura

    N°1914 – Juillet 2024.

     

    Bella figura– Yasmina Reza – Flammarion.

    Andréa , mère célibataire et Boris, marié par ailleurs sont amants. Ils s’engueulent sur le parking d’un restaurant  comme s’ils étaient mariés ensemble, à cause des bourdes de Boris, mais il est perturbé par une prochaine liquidation de son entreprise et apprend qu’elle a passé la nuit avec un de ses collègues. Un départ précipité provoque un accident mineur d’une dame âgée, Yvonne et ils se retrouvent cinq, avec Eric et Françoise, à parler et à trinquer à cause de l’anniversaire de la vieille dame, la mère d’Eric. On passe facilement d’un sujet à un autre, avec une foule de détails anodins et intéressants agrémentés de nombreux flottements dans les dialogues de sorte qu’on ne sait plus vraiment où on en est. Il n’y a pas que cette soirée et ses protagonistes qui sont déréglés. Ici aussi, il est question de la quête du bonheur, mais rien ne va plus entre Boris et Andrea et le couple Eric et Françoise ne vaut guère mieux. Quant à Yvonne, elle regrette sa jeunesse, parle de ses médicaments et de son sac... Pour corser le tout il semble que Françoise connaisse l’épouse de Boris et Andréa l’autorise à lui parler de cette soirée. En réalité une sorte d’incompréhension s’installe entre eux, avec , en contre-point, la solitude, une violence rentrée, la santé et le vieillissement d’Yvonne et sa future mort. Dans ces conditions faire « bella figura » relève de l’exploit. Je n’ai fait que lire cette pièce mais il me semble que si je l’avais vue au théâtre, j’aurais peut-être eu une approche plus favorable, la mise en scène sauvant parfois les dialogues. Je reconnais que cette pièces met en évidence des relations difficiles entre les gens qui pourtant devraient s’entendre.

  • Heureux les heureux

    N°1913 – Juillet 2024.

     

    Heureux les heureux– Yasmina Reza – Flammarion.

    C’est une suite de nouvelles dont le titre est emprunté à une citation de Borges. L’auteure met en scène 18 personnages qui ont en commun des liens familiaux, amicaux ou extra-conjugaux. Ce sont des gens ordinaires dans leur vie quotidienne et Yasmina Reza choisit, entre humour et causticité, de parler de leurs angoisses, de leurs obsessions, de leurs fantasmes, de leurs phobies , de leurs mystères, de leurs erreurs, de leur solitude. Le titre en forme de « béatitudes » évangélistes sonne pour moi autant comme une quête légitime du bonheur que comme un paradoxe puisque, parmi tous ces hommes et ces femmes je n’en ai pas vu beaucoup qui sont heureux, entre les couples qui se supportent et qui se déchirent et pour qui l’amour n’est plus qu’un vieux souvenir, ceux qui ont recours à un psychiatre, ceux qui vivent dans un monde parallèle, ceux qui préfèrent chercher ailleurs ce qu’ils ont peut-être chez eux, ceux qui sont tellement transparents qu’ils s’imaginent être le centre du monde... Le livre refermé, il m’apparaît que le bonheur est une chose qu’on poursuit et qui se révèle impossible à atteindre parce que notre parcours ici-bas est semés d’embûches, d’obligations, d’illusions sur un avenir incertain et surtout fantasmé. Après les certitudes qu’on se tisse soi-même pour l’avenir viennent les prises de conscience de nos contradictions, de nos fourvoiements que nous avons longtemps entretenus, parfois inconsciemment, , de nos exaltations d’un instant, de nos passades, de nos hypocrisies, de nos fuites, de nos erreurs, de notre bonne conscience, de notre fatalisme face aux échecs. Ce sont autant de morceaux de vie qu’on pourrait imaginer fictifs puisqu’ils s’inscrivent dans un roman par essence imaginaire, mais qui ont quelque chose de familier, qui ressemblent étonnamment à notre parcours à tous, dans le travail, la famille, le couple… Au bout du compte il y a le temps qui passe, inexorable avec la vieillesse, la laideur, les douleurs , l’abandon, les souvenirs et la mort parce que c’est notre condition. ... La mort est un thème récurrent chez Yasmina Reza et ce recueil ne fait pas exception avec ces nombreuses allusions aux cercueils, aux pierres tombales, à l’incinération, à la dispersion des cendres. La vraie vie quoi !. Le style est brut, haché, sans fioritures littéraires.

  • Hammerklavier

    N°1911(1)– Juillet 2024.

    N°1911– Juillet 2024.

    Hammerklavier – Yasmina Reza – Albin Michel.

    Ce sont des souvenirs personnels un peu disparates que l’auteure choisit d’évoquer ici, celui de son père jouant l’adagio d’Hammerklavier mais aussi de son amie Marta. Ils sont morts et elle échange avec eux des propos post mortem sur la fuite inexorable du temps qui ravage toutes les choses humaines, transitoires et fragiles, sur le goût qu’on peut avoir pour la vie, pour les livres qui en retiennent la trace et la mémoire mais en soulignent aussi la perte. Il y a une sorte d’obsession pour cette vie au point de vouloir la faire perdurer par delà la mort, comme les religions, avec leurs rituels, leurs interdits et leurs dogmes tentent de nous le faire croire. Cette chimère de la continuation de la vie par delà la mort est légitimée par les moments de joie qu’elle nous procure même si nous gommons volontairement les autres par cette volonté irraisonnée de faire échec au trépas le plus longtemps possible, même si nous faisons semblant de déguiser notre nostalgie avec un décor artificiel, même si notre quotidien s’impose à nous et si le vieillissement joue contre nous, est synonyme d’abandon, de solitude. Il y a une peur de la mort qui nous frappe quand nous y attendons le moins, une phobie de l’au-delà et de son mystère, une obsession du temps qui passe parce qu’il est notre ennemi. Il nous mène vers notre disparition sans que nous y puissions rien. Que nous l’acceptions ou la redoutions, elle est notre terme et ce malgré notre attachement que nous pouvons avoir pour l ‘existence. L’auteure est une femme de lettres mais elle n’ignore pas que la notoriété dont elle jouit de son vivant ne résistera pas longtemps face au temps qui passe parce que l’espèce humaine est amnésique. Elle a des remarque sur l’écriture, l’art et la culture qui me laissent perplexe comme beaucoup de ses livres.

    Nous ne faisons qu’un bref passage sur terre, le plus souvent anonyme malgré nos complexes de supériorité, notre sens de la logique, la part sombre de nous-mêmes, notre volonté de paraître et d’aimer...Je retire de cette lecture une impression pesante.


     


     

  • Babylone

    La Feuille Volante n° 1149

    BABYLONE – Yasmina Reza – Flammarion.

     

    Nous sommes dans un petit appartement parisien où Élisabeth, la narratrice vit avec Pierre. Ils sont tous deux âgés de soixante ans Élisabeth se souvient qu'ils avaient invité leurs amis pour une « fête de printemps » et y avaient aussi convié leurs voisins du dessus. Ils sont quelque chose d'intéressant, Lydie surtout avec ses faux-airs de diseuse de bonne aventure, vaguement thérapeute, axée sur « le bio » et la cause animale, quant à Jean-Lino, il attire l'attention d’Élisabeth par sa gentillesse extrême surtout qu'il cherche vainement à se faire aimer du petit-fils de Lydie, Rémi, qui n'est pas le sien mais qui est avant tout un sale gosse. Il fait ce qu'il peut mais en face l'enfant n'en a cure et n'en fait qu'à sa tête. La soirée a été arrosée et aussi superficielle et inintéressante que toutes celles du même genre où chacun prend un air inspiré pour agiter les grandes idées le plus souvent creuses et qui n'intéressent personnes mais dont chacun se croit obligé de rajouter une note personnelle pour donner l'impression qu'il s'est déjà penché sur la question et ainsi se mettre en valeur... Sauf que, après les libations de rigueur chacun rentre chez soi, mais Jean-Lino dans la nuit réveille ses voisins. Il vient d'étrangler Lydie ! Tel est le point de départ de ce livre qui oscille entre roman traditionnel sur le thème de la satire sociale et polar. Est-ce un coup de folie où l'alcool a sa part, ou la conséquence d'un banal malentendu ordinaire à l'intérieur d'un couple ? Passé un certain âge, il est difficile de se supporter et immanquablement, à propos de rien, resurgissent les petits mensonges et les grandes trahisons, symbolisépar les nombreux analepses, qui émaillent la vie d'un couple. Tout au long d'une vie commune les avanies s’accumulent, on fait semblant de les avoir oubliées, voire pardonnées mais en réalité il n'en est rien et elle s'incrustent dans la mémoire bien plus aisément et définitivement que les moments heureux. Je suis assez réservé sur l'affirmation qui consiste à dire que le hasard favorise la rencontre d'êtres qui sont « faits l'un pour l'autre » et qui s'unissent parce que cela se fait, qu'ils croient s'aimer où qu'ils redoutent la solitude. C'est pourtant elle qui s'installe dans le couple, d'autant plus difficile à vivre qu'elle bouscule secrètement les apparences et chacun, face à elle, se construit son univers personnel. Cette variation sur la solitude qu'on finit par appeler de ses vœux après tant d'années de vie commune sans oser se l'avouer à soi-même est pourtant présentée comme un fléau, quelque chose qu'on doit impérativement éviter, comme un véritable tabou. La séquence qui suit la mort de Lydie et qui met en scène la narratrice et Jean-Lino est démesurément longue et les digressions qui suivent insistent sur la fuite du temps.

    Le titre évoque cette ville de Mésopotamie où les Juifs ont été exilés. Jean-Lino est juif mais ce détail qui aurait sans doute pu être développé me paraît avoir été abandonné. Je choisis de voir dans ce roman une évocation de la solitude personnelle qui confine à l'exil dans la société. Cela me paraît être souligné notamment par la cohabitation difficile entre lui et Rémi que sa grand-mère soutient systématiquement, ce qui contribue largement à envenimer la situation mais aussi par les différentes anecdotes qui parsèment ce récit.

    J'ai eu beaucoup de mal à entrer dans ce roman où l'intrigue est mince et où les personnages m'ont paru manquer de consistance. C'est certes une peinture assez juste des relations difficiles entre un homme et une femme âgés et de la fuite du temps. Je l'ai choisi peut-être à cause du Prix Renaudot qui l'a récompensé en 2016 mais je n'ai guère été emballé par cette œuvre notamment à cause du style qui m'a paru bien quelconque et sans véritable recherche. Je ne suis qu'un simple lecteur mais l'attribution à ce roman d'un prix littéraire aussi prestigieux me laisse assez dubitatif.

     

  • Anne-Marie la beauté

    N°1910– Juillet 2024.

    Anne-Marie la beauté – Yasmina Reza – Flammarion.

    C’est un long monologue avec des phrases décousues, sans suite, l’une évoquant l’autre avec même des détails inutiles, pleines de nostalgie, de remords et d’amertume que tient Anne-Marie, cette ancienne actrice de théâtre qui n’a jamais réussi dans son art que pourtant elle aimait. Toujours des petits rôles dans l’ombre des « têtes d’affiche » pleins de suffisance et d’orgueil. Elle a beau se remémorer son parcours, ses rôles sur les planches, elle est toujours restée en retrait, loin de la lumière des projecteurs. Même son mariage ne lui a pas apporté le bonheur si ardemment voulu et l’épanouissement personnel qu’elle souhaitait légitimement pour elle est resté lettre morte. Son enfance banale, sa famille qui n’a pas cru en elle, les hommes qu’elle a aimés lui ont laissé un souvenir douloureux. Le rêve lentement tissé lui a échappé malgré elle, malgré sa fascination pour la Capitale, malgré l’aura de ceux qui ont réussi et qu’elle a croisés. Elle n’a simplement pas été chanceuse !

    Sa fin de vie est triste mais celle des autres qu’elle a croisés et qui un temps ont connu le succès éphémère n’est pas moins vouée à la solitude, à l’abandon parce ce milieu est sans pitié et amnésique. Il n’y a pas de quoi l’apaiser même si leur sort n’est pas meilleur que le sien. Au moins eux ont connu le succès et peuvent peut-être s’en satisfaire. Celle qui n’a été qu’une femme banale et sans grande beauté dresse ce bilan désespéré plein de nostalgie de sa vie. Yasmina Reza a dû, dans son métier, connaître ce genre de destin manqué et que la mort a emporté. Elle en rend compte dans ce qui n’est sûrement pas une fiction mais bien plutôt un témoignage et je me suis dit que cela est aisément transposable à de nombre d’entre nous, Nous avons tous les rêves avortés, des tentatives non couronnées de succès et qui parfois sont gênées par d’autres, désireux de vous éliminer pour prendre votre place. Nous sommes tous mortels et l’espèce humaine est aussi oublieuse après la mort d’un être qu’elle a été cruelle et hypocrite de son vivant. J’aime qu’un auteur s’empare de ce sujet au relent d’échec parce que cela fait simplement partie de la vie et qu’on juge trop souvent la valeur de quelqu’un sur ses seuls succès.

  • Hommes qui ne savent pas être aimés

    N°1909– Juillet 2024.

     

    Hommes qui ne savent pas être aimés – Yasmina Reza – Albin Michel.

    Adam, la cinquantaine, est un écrivain qui n’a jamais vraiment connu le succès ou, pour dire les choses plus crûment, c’est un écrivain raté, qui vit très mal cet échec. Il a des états d’âme au sujet de son dernier livre. Il est aussi en crise avec sa femme qui, après avoir soutenu ses tentatives littéraires, ne l’aime plus et parce que son mariage n’est pas vraiment une réussite, et comme si cela ne suffisait pas on vient de lui diagnostiquer un glaucome qui affecte un de ses yeux et pire peut-être. Tout cela n’arrange pas son hypocondrie naturelle qu’il combat en allant méditer, en ce jour, au jardin des Plantes. Il y rencontre par hasard Marie-Thérèse, une copine de lycée célibataire qu’il n’avait pas revue depuis trente ans. Elle est représentante en objets publicitaires, n’a rien de commun avec Adam. Elle ne sait même pas qu’il est devenu écrivain ce qui accentue son mal-être .Elle n’est pas une intellectuelle comme lui, bien au contraire, elle n’a pas d’états d’âme, prend la vie comme elle vient et semble insensible à toutes les difficultés. Malgré cela on imagine facilement une passade rapide entre eux, mais rien ne se passe comme prévu. Lors de leur rencontre, le souvenir d’une autre camarade, Alice, est évoqué ou plus exactement sa mémoire puisqu’elle s’est suicidée à trente ans. Elle était l’amie de Marie-Thérèse et l’objet des fantasmes d’Adam. L’espace d’un instant, son fantôme revit à travers une lettre qu’elle a jadis envoyée à Marie-Thérèse et qu’elle montre à Adam.

    le style, direct et indirect, volontairement haché ou s’étalant dans des phrases démesurément longues, mélangeant le passé et le présent, les détails et les idées générales, donne une ambiance à la fois malsaine, déprimante, distillant volontairement un ennui prégnant, une solitude pesante, une certaine lassitude de vivre .

    Un peu comme à chaque fois avec Yasmina Reza, le livre un fois refermé, je sens une certaine perplexité m’envahir. Je la lis parce que j’ai bien aimé certains de ses romans,. Ici elle parle avec pertinence de la situation de cet écrivain raté, des états d’âme qu’il peut éprouver face à l’écriture, à la notoriété, à l’impossibilité d’écrire, au temps qui passe avec la nostalgie qui va avec, à la vieillesse qui vient et altère tout. S’y ajoutent l’impossibilité des rapports entre les gens, de l’amour qui est fongible et consomptible comme toutes les choses humaines, l’impossibilité d’être heureux...A titre personnel je partage ce que je viens de lire.

  • Hommes qui ne savent pas être aimés

    N°1909– Juillet 2024.

     

    Hommes qui ne savent pas être aimés – Yasmina Reza – Albin Michel.

    Adam, la cinquantaine, est un écrivain qui n’a jamais vraiment connu le succès ou, pour dire les choses plus crûment, c’est un écrivain raté, qui vit très mal cet échec. Il a des états d’âme au sujet de son dernier livre. Il est aussi en crise avec sa femme qui, après avoir soutenu ses tentatives littéraires, ne l’aime plus et parce que son mariage n’est pas vraiment une réussite, et comme si cela ne suffisait pas on vient de lui diagnostiquer un glaucome qui affecte un de ses yeux et pire peut-être. Tout cela n’arrange pas son hypocondrie naturelle qu’il combat en allant méditer, en ce jour, au jardin des Plantes. Il y rencontre par hasard Marie-Thérèse, une copine de lycée célibataire qu’il n’avait pas revue depuis trente ans. Elle est représentante en objets publicitaires, n’a rien de commun avec Adam. Elle ne sait même pas qu’il est devenu écrivain ce qui accentue son mal-être .Elle n’est pas une intellectuelle comme lui, bien au contraire, elle n’a pas d’états d’âme, prend la vie comme elle vient et semble insensible à toutes les difficultés. Malgré cela on imagine facilement une passade rapide entre eux, mais rien ne se passe comme prévu. Lors de leur rencontre, le souvenir d’une autre camarade, Alice, est évoqué ou plus exactement sa mémoire puisqu’elle s’est suicidée à trente ans. Elle était l’amie de Marie-Thérèse et l’objet des fantasmes d’Adam. L’espace d’un instant, son fantôme revit à travers une lettre qu’elle a jadis envoyée à Marie-Thérèse et qu’elle montre à Adam.

    le style, direct et indirect, volontairement haché ou s’étalant dans des phrases démesurément longues, mélangeant le passé et le présent, les détails et les idées générales, donne une ambiance à la fois malsaine, déprimante, distillant volontairement un ennui prégnant, une solitude pesante, une certaine lassitude de vivre .

    Un peu comme à chaque fois avec Yasmina Reza, le livre un fois refermé, je sens une certaine perplexité m’envahir. Je la lis parce que j’ai bien aimé certains de ses romans,. Ici elle parle avec pertinence de la situation de cet écrivain raté, des états d’âme qu’il peut éprouver face à l’écriture, à la notoriété, à l’impossibilité d’écrire, au temps qui passe avec la nostalgie qui va avec, à la vieillesse qui vient et altère tout. S’y ajoutent l’impossibilité des rapports entre les gens, de l’amour qui est fongible et consomptible comme toutes les choses humaines, l’impossibilité d’être heureux...A titre personnel je partage ce que je viens de lire.

  • Hommes qui ne savent pas être aimés

    N°1909– Juillet 2024.

     

    Hommes qui ne savent pas être aimés – Yasmina Reza – Albin Michel.

    Adam, la cinquantaine, est un écrivain qui n’a jamais vraiment connu le succès ou, pour dire les choses plus crûment, c’est un écrivain raté, qui vit très mal cet échec. Il a des états d’âme au sujet de son dernier livre. Il est aussi en crise avec sa femme qui, après avoir soutenu ses tentatives littéraires, ne l’aime plus et parce que son mariage n’est pas vraiment une réussite, et comme si cela ne suffisait pas on vient de lui diagnostiquer un glaucome qui affecte un de ses yeux et pire peut-être. Tout cela n’arrange pas son hypocondrie naturelle qu’il combat en allant méditer, en ce jour, au jardin des Plantes. Il y rencontre par hasard Marie-Thérèse, une copine de lycée célibataire qu’il n’avait pas revue depuis trente ans. Elle est représentante en objets publicitaires, n’a rien de commun avec Adam. Elle ne sait même pas qu’il est devenu écrivain ce qui accentue son mal-être .Elle n’est pas une intellectuelle comme lui, bien au contraire, elle n’a pas d’états d’âme, prend la vie comme elle vient et semble insensible à toutes les difficultés. Malgré cela on imagine facilement une passade rapide entre eux, mais rien ne se passe comme prévu. Lors de leur rencontre, le souvenir d’une autre camarade, Alice, est évoqué ou plus exactement sa mémoire puisqu’elle s’est suicidée à trente ans. Elle était l’amie de Marie-Thérèse et l’objet des fantasmes d’Adam. L’espace d’un instant, son fantôme revit à travers une lettre qu’elle a jadis envoyée à Marie-Thérèse et qu’elle montre à Adam.

    le style, direct et indirect, volontairement haché ou s’étalant dans des phrases démesurément longues, mélangeant le passé et le présent, les détails et les idées générales, donne une ambiance à la fois malsaine, déprimante, distillant volontairement un ennui prégnant, une solitude pesante, une certaine lassitude de vivre .

    Un peu comme à chaque fois avec Yasmina Reza, le livre un fois refermé, je sens une certaine perplexité m’envahir. Je la lis parce que j’ai bien aimé certains de ses romans,. Ici elle parle avec pertinence de la situation de cet écrivain raté, des états d’âme qu’il peut éprouver face à l’écriture, à la notoriété, à l’impossibilité d’écrire, au temps qui passe avec la nostalgie qui va avec, à la vieillesse qui vient et altère tout. S’y ajoutent l’impossibilité des rapports entre les gens, de l’amour qui est fongible et consomptible comme toutes les choses humaines, l’impossibilité d’être heureux...A titre personnel je partage ce que je viens de lire.

  • Tempête sur Kinlochleven

    N°1907– Juillet 2024.

     

    Tempête sur Kinlochleven – Peter May – Rouergue noir.

    Traduit de l’anglais par Ariannne Bataille.

    Avec le bouleversement climatique, l’Écosse est devenue pratiquement une région polaire. Dans ces montagnes des Higlands on a retrouvé le corps congelé de Karl Younger, un journaliste d’investigations et l’inspecteur Cameron Brodie, vieux et cancéreux se porte volontaire pour investiguer sur ce meurtre dans cette région qu’il connaît bien puisqu’il y a jadis pratiqué l’escalade. Il pourrait attendre la mort mais a choisi cette affaire, qui sera sans doute pour lui la dernière pour retrouver Addie, sa fille unique, dont il n’a plus de nouvelles depuis un dizaine d’années. C’est elle, spécialiste de la météo, qui a découvert le cadavre. Mais ce voyage n’est pas seulement destiné à ce qui sera sans doute leur ultime rencontre. Il veut s’expliquer avec elle sur ce qui a motivé cette séparation durable entre eux, le suicide de sa mère, intervenu à la suite d’un adultère supposé de son père. Leur rencontre va être houleuse.

    Ce roman prend des allures d’anticipations puisque son auteur le situe en 2050, avec les conséquences du changement de climat, la montée des eaux, la disparition du Gulf Stream et la submersion de certaines contrées maritimes, les nouvelles technologies... Cela prend vite l’allure d’un roman policier classique version Peter May, c’est à dire qui s’inscrit dans les paysages tourmentés de son Écosse natale. Malgré ce contexte grandiose et les aléas de l’enquête, il y aura une sorte de huis-clos entre un père et sa fille et notamment me semble-t- il une réflexion incontournable sur la culpabilité, celle de Cameron pour avoir survécu à son épouse et surtout le fait de se sentir responsable de son suicide à la suite de l’attitude de sa fille au regard de ce qu’il présente comme malentendu.

    Il y certes parfois quelques longueurs et les nouvelles technologies permettent des performances qui jouxtent la science-fiction mais j’ai lu avec avec intérêt ce roman fort bien écrit ( traduit?) et qui, avec pas mal de cadavres et des rebondissements, ménage de suspense jusqu’à la fin.

  • Le mensonge

    N°1906– Juin 2024.

     

    Le mensonge – Nathalie Sarraute - Gallimard.

    C’est un groupe d’amis qui discutent quand l’un d’entre eux, Pierre, révèle qu’il a pris Madeleine, une de leurs relations, absente de cette soirée, en flagrant délit de mensonge. Elle s’est plainte de l’augmentation des tickets de métro alors qu’elle est l’unique héritière du roi de l’acier et que cela n’affectera pas son budget. Tout le monde connaît la fortune de Madeleine et son habitude de se plaindre, c’est une sorte de jeu entre eux de la laisser faire mais Pierre n’a pas pu résister face à ce petit mensonge sans grande importance, rompant ainsi ce pacte tacite. Est-ce sa soif de vérité ou la volonté de jeter un pavé dans la mare qui a motivé son geste ? Il passe d’ailleurs pour un être intègre, mais cela ne va pas lui sourire. C’est par ailleurs quelque peu inconvenant de mettre des gens en face à leurs contradictions, les laisser dire évite les conflits même si personne n’est dupe. C’est une sorte de règle non écrite qui consacre une réalité sociale : Toute vérité n’est pas bonne à dire, les petits mensonges font partie du jeu sociétal et tout le monde ment en permanence, par action ou par omission, pour se mettre soi-même en valeur, en politique, au travail, en amour, en famille... il en résulte une sorte d’équilibre que personne ne veut rompre et chacun a la certitude de détenir la vérité. Par ailleurs on a tout à perdre à être honnête dans une société qui cultive l’hypocrisie et où plus le mensonge est gros plus il prend. Ainsi l’attitude de Pierre provoque une foule de questions et de reproches où chacun se positionne par rapport au mensonge, les siens, parfois inexistants, et ceux des autres et ils jouent entre eux une sorte de sorte de psychodrame où il devient difficile de faire la part des choses entre la farce et la sincérité de sorte que personne n’en sort indemne mais pas non plus amélioré. Que la vie soit une comédie, on ne nous l’a que trop dit et le mensonge fait intégralement partie de l’espèce humaine .

    Cette courte pièce de théâtre écrite à l’origine pour la radio avec des intervenants personnalisés m’a paru pertinente.

  • Une désolation

    Une désolation - Yasmina Reza - Albin Michel

    Ce livre est catégorisé « Roman » et je ne suis pas bien sûr que cela en soit un dans la mesure où il me semble bien éloigné de la fiction, bien coller à la réalité.

    Un homme malade, au pas de la mort , s’adresse à son fils absent dans une sorte de plaidoyer pour déplorer le chemin qu’il a pris dans son existence , celui d’être « peinard », de ne rien chercher à bâtir ni à faire évoluer les choses. C’est d’une simplicité banale qui met en lumière la différence de génération, l’évolution des choses et des aspirations des jeunes et il ne sert à rien de regretter le temps où les enfants obéissaient à leur père jusque dans le choix de leur métier, de leur épouse et de leur mode de vie. Il ne veut pas l’avouer mais je suis sûr qu’il envie sa jeunesse et sa découverte d’un bonheur qui lui a échappé. Pendant qu’il y est, il porte un regard aigu sur la société qui l’entoure et qui a été son décor toute sa vie. Il fait un bilan bien pessimiste de son propre parcours, social, sentimental, professionnel, familial, ce n’est guère brillant et même plutôt déprimant. Même une liaison illusoire avec une femme longtemps désirée ne fut pas pour lui le symbole du bonheur. Il eut le sentiment d’être avec elle un étranger, seulement capable de meubler momentanément le vide amoureux de sa vie, sans être capable d’être pour elle autre chose qu’un amant de passage, sans la moindre trace de passion. Avoir vécu tant d’années pour en arriver là. L’aveu de cette faillite lui coûte mais il le fait. Même pas l’illusion de la réussite face à la mort inévitable, le constat est accablant. On le sent revenu de tout, désabusé, aigri, solitaire, accablé devant tant d’échecs qu’il avait sans doute voulu éviter mais qui se sont imposés à lui sans qu’il y puisse rien, comme une sorte de destiné funeste. Il peut toujours se dire qu’il a parfois failli dans l’éducation qu’il a donnée à son fils si différent de lui, cette culpabilisation judéo-chrétienne est inévitable et bien inutile dans notre société. On le sent résigné devant tant de souffrance et devant la mort. Il lui reste le dérisoire, son jardin par exemple et il le soigne avec attention et inutilité, s’attache à des détails comme s’ils avaient une importance capitale. Finalement, face à ce fiasco, la mort semble être une délivrance.

    J’ai lu cela comme une sorte de testament de cet homme qui va bientôt quitter la vie et qui se justifie face à ses proches, une forme humaine du « jugement dernier » implacable et sans appel que nous promet le catholicisme, une façon d’être en règle avec sois-même au moment du grand départ.

    Récit sans chapitres, presque sans réelle respiration, un peu comme si notre auteure voulait tout dire tout de suite, le style est percutant et la lecture facile.

  • L'homme du hasard

    N°1903– Juin 2024.

     

    L’homme du hasard – Yasmina Reza - Albin Michel

    J’ai toujours pensé que les trains sont le lieu privilégié des rencontres les plus improbables. Dans un compartiment, un homme fait face à une femme qu’il ne connaît pas , il n’y a aucun dialogue entre eux et dans le tangage des boggies, chacun regarde le paysage défiler entre Paris et Francfort tout en laissant aller ses propres pensées. Lui ne la connaît pas mais elle l’a reconnu, c’est Paul Parsky., l’auteur du livre qu’elle a dans son sac, « l’homme du hasard » et qu’elle craint de lire devant lui. Elle, Martha, connaît toute son œuvre et, en pensée elle s’adresse à lui sans qu’évidemment il le sache. Elle lui parle d’elle, de sa vie, de ce qu’elle sait de lui, de ses personnages, de ses livres, de ce qu’elle éprouve en les lisant… Elle s’imagine faisant un bout de chemin avec lui, commence à fantasmer Lui est plein amertume et après l’avoir ignorée en fait autant, après avoir;longtemps hésité, Martha sort son livre et Parsky s’intéresse à elle c’est une pièce de théâtre mais j’ai plutôt lu ce texte comme un roman avec cette mise en abyme qu’aime Yasmina Reza, avec ce jeu entre les deux personnages, Paul qui ne se déclare pas comme l’auteur et en dit même un peu de mal et Martha qui se lâche. J’ai lu ce texte comme une rencontre de hasard avec, pour Martha fascinée par l’écrivain et son aura créatrice avec tout ce qu’un simple lecteur prête à un auteur, avec peut-être pour elle une volonté de séduction. Quant à Paul, le fait de voir quelqu’un qui, dans une sorte de huit-clos, lit son dernier livre est à la fois flatteur et frustrant parce lui qui écrit pour lui et dans le secret de son imagination ne voit jamais son lecteur, ne parle donc jamais avec lui, n’a peut-être pas la moindre envie d’en rencontrer un, mais en a l’occasion. Pourtant il est tentant pour l‘auteur, surtout quand ce lecteur est une lectrice, évidemment attirante, de jouer ce jeu de l’anonymat ne serait-ce que pour mesurer ponctuellement l’intérêt de son public et recueillir éventuellement des critiques. J’ai écouté cette pièce dans son adaptation radiophonique avec les voix de Jeanne Moreau et e Michel Piccoli. Un régal.

  • Le silence

    N°1902– Juin 2024.

     

    Le silence – Nathalie Sarraute – Gallimard. 

    Pièce étonnante, originellement prévue en 1964 pour la radio avant que Jean Louis Barrault ne la mette en scène en 1967. Cette œuvre, uniquement orale à l’origine et donc sans jeu d’acteurs, liait donc par la parole six personnages, 4 femmes et deux hommes, individualisés, si on peut dire, par une lettre et un chiffre (H1, F2...) face un autre homme, Jean-Pierre qui lui garde le silence, sauf à la fin. C’est un huis-clos ou tout commence par l’évocation par un homme de maisons en bois, puis chacun apporte quelque chose qu’il puise dans sa mémoire, sa sensibilité, on évoque le bonheur, l’amour, la littérature, on rit aussi et la conversation s’égare parfois pour revenir à la fin aux fameuses petites maisons. Chacun participe, souvent par des remarques sans grande importance, sauf Jean-Pierre qui reste impassible. Pourtant, il est le point de mire de cette petite assemblée et ne consent à sortir de son silence que sur une précision de nature culturelle. Son mutisme étonne, dérange même En général, les gens s’affirment par la parole, généralement pour se mettre en valeur quand à ceux qui restent silencieux c’est qu’ils n’ont rien à dire ou que, ce qui est dit autour d’eux de les intéresse pas ou c’est la volonté de ne pas prendre position, par timidité, par incompréhension, par mépris, par ennui. Si la parole soûle, le silence oppresse les uns et provoque des réactions contradictoires des autres. J’avoue avoir été surpris par ce court texte aux échanges quelque peu dérisoires face au silence de Jean-Pierre qui bouscule et dérange des autres intervenants. Ces conversations de salons sans la moindre importance tiennent difficilement du dialogue mais le silence de Jean-Pierre agit comme un « tropisme » sur les autres protagonistes. Les quelques mots banals qu’il exprime à la fin semblent conclure un psychodrame pesant où l’abondance de mots le disputaient au vide du silence.

  • Lo sciamano delle Alpi

    N°1895 – Juin 2024.

    Lo sciamano delle alpi – Michele Marziani – Bottega Errante Edizioni.

    Il libro comincia alla fine di questa storia un po’ complicata della famiglia Beltrami, . In questo romanzo c’e il narratore, Anfio, un medico , professore di oncologia, divorziato da Roberta, poi Ciccia (Clitemnstra) sua sorella, divorziata, finanziaria a Londra,divorziata, Gildo, suo fratello, avvocato a Milano. Tutti e tre sono invitati dalla mamma, in la sua casa. Manca Adrasto, il fratello maggiore del quale gli altri fratelli non sanno niente da un sacco di tempo. A causa della crisi enonomica, Ciccia ha un progetto di investimento a proposito di terreni dove c’é una vecchia miniera d’oro abbandonata, proprietà della famiglia. Bisogna l’accordo di Adrasto dunque è indispensabile cercarlo subito. Fininscono per scoprire che Adrasto ha lasciato il mestiere di medico, fa il pastore in montagna d’estate e frabbrica se stesso i formaggi. Lo trovano , vive in una baita con sua moglie Heidi, piu giovane di ventidue anni di lui e bellissima madre di tre figli che hanno nomi greci presi dall’Iliade e dall’Odisea. :Telemaco, Paride e Ermione. C’é una tradizione famigliale. Ma lui ha un cancro al viso che gli deforma la faccia e che cura con oppio e vischio ; E un metodo di medicina « antroposofica » di Rudolf Steiner, una specie di filosofo, padre dell’agricoltura biodinamica. Anfio pensa che suo fratello abbia letto troppi fumetti di Asterix a causa del druido Panoramix e del suo vischio, ma si innamora di Heidi a prima vista. Adrasto ha avuto il coraggio di abandonnare tutto per vivere vicino alla natura et Ciccia dice che questa vita piacerebbe anche a lei. Nella discussione, Adrasto si rende conto che questa storia della miniera é solo un’operazione finanziaria perché devono mettere alla disposizione della società creata da Ciccia il terreno e la baita di Andrasto. Dunque i tre fratelli decidono di rimanere un po’ da Adrasto, cancellando tutti i loro appuntamenti, per provare di convincerlo. Ma non é così facile All'inizio la storia mi è sembrata banale ma nel corso della lettura l'interesse è venuto .Mi é piaciutto questo libro specificamente a causa dello studio dei personaggi e in particolare quello del narratore. Anfio é divorziato, se sente un po’ solitario e ne soffre. Dunque non puo vedere una donna senza fantasticare. E un po’ donnaiollo, ma ciò che gli manca di più è una famiglia, dei bambini.Le relazioni familiari non sono sempre facili ma tra i fratelli c'è il dolce profumo dell'infanzia che passa troppo in fretta. Tiene il lettore in sospeso con momenti poetici. Una bella scrittura, facile da leggere anche per uno che impara l'italiano [io stesso], questo romanzo non é tradotto in francese. Ho gia letto dei romanzi di quel autore ( « La signora del caviale »- « Umberto Dei -biografia non autorizata di una bicicletta » – « La trotta ai tempi di Zorro ») .

     

     

    Le chaman des Alpes

     

    Le livre commence à la fin de cette histoire un peu compliquée de la famille Beltrami.

    Dans ce roman, il y a un narrateur, Anfio, un médecin, professeur d’oncologie, divorcé de Roberta, puis Ciccia (Clitemnestre), sa sœur, divorcée, financière à Londres, Gildo, son frère, avocat à Milan. Tous les trois sont invités par la mère, chez elle. Il manque Adrasto, le frère aîné , dont les autres frères sont sans nouvelles depuis pas mal de temps.

    A cause de la crise économique, Ciccia a un projet d’investissement à propos de terrains où il y a une vieille mine d’or abandonnée, propriété de la famille. Il faut donc l’accord d’Adrasto et il est indispensable de le chercher immédiatement. Ils finissent par découvrir que Adrasto qui a abandonné son métier de médecin, est berger dans la montagne l’été et fait lui-même ses fromages. Ils le trouvent. Il vit dans une cabane avec sa femme Heidi, plus jeune que lui de 22 ans, une ravissante mère de trois enfants qui portent des prénoms grecs de l’Iliade et de L’Odyssée. C’est une tradition familiale.

    Il a un cancer qui lui déforme le visage et qu’il soigne avec de l’opium et du gui. C’est une méthode de médecine « anthroposophique » de Rudolf Steiner, une sorte de philosophe, père de « l’agriculture biodynamique ». Anfio pense que son frère a lu trop de bandes dessinées d’Astérix, à cause du druide Panoramix et de son gui, ce qui ne l’empêche pas de tomber amoureux d’Heidi au premier regard. Adrastro a eu le courage de tout abandonner pour vivre dans la nature et Ciccia se dit que cette vie ne lui déplairait pas. Dans la discussion, Adrasto se rend compte que cette histoire de mine est seulement une opération financière parce qu’ils doivent mettre à la disposition de la société crée par Ciccia le terrain et la cabane d’Arostro. Les trois frères décident donc de rester un peu chez Adrasto, modifiant tous leurs rendez-vous, pour tenter de la convaincre, mais ce n’est pas chose facile. Au commencement l’histoire m’a semblé banale mais au cours de ma lecture l’intérêt est venu J’ai aimé ce livre spécialement à cause de l’étude des personnages et en particulier celui du narrateur. Anfio est divorcé, se sent un peu seul et en souffre. Il ne peut par conséquent croiser une femme sans fantasmer. C’est un peu un Don Juan mais ce qui lui manque c’est une famille, des enfants. Les relations familiales ne sont pas toujours faciles mais entre les frères il reste le doux parfum de l’enfance qui passe trop vite. Ce roman tien le lecteur en haleine avec des moments poétiques. Un belle écriture, facile à lire même pour quelqu’un ( moi en l’occurrence) qui apprend l’italien .Ce roman n’est pas traduit ne français.

    J’ai déjà lu des romans de cet auteur « La signora del caviale- Umberto Dei, biografia non autotorisata di una bicicleta- Ta trotta ai tempi di Zorro)Gloria – Un film de Margherita Vicario.

    Pie VII vient d’être élu pape et va venir visiter le vieil orphelinat de jeunes filles de Sant’Ignazio à proximité de Venise. Elles y reçoivent une éducation musicale approfondie mais leur seul espoir d’émancipation est le mariage, évidemment arrangé. L’établissement est dirigé par un prêtre âgé, maître de chapelle, surnommé « Maestro », à qui le gouverneur demande une composition originale pour honorer la visite pontificale. Faute d’inspiration, l’ecclésiastique peine à honorer cette commande qui devra être exécutée par le petit orchestre à cordes des pensionnaires.

    Teresa, humble servante anonyme et solitaire, est vouée dans cette institution aux tâches matérielles les plus humbles et personne ne connaît son histoire sordide. Rendue orpheline par la guerre, elle est placée chez le gouverneur qui la viole et se charge de l’éducation de son enfant dont elle est séparée. On lui intime l’ordre de ne parler à personne, ce qui lui vaut le surnom de « La muette ». Par hasard, dans une dépendance, elle découvre un piano et révèle un talent étonnant pour la musique qu’elle joue à l’oreille , traduisant en mélodies les sons du quotidien. Malgré son état de domestique, elle s’intègre à la formation musicale des jeunes pensionnaires et étudie avec elles la musque baroque qui semble avoir leur préférence. Ce qui devait être un concert de musique religieuse destinée à s’attirer les bonnes grâces du pape prend rapidement des chemins de traverse.

    J’ai personnellement apprécié la musique , les décors et les costumes. Ce drame est remarquablement servi par Gallea Bellugi (Teresa) , Carlotta Gamba ( Lucia).

    Ce film italio-suisse sorti en juin 2024 en France, s’inscrit dans le même esprit du cinéma italien actuel, quoique dans des registres différents et qui célèbre l’émancipation des femmes trop souvent oubliées, face à l’intolérance de la société incarnée ici par la toute puissance de l’Église catholique. Ainsi « Il reste encore demain » (2023) de Paola Cortellesi et « La nouvelle femme » (2023) de Lea Todorov.

     

  • Pour un oui ou pour un non

    N°1901 – Juin 2024.

     

    Pour un oui ou pour un non – Nathalie Sarraute – Gallimard. 

    Cette petite pièce de théâtre met en scène deux hommes, H1 et H2 (on peut difficilement faire plus anonyme) qui, après avoir extrêmement proches se sont brouillés pour des raisons assez obscures et qui semblent s’être perdues dans les arcanes de leur mémoire. Pour l’heure le premier reproche au second sa condescendance, sa jalousie, ses apparences arrogantes. Tous les deux vont s’efforcer de clarifier les choses, d’y mettre des mots, de les exprimer mais c’est surtout ce qui n’est pas dit qui importe parce que le silence aussi fait partie de cette démarche. Les points de suspension, nombreux dans cette pièce ont leur importance. A ce petit jeu on perd toujours et ces deux hommes se retrouvent alternativement dans une position d’accusateur et d’accusé dans un procès surréaliste où chacun n’a rien à gagner. Ils n’en sortiront pas indemnes. Cette expérience est très humaine, nous l’avons tous faite un jour ou un autre, nous avons tous prononcé ces mots, connu ce genre d’impasse même si, à la réflexion, il pouvait nous être nous être difficile de savoir les circonstances de ce différent, l’attitude éventuellement agressive, les lointaines pulsions, les rancœurs amassées dans un replis de la mémoire et qui les ont suscités . C’est souvent à la suite d’un petit rien, mal compris, mal interprété, que cette incompréhension éclate. Ici J’ai eu le sentiment que l’ amitié, fut-elle ancienne et apparemment indestructible, a souvent, comme la plupart des choses humaines, la solidité d’un château de cartes dans un courant d’air, que la parole n’est pas forcément synonyme de thérapie

  • Le dieu du carnage

    N°1900 – Juin 2024.

    Le dieu du carnage– Yasmina Reza – Albin Michel.

    Dans un appartement parisien deux familles, les Reille et les Houlliez se rencontrent pour rédiger des déclarations d’assurance relatives a une bagarre entre leurs deux jeunes fils. Bilan, deux incisives cassées pour Bruno Houlliez. Au cours de cette rencontre les parents parlent librement du « vivre ensemble », de la morale, de la responsabilité, de la liberté. La conciliation et le compréhension mutuelle sont de rigueur et chacun cherche à trouver un terrain d’entente pour clore ce qui n’est qu’une bagarre de gosses.On parle de tout et de rien, de la recette du clafoutis, d’une cruelle histoire de hamster ou de médicaments, des relations dans le couple, le ton monte puis redescend, le téléphone sonne sans arrêt ce qui interrompt cette rencontre et agace tout le monde, une des deux femmes a ses vapeurs... avec vomissures. Puis on en vient à l’incontournable culpabilité, la morale, les remords, les mesquineries, rapidement, l’alcool aidant, les masques tombent et les vrais visages se révèlent, parfois violents . Je ne sais pas trop s’il s’agit d’une comédie, au sens de « la comédie de la vie » faite, comme nous le savons, de violences et d’hypocrisies quotidiennes ou d’une critique de la vie en société. Quant au titre de cette cette courte pièce de théâtre, j’ai bien senti le carnage mais je n’ai pas bien compris ce que ce dieu venait faire la-dedans, à part si on considère, comme l’un des intervenants qu’il y a un dieu qui gouverne la destiné des hommes. Cela dit, je suis un peu déçu.

  • Nulle part

    N°1899 – Juin 2024.

    Nulle part– Yasmina Reza – Albin Michel.

    Le livre refermé, je suis perplexe après cette lecture assez courte. Il est question du temps qui passe et spécialement ici de l’enfance de l’auteure. C’est souvent l’apanage des gens d’un certain âge qui voient les années défiler de pouvoir évoquer leur enfance. J’ai souvent sous des plumes souvent illustres que cette période ressemblait souvent à un paradis perdu avec de la nostalgie à chaque ligne, des souvenirs, évoqués avec des paroles lointaines, ou gravés en photos datées au dos et montrant des personnes qui n’existent plus dans des lieux maintenant inconnus. Apparemment Yasmina Reza qui revisite son enfance, s’accroche à des moments fugaces, parfois à un petit détail sans importance et les écrit pour en fixer la réalité et leur éviter de sombrer dans l’oubli. C’est une des fonctions de l’écriture que de faire cette démarche de la mémoire même si c’est à l’aune de cela qu’on mesure le temps passé . Apparemment pour elle, cette évocation est empreinte de tristesse non pas tant à cause de cette fuite des jours mais peut-être plus sûrement parce que cette période est à ses yeux sans aucun intérêt, digne de la froideur d’une archive qu’on ne prend aucun plaisir à regarder. Antoine de Saint-Exupéry a écrit « On est de son enfance comme on est d’un pays ». C’est attacher sa vie à une terre, mais la vraie terre est celle qui implique notre mort qui est l’issue normale et inévitable de chacun d’entre nous. En ouvrant ce petit livre, je ne m’attendait pas à entrer ainsi en complicité avec cette auteur ,à partager à ce point sa vision de l’enfance. .

  • la traversée de l'hiver

    N°1898 – Juin 2024.

    La traversée de l’hiver – Yasmina Reza – Albin Michel.

    Dans une villégiature hôtelière des montagnes suisses en fin de saison se retrouvent six personnages, des sexagénaires et des trentenaires, dans une relative solitude. Chacun vient avec sa propre histoire et ses passions qui éclatent dans cette sorte de microcosme. Certains sont amoureux d’autres qui ne partagent pas cette attirance malgré les tentatives de séduction et chacun semble s’ennuyer ferme, malgré les parties de scrabble, la musique classique et le bridge, la façon de faire le chocolat chaud et l’évocation de l’écriture. Ce qui résulte de tout cela c’est une grande solitude Cette pièce a été créée en 1989 ;

  • conversations après un enterrement

    N°1897 – Juin 2024.

    Conversations après un enterrement – Yasmina Reza – Albin Michel.

    Simon Weinberg vient de mourir, il est enterré selon son souhait dans sa propriété familiale du Loiret. A cette occasion sa famille se retrouve, ses deux fils Nathan et Alex, sa fille Édith. Ils ont tous la quarantaine, son frère Pierre et sa femme Julienne sont plus âgés. Il y a même Élisa, l’ex maîtresse d’Alex qui est aussi amoureuse de Nathan. En ouvrant ce livre j’avais l’impression de devoir assister à des conversations ordinaires sur le défunt à qui on trouve subitement toutes les qualités qu’on lui contestait de son vivant, des choses qu’on dit et qu’on ne pense pas… Rien de tout cela, on rit beaucoup ce qui n’est pas mal, à peine quelques allusions furtives au défunt, un retour sur le passé comme un exorcisme, une évocation du présent dans tout ce qu’il a de plus quotidien et banal comme éplucher des légumes, un huit-clos familial où chacun parle mais aussi se tait et cultive ses non-dits, ses secrets et ses rancœurs et Élisa qui n’en finit pas de partir … et de revenir ! Je ressors de cette lecture pourtant attentive avec une impression d’incompréhension et peut-être même de déception par rapport à la première approche que j’avais eue de cette auteure avec sa pièce intitulée « Art ». Mais, je n’ai peut-être rien compris.

    Lire la suite

  • Lo sciamano delle Alpi

    Lo sciamano delle Alpi – Michele Marziani – Bottega Errante Edizioni.

    Il libro comincia alla fine di questa storia un po’ complicata della famiglia Beltrami, . In questo romanzo c’e il narratore, Anfio, un medico , professore di oncologia, divorziato da Roberta, poi Ciccia (Clitemnstra) sua sorella, divorziata, finanziaria a Londra,divorziata, Gildo, suo fratello, avvocato a Milano. Tutti e tre sono invitati dalla mamma, in la sua casa. Manca Adrasto, il fratello maggiore del quale gli altri fratelli non sanno niente da un sacco di tempo. A causa della crisi enonomica, Ciccia ha un progetto di investimento a proposito di terreni dove c’é una vecchia miniera d’oro abbandonata, proprietà della famiglia. Bisogna l’accordo di Adrasto dunque è indispensabile cercarlo subito. Fininscono per scoprire che Adrasto ha lasciato il mestiere di medico, fa il pastore in montagna d’estate e frabbrica se stesso i formaggi. Lo trovano , vive in una baita con sua moglie Heidi, piu giovane di ventidue anni di lui e bellissima madre di tre figli che hanno nomi greci presi dall’Iliade e dall’Odisea. :Telemaco, Paride e Ermione. C’é una tradizione famigliale. Ma lui ha un cancro al viso che gli deforma la faccia e che cura con oppio e vischio ; E un metodo di medicina « antroposofica » di Rudolf Steiner, una specie di filosofo, padre dell’agricoltura biodinamica. Anfio pensa che suo fratello abbia letto troppi fumetti di Asterix a causa del druido Panoramix e del suo vischio, ma si innamora di Heidi a prima vista. Adrasto ha avuto il coraggio di abandonnare tutto per vivere vicino alla natura et Ciccia dice che questa vita piacerebbe anche a lei. Nella discussione, Adrasto si rende conto che questa storia della miniera é solo un’operazione finanziaria perché devono mettere alla disposizione della società creata da Ciccia il terreno e la baita di Andrasto. Dunque i tre fratelli decidono di rimanere un po’ da Adrasto, cancellando tutti i loro appuntamenti, per provare di convincerlo. Ma non é così facile All'inizio la storia mi è sembrata banale ma nel corso della lettura l'interesse è venuto .Mi é piaciutto questo libro specificamente a causa dello studio dei personaggi e in particolare quello del narratore. Anfio é divorziato, se sente un po’ solitario e ne soffre. Dunque non puo vedere una donna senza fantasticare. E un po’ donnaiollo, ma ciò che gli manca di più è una famiglia, dei bambini.Le relazioni familiari non sono sempre facili ma tra i fratelli c'è il dolce profumo dell'infanzia che passa troppo in fretta. Tiene il lettore in sospeso con momenti poetici. Una bella scrittura, facile da leggere anche per uno che impara l'italiano [io stesso], questo romanzo non é tradotto in francese. Ho gia letto dei romanzi di quel autore ( « La signora del caviale »- « Umberto Dei -biografia non autorizata di una bicicletta » – « La trotta ai tempi di Zorro ») .

     

     

    Le chaman des Alpes

     

    Le livre commence à la fin de cette histoire un peu compliquée de la famille Beltrami.

    Dans ce roman, il y a un narrateur, Anfio, un médecin, professeur d’oncologie, divorcé de Roberta, puis Ciccia (Clitemnestre), sa sœur, divorcée, financière à Londres, Gildo, son frère, avocat à Milan. Tous les trois sont invités par la mère, chez elle. Il manque Adrasto, le frère aîné , dont les autres frères sont sans nouvelles depuis pas mal de temps.

    A cause de la crise économique, Ciccia a un projet d’investissement à propos de terrains où il y a une vieille mine d’or abandonnée, propriété de la famille. Il faut donc l’accord d’Adrasto et il est indispensable de le chercher immédiatement. Ils finissent par découvrir que Adrasto qui a abandonné son métier de médecin, est berger dans la montagne l’été et fait lui-même ses fromages. Ils le trouvent. Il vit dans une cabane avec sa femme Heidi, plus jeune que lui de 22 ans, une ravissante mère de trois enfants qui portent des prénoms grecs de l’Iliade et de L’Odyssée. C’est une tradition familiale.

    Il a un cancer qui lui déforme le visage et qu’il soigne avec de l’opium et du gui. C’est une méthode de médecine « anthroposophique » de Rudolf Steiner, une sorte de philosophe, père de « l’agriculture biodynamique ». Anfio pense que son frère a lu trop de bandes dessinées d’Astérix, à cause du druide Panoramix et de son gui, ce qui ne l’empêche pas de tomber amoureux d’Heidi au premier regard. Adrastro a eu le courage de tout abandonner pour vivre dans la nature et Ciccia se dit que cette vie ne lui déplairait pas. Dans la discussion, Adrasto se rend compte que cette histoire de mine est seulement une opération financière parce qu’ils doivent mettre à la disposition de la société crée par Ciccia le terrain et la cabane d’Arostro. Les trois frères décident donc de rester un peu chez Adrasto, modifiant tous leurs rendez-vous, pour tenter de la convaincre, mais ce n’est pas chose facile. Au commencement l’histoire m’a semblé banale mais au cours de ma lecture l’intérêt est venu J’ai aimé ce livre spécialement à cause de l’étude des personnages et en particulier celui du narrateur. Anfio est divorcé, se sent un peu seul et en souffre. Il ne peut par conséquent croiser une femme sans fantasmer. C’est un peu un Don Juan mais ce qui lui manque c’est une famille, des enfants. Les relations familiales ne sont pas toujours faciles mais entre les frères il reste le doux parfum de l’enfance qui passe trop vite. Ce roman tien le lecteur en haleine avec des moments poétiques. Un belle écriture, facile à lire même pour quelqu’un ( moi en l’occurrence) qui apprend l’italien .Ce roman n’est pas traduit ne français. J’ai déjà lu des romans de cet auteur « La signora del caviale- Umberto Dei, biografia non autotorisata di una bicicleta- Ta trotta ai tempi di Zorro)

  • Gloria

    N°1894 – Juin 2024.

    Gloria – Un film de Margherita Vicario.

    Pie VII vient d’être élu pape et va venir visiter le vieil orphelinat de jeunes filles de Sant’Ignazio à proximité de Venise. Elles y reçoivent une éducation musicale approfondie mais leur seul espoir d’émancipation est le mariage, évidemment arrangé. L’établissement est dirigé par un prêtre âgé, maître de chapelle, surnommé « Maestro », à qui le gouverneur demande une composition originale pour honorer la visite pontificale. Faute d’inspiration, l’ecclésiastique peine à honorer cette commande qui devra être exécutée par le petit orchestre à cordes des pensionnaires.

    Teresa, humble servante anonyme et solitaire, est vouée dans cette institution aux tâches matérielles les plus humbles et personne ne connaît son histoire sordide. Rendue orpheline par la guerre, elle est placée chez le gouverneur qui la viole et se charge de l’éducation de son enfant dont elle est séparée. On lui intime l’ordre de ne parler à personne, ce qui lui vaut le surnom de « La muette ». Par hasard, dans une dépendance, elle découvre un piano et révèle un talent étonnant pour la musique qu’elle joue à l’oreille , traduisant en mélodies les sons du quotidien. Malgré son état de domestique, elle s’intègre à la formation musicale des jeunes pensionnaires et étudie avec elles la musque baroque qui semble avoir leur préférence. Ce qui devait être un concert de musique religieuse destinée à s’attirer les bonnes grâces du pape prend rapidement des chemins de traverse.

    J’ai personnellement apprécié la musique , les décors et les costumes. Ce drame est remarquablement servi par Gallea Bellugi (Teresa) , Carlotta Gamba ( Lucia).

    Ce film italio-suisse sorti en juin 2024 en France, s’inscrit dans le même esprit du cinéma italien actuel, quoique dans des registres différents et qui célèbre l’émancipation des femmes trop souvent oubliées, face à l’intolérance de la société incarnée ici par la toute puissance de l’Église catholique. Ainsi « Il reste encore demain » (2023) de Paola Cortellesi et « La nouvelle femme » (2023) de Lea Todorov.

    © Hervé GAUTIER

  • Perspective(s)

    N°1893 – Juin 2024.

    Perspective(s) – Laurent Binet – Grasset.

    Dans la Florence de 1557, le vieux peintre Jacopo da Pontorno est retrouvé assassiné dans la chapelle San Lorenzo au pied d’un fresque pour laquelle il travaillait depuis onze années. L’examen du corps ne laisse aucun doute sur l’homicide et le duc Cosimo de Medicis a chargé le peintre ,architecte et historien, Giorgo Vasari, d’éclaircir cette affaire tout en laissant courir le bruit du suicide de Jacopo, éternel insatisfait de son travail.

    Dans une série de 176 lettres savoureusement perverses, échangées entre une vingtaine d’épistoliers, tant en France qu’en Italie, l’auteur recrée à l’occasion d’une fiction policière sertie dans un contexte historique, l’ambiance délétère qui règne dans cette ville, entre une période de crise créatrice, les luttes politiques pour le pouvoir et la représentation ouvrière, les guerres incessantes, les pressions moralisatrices et pudibondes inspirées par l’Église et le pape contre la nudité des corps et les homosexuels, l’ombre de l’hérésie, la défense de la vertu, le poids de l’Inquisition, le souvenir des incantations punitives du moine Jérôme Savonarole, la crainte du retour de la peste comme un châtiment divin, une crue de l’Arno... Dans le petit cénacle des peintres, on se pose des questions sur cette mort de plus en plus étrange et les spéculations les plus folles fleurissent puisque l’insécurité et la peur règnent dans la ville. On se trahit, on se critique, on s’espionne entre concurrents, avec l’intransigeance jalouse des uns et la flagornerie cupide des autres, des investigations sont menées, des délations sont chuchotées, des conspirations sont fomentées, des complots sont ourdis et tout le monde est suspect, ouvriers, peintres, nonnes, bourgeois ou nobles. Apparemment la clé de cette mort mystérieuse résiderait dans un tableau de Michel-Ange, jugé licencieux, odieusement surchargé par une main anonyme et apparemment subtilisé. Sa recherche, également confiée à Vasari, est de plus en plus problématique, laborieuse et n’évite ni les impasses ni la violence, ni le sang. Le prochain mariage arrangé de la jeune Maria de Médicis qui n’arrange pas tout le monde, l’éclaircissement d’une énigmatique visite féminine nocturne le soir de la mort de Pontorno, le tout dans la préparation du carnaval, la fréquentation des tavernes voire des bordels, les ferveurs religieuses d’un couvent avec son inévitable culpabilité judéo-chrétienne et la repentance face à la permanence du péché, la toute puissance de l’Église dont le pape, ancien inquisiteur et créateur de « l’index » et pourfendeur des « sodomites » tient à ce que la société revienne à un respect de la morale et de la religion un peu oublié lors de la période précédente où la Renaissance a correspondu à une période plus laxiste.

    Le titre de ce roman rappelle que la perspective, cette technique qui consiste à créer une illusion de profondeur sur une surface plane par la mise en œuvre du « point de fuite », fut inventée à Florence au Quattrocento. Cette innovation s’invite dans ce roman d’une manière inattendue, paradoxalement liée à la mort. En outre, ce titre comporte un « s » entre parenthèses, comme une éventualité, une façon de rendre les choses passées ou de les imaginer.

    Dans ce roman captivant, agréable à lire, richement documenté et érudit, l’auteur, nous transporte dans l’atmosphère cette ville exceptionnelle par la richesse de son histoire et la beauté de ses monuments et qui fut pour Stendhal le lieu du syndrome qui porte son nom et dont l’ombre plane sur ce livre.

     

  • Six personnages en quête d'auteur

    N°1892 – Juin 2024.


     

    Six personnages en quête d'auteur – Luigi Pirandello. L'avant-scène théâtre.


     

    C'est une pièce de théâtre écrite par Pirandello en 1921. .

    Elle est particulière à commencer par son titre  un peu surprenant. Ensuite elle montre un scénario original, la survenue impromptue d'étrangers, des personnages qui ne sont pas des acteurs et qui perturbent une répétition. D'autre part la pièce ne comporte pas d'actes ni de scène et quand le rideau se baisse c'est à la suite d'une erreur du machiniste..

    C'est surtout une mise en abyme. A l'occasion d'une répétition d'une pièce programmée pour un spectacle, «  le jeu des rôles  », l'entrée en scène d'étrangers qui souhaitent jouer une pièce qui n'est pas encore écrite mais qu'ils portent en eux. Cette pièce c'est leur profond drame intime et familial. Peu à peu cette pièce non écrite va prendre le pas sur celle qui était prévue, s'écrire au rythme de l'improvisation, avec la complicité du directeur et au grand désarroi des acteurs professionnels. C'est aussi une réflexion sur la création théâtrale entre la fiction, l'illusion et la réalité, sur la technique théâtrale, le rôle des acteurs, la différence entre le «  personnage  » du manuscrit qui est vrai parce qu'il porte son drame en lui-même et l'acteur qui l'incarne, qui «  joue  » son rôle sur la scène. Il semble qu'ici il y a une véritable opposition entre eux, les acteurs n'étant définitivement que des interprètes.

    Veut-il nous dire que le théâtre est le miroir de la vie ? On verra ce qu'on voudra dans cette mise en scène baroque qui n'a pas manqué, à l'origine de faire crier le public au scandale, à l’escroquerie à la trahison ou au génie. Le théâtre comme le roman mettent en scène des personnages fictifs, qui n'ont jamais existé parce qu'ils sont nés certes de l’imagination de l'auteur mais que ce dernier construits à sa manière avec son témoignage, son message humain, ses drames, ses rêves, ses échecs et ses joies. Ce sont les malheurs humains qui nourrissent la création qu'elle soit littéraire ou théâtrale. C'est tout le problème de l'écriture qui est le reflet de la condition humaine dont chacun de nous porte en lui la marque mais qu'il n'est pas forcément capable d'exprimer, de mettre des mots sur ses maux pour les exorciser. Ici les six personnages, heureux sans doute d'avoir trouvé un auteur pour être leur interprète, Le directeur, le torturent pour qu'il exprime leur tragédie intime en s'opposant aux acteurs. Pour autant, pour que le message passe, il faut que le metteur en scène fasse des choix en rapport avec la technique du spectacle qui doit être donné au public qui, lui aussi, fait partie du jeu puisque c'est pour lui que le spectacle est écrit et joué  .

    Il y a aussi, me semble-t-il toute une réflexion sur la faute et aussi la honte, à travers cette famille éclatée, l'attitude du Père, de la Belle-Fille, de la la Mère et l'indifférence du Fils.


     

    Sa première représentation à Rome en 1921 a été un four ce qui ne l'a pas empêchée d'être légèrement remaniée et traduite en plusieurs langues, mise en scène dans plusieurs pays, quant à son auteur il a obtenu le prix Nobel de Littérature en 1934. Pourtant sa carrière d'auteur n'a pas vraiment été un long fleuve tranquille puisqu'il a, un temps, envisagé d'abandonner l'écriture.


     

    Le titre a quelque chose d’étrange qui a piqué ma curiosité. Je crois avoir apprécié cette thématique opposant les personnages de fiction aux acteurs de théâtre, la fiction contre la réalité mais je ne suis quand même pas sûr d’avoir tout compris.


     

    Le cinéaste italien Roberto Ando   s'est inspiré de cette pièce en mettant en scène un Pirandello incarné par l'excellent acteur Toni Servillo, à l'étonnante ressemblance avec son personnage.


     

     

  • Le vase étrusque

    N°1891 – Juin 2024.

     

    Le vase étrusque - Prosper Mérimée- Librio.

    C’est une nouvelle de Prosper Mérimée, publiée en 1830.

    Au fil des pages, le récit révèle une histoire d’amour comme on les vivait « dans le monde » comme on disait à l’époque. Ce n’était pas pour me déplaire, non à cause du thème appréhendé d’une manière bien différente d’aujourd’hui où, dans ce domaine comme dans bien d’autres, les choses ont bien changé mais notamment parce que je demande avant tout à un écrivain d’être le témoin de son temps. On a même prétendu que cette nouvelle avait été inspirée à son auteur par un épisode de sa propre vie.

    Renouant avec Mérimée, je me suis dit, au début, que la relation de cette aventure, dont les ressorts sont éternels, seraient faite de mièvrerie, de naïveté et d’hypocrisie… Elle met en présence Auguste Saint-Clair, un bourgeois renfermé qui ne recherche pas vraiment la sympathie de ses semblables et qui croise Mathilde de Coursy, une jeune et belle comtesse veuve dont il tombe follement amoureux et qui devient sa maîtresse. Leur amour est donc partagé. Lors d’un dîner de célibataires, il apprend qu’elle a été l’amante de Massigny, un être fat bien différent de Mathilde, femme d’esprit et qui lui a offert un vase étrusque d’une grande valeur exposé sur la cheminée. Saint-Clair qui avait, Dieu sait pourquoi, supposé qu’elle n’avait jamais aimé que lui, et ce malgré l’existence de son ancien mari, devint maladivement jaloux mais n’en parla pas à la comtesse. Cette dernière, lui rendant sa montre qu’elle avait fait réparée, y a ajouté son portait miniature peint sur le fond de la boite et l’informe que c’est Massigny qui lui a indiqué le peintre qui a réalisé le travail. Il n’en faut pas plus pour provoquer la jalousie d’Auguste. De plus en plus soupçonneux, malgré les dénégations de la comtesse, Saint-Clair, lors d’une promenade à cheval provoque un de ses anciens rivaux et meurt dans le duel qui les oppose. Mathilde, désespérée s’éteint trois ans plus tard dans un état de délabrement physique désastreux.

    Je ne suis pas nostalgique mais c’est sans doute la marque d’une époque révolue où on pouvait encore mourir d’amour, à l’heure des divorces faciles, des unions libres et des famille recomposées. On retrouve là une constante de la société de cette époque qui accordait toute licence à l’homme, même marié, et exigeait que la femme fût pure. Quant à Saint-Clair, il était à la fois pleins d’illusions, de sentimentalisme et sans doute aussi d’exigences. Cette courte nouvelle aurait peut-être mérité une étude psychologique un peu plus poussée .

  • Tamango

    N°1890 – Juin 2024.

     

    Tamango - Prospère Mérimée- Librio.

    C’est une nouvelle assez bien documentée de Prosper Mérimée, publiée en 1829 qui ne semble pas avoir recueilli la faveur du public.

    C’est un réquisitoire contre l’esclavage et met en présence un blanc, le capitaine Ledoux, un marin expérimenté devenu officier qui, en fin de carrière, se reconvertit dans le commerce négrier, et un chef de tribu sénégalais, un guerrier redoutable et amateur d’alcool, Tamango, qui fait commerce de ses ennemis en les vendant aux blancs. Lors d’une tractation un peu arrosée avec Ledoux, il lui donne sa femme, Ayché, aussitôt embarquée. A son réveil un peu embrumé Tamango cherche son épouse, la poursuit jusqu’au bateau et se retrouve capturé comme esclave par la capitaine négrier. Tamango se retrouvait donc avec ceux qu’il avait vendus, à fond de cale, avec pour seul avenir l’esclavage dans les Antilles françaises. Au cours de la traversée Tamango prend l’ascendant sur les autres prisonniers et réussit à s’emparer du navire en tuant tout l’équipage, mais, ignorant la navigation, l’affaire tourne au désastre et le brick dont ils s’étaient emparé devient rapidement une épave où seul Tamango survit. Sauvé par un navire anglais, soigné, il terminera sa vie tragiquement dans l’armée anglaise, victime de son addiction à l’alcool.

  • Mateo Falcone

    N°1889 – Juin 2024.

     

    Mateo Falcone - Prospère Mérimée- Librio.

    C’est une nouvelle de Prosper Mérimée publiée en 1829 bien que l’auteur n’ait visité la Corse que 10 ans plus tard contrairement à ce qu’il écrit dans sa nouvelle. Il s’est donc informé des coutumes locales et s’est inspiré d’un fait réel.

    Mateo Falcone est un notable respecté qui habite en lisière du maquis de Porto Vecchio qui est un havre de paix pour tous ceux qui sont en délicatesse avec la justice et souhaitent échapper aux gendarmes. Il part avec sa femme visiter un de ses troupeaux en laissant la maison à la garde de son jeune fils, dernier né et héritier du nom, Fortunato. Auparavant il avait eu trois filles actuellement mariées, ce qui ne l’enchantait pas. L’enfant voit arriver un homme blessé et poursuivi par la maréchaussée, Gianetto , et accepte de le cacher contre une pièce d’argent. Bientôt les gendarmes arrivent et le garçon, cupide, dénonce celui qu’il a caché contre une montre que lui offre l’adjudant. De retour Mateo voit Gianetto prisonnier qui accuse son fils de trahison et maudit sa famille. Le père brise la montre de Fortunato et l’emmène dans la maquis et après lui avoir fait dire ses prières, le tue purement et simplement malgré les supplications de son fils. Il lui fera cependant dire une messe en espérant que Dieu lui pardonnera sa traîtrise.

    En Corse l’hospitalité est sacrée, une trahison amène inévitablement une vendetta, et on n’aime guère les gendarmes. D’autre part la Corse est, à l’époque, depuis peu française, l’île ayant été été vendue à la France par la république de Gêne mais les Corse se sentent avant tout Corses. Cette nouvelle qui est une tragédie illustre Les coutumes ancestrales de cette province au XIX° siècle , son sens de l’honneur, sa fierté.

  • L'abbé Aubin

    N°1889 – Mai 2024.

     

    L’abbé Aubin - Prospère Mérimée- Éditions Garnier frères..

    En cinq lettres, une aristocrate parisienne ruinée, réfugiée avec son mari dans l’île de Noirmoutier raconte à son amie, Sophie, sa nouvelle vie. C’est triste à mourir et cela met bien en évidence ce qu’était le sort de la plupart des femmes de cette époque et de cette classe, la souffrance intime et l’église. Sauf qu’elle s’intéresse au jeune curé de la paroisse à qui elle trouve bien des qualités dont son mari semble dépourvu. Elle en devient intime au point qu’elle provoque chez lui des révélation très personnelles sur sa vie, de solliciter des cours de latin, de botanique, de théologie..  de lui prêter des livres bien différents de ceux qu’un jeune prêtre lit d’ordinaire.. Elle s’imagine des choses tout à fait impossibles, lui obtient une meilleure cure sans qu’il ait rien demandé. La sixième lettre, écrite par ce curé à un confrère après son départ de Noirmoutier semble remettre les choses à leur place.

    C’est une histoire sans grand intérêt, vraie selon Mérimée, où le lecteur peut, si le désire, voir une critiques des bigotes désœuvrées, sentir l’esprit voltairien de Mérimée ou au contraire voir dans ce texte une louange de ce jeune abbé, qui n‘est cependant pas ennemi de la bonne chère. Il est précisé que ce texte est paru en 1846 dans « Le Constitutionnel » ou il était indiqué qu’y serait publié un texte anonyme «  où il n’est question ni de l’Université ni des jésuites. ».

  • La chambre bleue

    N°1888 – Mai 2024.

     

    La chambre bleue - Prospère Mérimée- Éditions Garnier frères..

    Une gare est un lieu de rencontre privilégié, surtout pour les couples illégitimes. Léon et y retrouva une jeune et jolie femme, dissimulée par un voile noir comme c’était l’usage à l’époque pour éviter d’être reconnue. Elle avait tout prévu pour cette escapade avec Léon dans l’unique hôtel d’un bourg de province où on leur donna la chambre bleue. Malheureusement pour eux, des militaires s’étaient donné rendez-vous pour un dîner dans l’auberge. Durant la nuit, dans la chambre d’à côté, un bruit étrange, une vision furtive, un voisin Anglais bizarre suscitent des peurs incontrôlées où l’imagination alla bon train… mais tout cela est bel et bon et Léon ne perdit pas de vue son aventure secrète.

    Une petite histoire sans prétention et aussi sans doute sans grand intérêt et, dans l’esprit de l’époque pendant la narration de laquelle l’auteur se soucie de son lecteur. En 1866, Mérimée est à Biarritz avec l’impératrice et le prince impérial . On s’y ennuie ferme et pour distraire son hôte Mérimée écrit ce texte qui est pourtant passé à la postérité.

  • Djoumane

    N°1887 – Mai 2024.

     

    Djoumane - Prospère Mérimée- Éditions Garnier frères..

    C’est le récit d’un lieutenant français en garnison en Algérie qui revient d’une mission et à peine reposé apprend qu’il va devoir repartir au combat pour lutter contre la dissidence. Auparavant, il est convié avec d’autres officiers à un repas somptueux avec une exhibition de saltimbanques au cours de laquelle une petit fille est mordue par un serpent appelé Djoumane mais sans dommage pour l’enfant puisque cela fait partie du spectacle...Le lendemain, en opération il brave le danger, se trouve en présence d’une femme qu’il suit dans un caverne et y retrouve la petite fille au serpent de la veille en compagnie d’un vieux sorcier… et du serpent. Plus tard il suit une très belle femme qui lui offre du café dans une caverne richement décorée. Ce court récit ressemble à un rêve d’autant qu’à son réveil la jolie arabe se transforme en un banal maréchal des logis de son escadron.

    Ce texte paraît en 1870 correspond à la fascination qu’on avait pour l’Algérie et les conquêtes coloniales. Que Mérimée ait voulu célébrer la beauté des femmes maghrébines n’est guère étonnant et la symbolique du serpent, à la fois judéo-chrétienne et freudienne n’est jamais très loin. L’image de la caverne qui revient doit sans doute avoir une signification précise. Là aussi l’avis des psychiatres serait peut-être bienvenu.

  • Federigo

    N°1885 – Mai 2024.

     

    Federigo - Prospère Mérimée- Librio.

    Federigo est un jeune seigneur accroc au jeu et tricheur au point de ruiner douze fils de famille qui périrent dans des combats et furent précipités en enfer. Federigo lui-même connut la déchéance et se retira sans un sou dans un petit manoir qui lui restait et qi était toute sa fortune. Un soir il y reçoit le Christ et ses apôtres qui lui accorde trois vœux. En les formulant, il pense surtout à sa passion pour le jeu et au plaisir qu’il a à mystifier ses semblables. En effet, au cours de sa vie, non seulement il fait fortune grâce à ses cartes mais parvient, repentant, à tromper le dieux des enfers en lui subtilisant les âmes des malheureux fils de famille qu’il avait jadis ruinés. Il va même jusqu’à tromper la camarde et même Jésus qui, aux portes du Ciel est en quelque sorte contraint de l’y laissé entrer.

    C’est une courte nouvelle parue en 1829, originale dans sa rédaction mais j’y vois une aimable mystification de la religion, une rédemption plus facilement obtenue au terme d’un astucieux parcours pour quelqu’un qui, selon les critères évangéliques ne l’aurait pas méritée, autant que la négation de la mort, ce qui correspond bien à la philosophie de l’époque.

  • Vision de Charles XI

    N°1885 – Mai 2024.

     

    La vision de Charles XI. - Prospère Mérimée- Librio.

    Avec « La Vénus d’Ill » Prospère Mérimée avait fait dans les contes fantastiques. Ici, il prend d’emblée la précaution de préciser que, d’ordinaire, on se moque des apparitions surnaturelles même si certaines sont attestées par procès-verbal avec témoignages historiques. Pour illustrer son propos il met en scène un narrateur qui révèle une prédiction connue bien avant que les faits n’arrivent. Charles XI, roi de Suède qui, après la mort de son épouse Eléonore, eut un soir, en présence de trois personnes, une vision funeste faite de fantômes, de cadavres, de sang. Il apprend que, si son règne sera exempt de violence, cinq règnes après le sien, le malheur s’abattra sur le royaume. Tout cela fut consigné par écrit et contresigné par ceux qui en ont été les témoins.

    La création de tels textes aussi dramatiques pose question. Est-ce le plaisir d’écrire et d’embarquer son lecteur dans un univers inconnu et fictif, l’illustration d’un fantasme, d’une crainte que l’auteur veut ainsi exorciser, d’une volonté de changer de registre en donnant libre cours à son imagination, la manifestation et la mise en forme de l’inconscient inhibé, d’un goût caché pour l’absurde, de la projection d’une obsession intime et refoulée, la volonté de l’auteur de s’inscrire dans la réalité historique du fait puisque le procès-verbal existe réellement et que la nouvelle de Mérimée fit l’objet d’une polémique. En effet si le document officiel existe réellement, Mérimée l’a intégré volontairement dans un récit fantastique en le mettant en scène à sa manière ce qui outrepasse quelque peu le fait historique. Il convient de noter que Mérimée fait mention d’Ankarstroem qui est l’ authentique régicide de Gustave III.

    Ainsi ce court texte, fort agréable à lire, est-il de nature peut-être à intéresser aussi les psychiatres qui ne manqueraient pas de procéder à une dissection psychologique mais cela m’a paru à moi, qui ne suis qu’un simple lecteur, un bon moment de lecture.

  • La partie de trictrac

    N°1884 – Mai 2024.

     

    La partie de trictrac . - Prospère Mérimée- Librio.

    Sur un bateau immobilisé en pleine mer faute de vent le capitaine raconte au narrateur l’histoire d’un lieutenant de marine du premier empire, Roger, qui, ayant rencontré Gabrielle, une femme peu farouche devenue comédienne en est évidemment tombé follement amoureux. Évidemment pour satisfaire ses caprices il se ruine et un soir il joue au trictrac, triche et gagne une forte somme d’argent au détriment d’un officier hollandais qui, désespéré se suicide. Il a fait cela par amour pour cette femme mai, miné par la culpabilité, Roger songe à se suicider à son tour; Gabrielle tente de le raisonner, mais lui préfère trouver la mort dans un combat contre les Anglais, affrontant en quelque sorte son destin d’honnête homme malgré l’amour qu’il porte à Gabrielle. L’épilogue est surprenant et le capitaine interrompt brutalement son histoire parce qu’une baleine apparaît qu’on va chasser, brisant ainsi la monotonie de cette interminable attente. J’ai eu plaisir à relire Mérimée mais j’ai commencé par ses nouvelles fantastiques qui ont ma préférence. Là j’ai été un peu déçu.

  • Il viccolo du madama Lucrezia

    N°1883 – Mai 2024.

     

    Il viccolo di Madama Lucrezia . - Prospère Mérimée- Librio.

    Mérimée renoue avec les nouvelles fantastiques. Le narrateur, un jeune homme de famille de 23 ans se rend à Rome, sans doute pour faire son « grand tour » comme cela se faisait à l’époque. Son père lui recommande l’adresse , avec lettre introduction, d’une marquise qu’il a jadis connue, qualifiée de « bacchante » ce qui en dit assez long sur leur vieilles relations. Son souvenir, entretenu par un portrait suspendu dans le cabinet de travail paternel, mettait mal à l’aise sa mère et rendait son père quelque peu pensif. Le jeune homme s’y rend donc, accueilli chaleureusement par son hôte devenue dévote et qui retrouve avec plaisir en ce jeune homme les traits de son père. Il est confié au bons soins de son deuxième fils destiné à devenir sous peu cardinal mais dont le destin se révélera quelque peu différent. Il est intrigué par un étrange portrait de Lucrèce Borgia, il se trouve être le témoin d’un récit tragiquement prémonitoire et un pouvoir supposé de certaines statues. Et ce n’est que le début pour lui puisqu’il est le témoin accidentel puis passionné d’une invitation féminine à laquelle il n’entend pas résister, curieux qu’il est des mystères qui l’entourent et sans doute désireux de marcher sur les traces un peu coquines de son père.

    Certes Mérimée transporte son lecteur dans un autre monde irrationnel et plein de suspens, mais je note qu’il associe toujours ces histoires imaginaires et parfois diaboliques à des figures féminines, à la fois belles et sensuelles. On pensera de cela ce qu’on voudra.

    J’ai eu plaisir à retrouver le style de cet auteur un peu oublié et cette trop courte lecture fut pour moi un bon moment.

  • Il viccolo di madama Lucrezia

    N°1883 – Mai 2024.

     

    Il viccolo di Madama Lucrezia . - Prospère Mérimée- Librio.

    Mérimée renoue avec les nouvelles fantastiques. Le narrateur, un jeune homme de famille de 23 ans se rend à Rome, sans doute pour faire son « grand tour » comme cela se faisait à l’époque. Son père lui recommande l’adresse , avec lettre introduction, d’une marquise qu’il a jadis connue, qualifiée de « bacchante » ce qui en dit assez long sur leur vieilles relations. Son souvenir, entretenu par un portrait suspendu dans le cabinet de travail paternel, mettait mal à l’aise sa mère et rendait son père quelque peu pensif. Le jeune homme s’y rend donc, accueilli chaleureusement par son hôte devenue dévote et qui retrouve avec plaisir en ce jeune homme les traits de son père. Il est confié au bons soins de son deuxième fils destiné à devenir sous peu cardinal mais dont le destin se révélera quelque peu différent. Il est intrigué par un étrange portrait de Lucrèce Borgia, il se trouve être le témoin d’un récit tragiquement prémonitoire et un pouvoir supposé de certaines statues. Et ce n’est que le début pour lui puisqu’il est le témoin accidentel puis passionné d’une invitation féminine à laquelle il n’entend pas résister, curieux qu’il est des mystères qui l’entourent et sans doute désireux de marcher sur les traces un peu coquines de son père.

    Certes Mérimée transporte son lecteur dans un autre monde irrationnel et plein de suspens, mais je note qu’il associe toujours ces histoires imaginaires et parfois diaboliques à des figures féminines, à la fois belles et sensuelles. On pensera de cela ce qu’on voudra.

    J’ai eu plaisir à retrouver le style de cet auteur un peu oublié et cette trop courte lecture fut pour moi un bon moment.

  • Il viccolo di madama Lucrezia

    N°1883 – Mai 2024.

     

    Il viccolo di Madama Lucrezia . - Prospère Mérimée- Librio.

    Mérimée renoue avec les nouvelles fantastiques. Le narrateur, un jeune homme de famille de 23 ans se rend à Rome, sans doute pour faire son « grand tour » comme cela se faisait à l’époque. Son père lui recommande l’adresse , avec lettre introduction, d’une marquise qu’il a jadis connue, qualifiée de « bacchante » ce qui en dit assez long sur leur vieilles relations. Son souvenir, entretenu par un portrait suspendu dans le cabinet de travail paternel, mettait mal à l’aise sa mère et rendait son père quelque peu pensif. Le jeune homme s’y rend donc, accueilli chaleureusement par son hôte devenue dévote et qui retrouve avec plaisir en ce jeune homme les traits de son père. Il est confié au bons soins de son deuxième fils destiné à devenir sous peu cardinal mais dont le destin se révélera quelque peu différent. Il est intrigué par un étrange portrait de Lucrèce Borgia, il se trouve être le témoin d’un récit tragiquement prémonitoire et un pouvoir supposé de certaines statues. Et ce n’est que le début pour lui puisqu’il est le témoin accidentel puis passionné d’une invitation féminine à laquelle il n’entend pas résister, curieux qu’il est des mystères qui l’entourent et sans doute désireux de marcher sur les traces un peu coquines de son père.

    Certes Mérimée transporte son lecteur dans un autre monde irrationnel et plein de suspens, mais je note qu’il associe toujours ces histoires imaginaires et parfois diaboliques à des figures féminines, à la fois belles et sensuelles. On pensera de cela ce qu’on voudra.

    J’ai eu plaisir à retrouver le style de cet auteur un peu oublié et cette trop courte lecture fut pour moi un bon moment.

  • La Vénus d'Ill

    N°1882 – Mai 2024.

    La Vénus d'Ill . - Prospère Mérimée- Librio.

    Le narrateur un archéologue parisien, se trouve en visite en pays catalan chez un notable local, antiquaire, sur les terres de qui on a découvert par hasard une magnifique statue en bronze de Vénus. Cette découverte assez fortuite est d'abord l'occasion, entre ces deux hommes de faire acte d'érudition autour de cette oeuvre et des inscriptions qu'on peut y lire. Notre narrateur, sans doute auréolé de son savoir, se trouve invité au mariage du fils de famille, Alfonse. Dès lors on se met à parler librement de cette Vénus qui non seulement est d'une beauté presque vivante mais aussi semble se défendre, renvoie les cailloux qu'on lui lance, casse la jambe de celui qui l'a déterrée, semble s'approprier une bague qu'Alfonse a glissé à un de ses doigts. Tout cela pourrait être le simple fait du hasard ou tout bonnement l'effet du vin mais la nouvelle prend une dimension fantastique et énigmatique, sur fond de portraits assez ternes d'Alphonse et de son père, de mariage bourgeois arrangé avec ses rites traditionnels, l'innocence de l'épousée… et le tout sans joie ni amour pour les mariés et surtout à cause de la mort étrange d'Alfonse au cours de la nuit de noces. Dès lors l'invité se transforme en enquêteur, se rappelle de vagues menaces proférées. Et ce n'est pas le seul mystère autour de cette statue.

    Mérimée est aussi l'auteur de Carmen, oeuvre à laquelle Georges Bizet donna sa notoriété. Cette femme est comme cette statue, une beauté enivrante mais fatale.
    J'ai eu plaisir à retrouver le style de cet auteur un peu oublié, et c'est dommage.

  • L'occupation américaine

     

     

     


     

    N°547 – Novembre 2011.

    L'Occupation américaine – Pascal QUIGNARD – Éditions du Seuil.

     

    Marie-José Vire, fille du quincaillier-épicier de Meung sur Loire et Patrick Carrion, fils du vétérinaire de ce même village... Ils s'aiment depuis l'enfance, c'est à dire depuis les années 50. Ils sont allés à l'école ensemble, ont découvert ensemble le monde immédiat, c'est à dire les paysages de Sologne faits de terre et d'eau, l'eau de la Loire et celle du ciel, ont rêvé ensemble à l'avenir, se sont inventé des histoires où ils étaient les seuls acteurs, dans le décor d'une île sur le fleuve ...Seul leur amour les intéresse, mais c'est un amour d'enfant fait de peurs et d'imaginaire. Patrick est même devenu l'auxiliaire zélé du curé, mais cela ne dure qu'un temps... Dehors, c'est un autre monde, celui des adultes, de l'Histoire, des guerres et de leurs conséquences, de la politique intérieure et internationale. Que le monde autour d'eux soit en flammes ne les concerne en rien. Ce qu'ils voient se sont les troupes américaines qui occupent la France sans pour autant l'avoir vaincue. Avant, il y avait eu les Romains, Attila, Jeanne d'Arc et l'occupant anglais, les Allemands et maintenant les Américains ! Et Meug sur Loire, c'est aussi la ville qui avait jadis accueilli François Villon pour le mettre aux fers !

    Cet autre monde, ils l'observent de loin, toujours ensemble et ce qu'ils voient c'est un camp protégé par des barbelés, une ville étrangère avec ses magasins, ses rites militaires, son drapeau... C'est pourtant un monde qu'on singe volontiers quand on est adolescent. On en adopte les coutumes, des rudiments de la langue, les cigarettes, les boissons, la drogue, la musique, les trafics, les voitures. Il fascine ce monde-là surtout quand le corps change, comme celui de Marie-José qui devient belle, désirable et intéresse un sergent Américain qui pourrait être son père ! Pour elle c'est un peu le rêve qui se dessine, loin de Patrick... Lui non plus n'est pas insensible aux charmes de Trudy, la jeune américaine mais il pense surtout au jazz, à la batterie et au groupe qu'il a formé au village. Pour lui, la vie immédiate c'est les photos de pin'up, la bannière étoilée, la bière, pendant que les adultes crient volontiers « Us go home » et craignent pour la vertu de leurs filles. Puis vient l'anniversaire de Patrick que chacun fête à sa manière avec, en contre-point la mort [« La mort est seule à arracher notre vie à elle-même »], la désintégration du groupe de musique, le bac qu'il faut passer, le départ définitif des Américains, l'incompréhension qui mine la famille de Patrick et sa vie à côté de Marie-José qui se décline sur le mode « Je t'aime moi non plus ».

     

    J'ai peu goûté les dissertations philosophiques de Rydell sur la vie et la mort. J'ai lu ce livre paru en 1994 jusqu'au bout, davantage pour en connaître la fin que par réel intérêt. Ce dernier est venu pourtant, mais pas avant les vingt dernières pages. Même si le style m'a paru un peu sec, même si d'ordinaire je ne goûte guère les romans qui affectionnent le « happy end », cela m'a laissé un goût amer et pour tout dire je m'attendais à autre chose de la part de celui qui sera Prix Goncourt en 2002. D'ailleurs, mon improbable lecteur pourra constater que malgré la lecture que j'ai pu faire de quelques romans de cet auteur, je n'en ai guère été bouleversé.

    ©Hervé GAUTIER – Novembre 2011.http://hervegautier.e-monsite.com

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


     


     

     

     

     


     


     

     

  • Les ombres errantes

    N°1881 – Mai 2024.

     

    Les ombres errantes – Pascal Quignard – Grasset.

    Prix Goncourt 2002.

    Selon le testament d’Edmond de Goncourt, le prix ainsi crée par testament en 1892 récompense des auteurs d’expression française. Il est décerné « au meilleur ouvrage d’imagination en prose paru dans l’année ». D’ordinaire il s’agit d’un roman, c’est à dire d’une histoire, authentique ou imaginée, racontée par un auteur avec un début un développement et une fin. Le livre refermé, on ne peut guère dire qu’il s’agit d’un roman puisque cet ouvrage est en fait une somme d’interrogations, d’affirmations, d’aphorismes, certes érudits comme c’est la coutume chez Pascal Quignard et nul ne s’en plaindra, où la fiction voisine avec l’essai, le poème libre et le conte philosophique. J’ai eu le sentiment, en lisant cette série de textes répartis en cinquante cinq chapitres plus ou moins longs, de lire des fiches techniques ou des remarques personnelles, des esquisses littéraires qui souvent ont trait à l’écriture, à la lecture, et destinées peut-être à la rédaction de futurs livres. Après tout peu importe et dans ce domaine aussi les choses sont faites pour évoluer. Il s’agit d’un ouvrage inclassable, une réflexion sur la mort, le sexe, le plaisir, le langage, le passé propre à chacun, la politique, la morale, l’histoire et son cortège de personnages autant que le temps qui passe pour chacun d’entre nous et qui tisse sa trame de souvenirs, c’est à dire des choses bien humaines au demeurant.

    Que sont donc ces « ombres errantes » qui évoquent le clavecin de François Couperin ? Sont-ce les âmes de ses ancêtres, celles des Enfers, que voit le dernier roi des Romains avant d’expirer sous les coups de Clovis ? Sont-ce ces textes qui composent cet ouvrage, qui suscitent la réflexion, la critique ou souligne la scansion d’une phrase ou la musique des mots, entre récits et pensées vagabondes, insoumises à la fois à l’ordre et à la logique d’un raisonnement et à la force du désir ? Sont-ce des souvenirs diffus qui peuplent la mémoire, qu’il s’agisse de corps de femmes désirées et objets de fantasmes ou des réflexions sur le vécu ses propres remords, ses mensonges, ses souffrances ? Sont-ce ces pensées, dignes parfois d’une écriture automatique, qui fusent sous la plume et imposent leurs mots à la page blanche comme autant de jalons ? Sont-ce des silhouettes de vivants juste entraperçues et fuyant la lumière, avec leur vécu, leurs secrets intimes leurs potentielles jouissances et leur solitude ou des images furtives qui ne sont qu’illusions  et qu’énigmes ?Sont-ce les leçons tragiques de l’histoire qu’on oublie trop souvent ?

    Ouvrage étonnant dans sa forme autant que dans son esprit, déroutant parfois, loin du roman traditionnel couronné d’ordinaire par cette académie. A moins, bien sûr, que je sois passé à côté de quelque chose ! J’ai en tout cas apprécié, comme toujours, le style, la fluidité et la précision de la phrase et la pertinence des remarques.

  • La dentellière

    N°1880 – Mai 2024.

     

    La dentellière – Pascal Lainé – Gallimard.

    Prix Goncourt 1974.

    Je rouvre ce livre, lu et apprécié à sa sortie, il y a bien longtemps parce qu’il y a quelque chose qui me rappelle des bribes de mon existence personnelle, des bribes seulement. Je ne me souviens plus qu’elle a été ma réaction à ce moment-là mais j’ai relu ce roman sans désemparer, comme une redécouverte et cette histoire qui aurait pu être un peu mièvre m’a à nouveau passionné.

    La première partie, la plus longue, raconte l’histoire de Pomme, une oie banche, pour qui la vie n’avait pas été généreuse et qui s’attendait à ce que cela ne change pas jusqu’à la fin. Elle rencontre, un peu par hasard Aimery, un étudiant probablement plein d’avenir mais noblaillon ruiné avec qui elle se met en ménage. Comme toutes les jeunes filles, elle cherche un mari pour fonder une famille, mais qu’espère-t-elle vraiment ? Entrer dans cette lignée où d’évidence elle n’a pas sa place et ainsi sortir de sa condition de modeste salariée et de sa pauvreté, l’aime-t-elle vraiment au point de reconstituer auprès de lui le rôle traditionnel de l’épouse, dévouée, fidèle, économe, efficace au point qu’il voit en elle cette « dentellière » dont il rêvait peut-être et qui lui fait l’offrande de sa virginité. Joue-t-elle plus ou moins consciemment ce jeu sans perdre de vue cet objectif de s’unir à lui pour la vie ? On imagine très bien la mère de ce garçon faisant la morale à son fils et lui rappelant ses origines, dénonçant une éventuelle mésalliance insupportable, le rejet de la tradition dans une famille traditionnelle, bien pensante et catholique. Avec Pomme, il fait l’amour, profitant certes de la beauté de cette jeune fille un peu naïve, lui qui n’a pas dû avoir beaucoup de succès auparavant, mais ils font de plus en plus vieux couple et le silence s’installe entre eux, l’inverse d’une passion amoureuse ! Même si elle avait ce qu’il fallait pour obtenir ce qu’elle voulait, elle accepte sans broncher la rupture qu’Aimery lui impose parce qu’ils ne sont pas du même monde et la vie reprend son cours pour chacun. Ils auraient se tromper mutuellement, elle aurait pu tomber enceinte et le mettre devant ses responsabilités mais rien de tout cela et le garçon peut poursuivre ses études et fantasmer sur son avenir. Il tourne simplement cette page de sa vie comme on clôt une passade. Sa réaction à elle est bien différente. Elle traînera sa peine comme un échec pendant longtemps se laissant peu à peu gagner par la folie. Un épilogue bouleversant où les impressions ordinaires qu’on peut avoir après avoir lu cette histoire bien banale prend ainsi une dimension plus tragique.

    La deuxième partie de ce roman, d’ailleurs beaucoup plus courte, donne à ce récit une dimension différente puisque la rédaction passe à la première personne. Ce n’est peut-être qu’une histoire racontée mais ce changement dans la rédaction me donne à penser qu’il pourrait peut-être cacher une dimension autobiographique, une manière de se débarrasser d’une honte, d’une culpabilité et ainsi donner à l’écriture une dimension exorciste. J’ai beaucoup réfléchi, à titre personnel, sur cette fonction qu’on prête à l’écriture, comme si poser des mots sur d’éventuels maux pouvait suffire à les guérir. Je n’en suis plus très sûr aujourd’hui et le remords me paraît devoir survivre au baume supposé des mots. Le film qui s’en inspire a consacré la frêle silhouette d’Isabelle Huppert  d’ailleurs primée au Festival de Cannes 1977 qui incarne parfaitement Pomme.

    J’ai apprécié cette relecture parce que le style de Pascal Lainé est fluide et agréable à lire. J’observe d’ailleurs qu’il est quelque peu différent dans sa composition, plus classique, plus suave de celui qu’on rencontre sous la plume des auteurs d’aujourd’hui. C’est là une simple constatation et l’écriture doit elle aussi évoluer, être en phase avec son temps. Il change et elle en est le miroir. Cinquante ans (déjà) sont passés depuis ce prix prestigieux et la façon d’écrire était différente.

  • Les larmes

    N°1879 – Mai 2024.

     

    Les larmes – Pascal Quignard – Grasset.

    La lecture d’un ouvrage de Mathias Énard sur le langage (« J’y mets ma langue à couper » chez Bayard) a attiré mon attention et mon intérêt pour ce roman de Pascal Quignard.

    Notre langue française, celle qui nous sert à nous exprimer chaque jour, a une date de naissance officielle. Elle est liée à un évènement historique. En 842, par une matinée d’hiver, entre l’Ill et le Rhin, Charles de Chauve et Louis le Germanique, c’est à dire les fils de Louis le Pieu et donc les petits-fils de Charlemagne, signent une alliance contre leur frère Lothaire 1°qui revendiquait des territoires. Pour être bien compris des troupes de Charles, Louis prête serment en langue romane et Charles fait de même en langue germanique. Ce sont « les serments de Strasbourg » et donc la naissance de la langue française. L’empire franc fut donc partagé en trois, ce qui fut l’esquisse de l’Europe, déjà menacée par les Arabes venus du sud et les Normands du nord. Berthe, une des filles de Charlemagne donna naissance à des jumeaux au caractère bien différent, Hartnid, soldat et homme politique, voyageur, séducteur, et Nithard, chroniqueur, historien et abbé de Saint-Riquier, transcripteur des serments de Strasbourg en trois langues y compris le latin, ce qui fait de ce document une véritable pierre de Rosette de l’Europe. Pascal Quignard fait revivre ces deux personnages historiques passés au second plan de l’Histoire. Il le fait non seulement avec des précisions historiques et une grande érudition mais aussi poétiquement, ce qui est un hommage à notre langue et procure un réel plaisir au lecteur. Il procède d’une manière originale pour énoncer cette histoire. Par petits chapitres, il déroule un conte, un poème, une légende ou un fait historique et nous entraîne, grâce à son écriture à la fois fluide, musicale, émouvante et parfois sensuelle, dans ce contexte historique où les animaux se mêlent aux hommes, le quotidien au merveilleux, le profane au religieux, les terres à la mer. Le titre qui peut paraître étrange à première vue est un symbole, décliné plusieurs fois par les personnages et habillés différemment mais évoquant toujours l’eau, la douleur. et la mort. Et puis « Écrire… c’est noter le mal » nous dit Pascal Quignard.

    Dans son ouvrage Mathias Énard, talentueux sculpteur de notre belle langue française, a qualifié ce roman de « magnifique ». J’ai eu raison de lui faire confiance.

  • J'y mets ma langue à couper

    N°1877– Mai 2024.

     

    J’y mets ma langue à couper – Mathias Énard – Bayard (Petite conférence).

     

    Qui mieux que Mathias Énard, universitaire, traducteur, érudit, polyglotte, prix Goncourt 2015, pour parler du langage, c’est à dire du moyen par lequel, depuis la nuit des temps les hommes communiquent entre eux. Reprenant une idée originale d’avant la deuxième guerre d’émissions radiophoniques destinées à la jeunesse, Gilberte TsaÏ, directrice artistique et metteuse en scène qui assura la direction du « Théâtre public de Montreuil », organisa de « petites conférences » destinées aux enfants, c’est à dire dans un esprit différent des traditionnels colloques. C’est dans ce cadre qu’est intervenu Mathias Énard en 2019 à Sierk-les-Bains, à bord d’une péniche.

    Au prétexte d’une petite déformation humoristique d’une expression populaire (en mettre sa main à couper qui signifie une affirmation sans l’ombre d’un doute, péremptoire ) notre auteur choisit de disserter sur la langue qui est le ciment politique d’une nation, l’appartenance de ses membres à un groupe, à un pays, à une culture, à des valeurs et sur les problèmes que cela pose. C’est aussi un élément de compréhension entre des peuples différents qui commercent entre eux ou se combattent mais c’est aussi, pour un petit groupe, une façon de se protéger d’autrui pour ne pas en être compris. Mathias Énard, en bon pédagogue linguiste, refait l’histoire de la langue, probablement unique à l’époque de la Bible, évoque le mythe de la « Tour de Babel », de la volonté humaine d’unité et de la sanction divine qui brouilla les langues et dispersa les peuples qui ne se comprenaient plus. Il se penche notamment sur la naissance de sa langue maternelle, le français, ses origines, les apports extérieurs, ses évolutions, ses adaptations, la volonté politique, au cours des siècles, d’étouffer les langues régionales minoritaires, revient sur des idées reçues. La nécessaire survie d’une langue suppose son enseignement et sa pratique face à la volonté de créer une langue unique comme l’espéranto ou le volapük , pour ne rien dire des langues de fiction qui n’échappent évidemment pas aux enfants, parce que ne pas parler la langue d’autrui, nonobstant la traduction, est une malédiction.

    Cette conférence a été close par une série de questions-réponses et, évidemment, les enfants se sont intéressés à la façon de s’exprimer chez les animaux. Mathias Énard n‘a rien esquivé, sans pour autant « donner sa langue un chat » (encore que) en s’interrogeant sur l’origine de la langue humaine et à quel moment l’homme en tant qu’animal commence à développer son langage. Cette réflexion sur la vie et la mort des langues est un peu technique mais passionnante. Suivre notre auteur quand il parle de son rapport à écriture est aussi plein d’enseignement et d’intérêt. L’article de Sylvie Lisiecki paru dans le n° 84 de janvier – mars 2019 de « Chronique » (BNF) est éclairant à ce titre.

  • Tout sera oublié

    N°1878 – Mai 2024.

     

    Tout sera oublié – Mathias Énard – Pierre Marquès - Acte Sud BD.

     

    Sarajevo, Bosnie-Herzégovine, la ville, héritière des empires ottoman et austro-hongrois, est évidemment liée à la Grande guerre mais de 1992 à 1996, elle a été assiégée et Croates, Bosniaques et Serbes s’y sont entre-déchirés. Cette histoire met en scène, vingt ans après, un narrateur, venu ici pour concevoir un monument à la mémoire de cette période douloureuse, censé symboliser la réconciliation. Il imagine cette mission qu’il juge impossible à travers les yeux de Marina, une jeune architecte et Igor un écrivain local et se demande à travers les ruines, les mines qui restent et les traces de cette guerre, comment c’était « avant » et « pendant ». C’était un peu comme les camps nazis, le vide. C’est aussi là son sujet, la conservation de la mémoire collective malgré les traces qui peu à peu s’effacent parce que l’amnésie est le propre de la nature humaine et quelques vestiges de peinture sur les murs, quelques dessins, même ceux de Pierre Marquès, n’y feront rien. Il en va des évènements comme des gens, le temps qui passe gomme tout et l’oubli prévaut toujours.

  • Boire à Niort

    N°1876– Mai 2024.

     

    Boire à Niort – Mathias Enard – Skki -Winterlog Galerie.

     

    Qu’on se rassure, ce petit livre n’est pas un catalogue des débits de boissons niortais, non plus d’ailleurs qu’une invitation à consommer des boissons alcooliques, même si cette ville a, entre autres spécialités, la liqueur d’angélique. C’est une déambulation dans la cité de Niort que Houellebecq a cru bon de stigmatiser dans un de ses derniers romans en l’évoquant comme une ville triste, ce qu’elle n’est évidemment pas. Le lecteur la découvre à travers douze quatrains en alexandrins, accompagnés, calligraphiés et illustrés de photos de Niort et d’ailleurs, de l’artiste Skki. Cela a donné une exposition urbaine qui a eu lieu de mai 2021 à février 2022, qui a été présentée au Palais de Tokyo à Paris en juin 2023 et qui est publiée ici au fil des pages.

    Enard, grand voyageur, romancier consacré, connaisseur du Moyen-Orient et observateur du quotidien s’est arrêté ici, simplement parce qu’il y est né et qu’il y a passé sa jeunesse. Il promène son lecteur dans les rues et c’est pour lui l’occasion d’évoquer l’angélique, cette plante qui protégeait, dit-on, jadis de la peste, mais aussi le quai de la Regratterie, havre de calme dans l’agitation de la ville, les frondaisons apaisantes du Marais Poitevin tout proche, la chamoiserie qui en fit si longtemps la richesse… Il évoque les grands noms qui honorèrent cette ville, industriels, cinéaste, hommes des Lettres et des Arts et son prix Goncourt en 2015 le place évidemment parmi eux !

    Sa pérégrination lui fait croiser le regard de jolies passantes dont les yeux, la silhouette l’émeuvent et la beauté lui inspirent quelques mots joliment tressés qui accompagnent des moments d’histoire locale et des images urbaines, entre photos de smartphones et port du masque à cause de la pandémie. Alors boire un verre, surtout avec les copains, au bord de la Sèvre pourquoi pas, puisque François Rabelais qui fut moine à l’abbaye de Maillezais toute proche a bien dû passer par Niort et y laisser son empreinte. Souvenirs d’enfance, nostalgies des amours oubliées, regrets de la fugacité du temps, beauté des femmes… le lecteur découvre la belle plume d’un poète attachant, inattendu peut-être, mais qui aime à arpenter sa ville, l’œil et l’esprit en éveil, fixer l’instant et y mettre des mots.

  • La ragazza di Hopper

    N°1875– Mai 2024.

     

    La ragazza di Hopper - Fabio Bussotti – Mincione Edizioni.

     

    Un giallo classico. Nel settembre 2020 in una camera di un albergo di Roma, una bella et giovane cameriera rumena, Nora Rednic, è stata strangolata. I poliziotti l’hanno trovata semi nuda. Gli altri dipendenti non la conoscevano bene tranne Marisól, un altra cameriera peruviana. Lei riferisce ai poliziotti che Nora, benché sia una semplice impiegata, era colta, parlava molte lingue e leggeva molti libri ma non era felice . Suo marito, un monumentale muratore rumeno, la picchiava. Nora le confidava che iI suo matrimonio e stato un errore. Era triste e depressiva. Il commissario Bertone e la sua squadra sono incaricati del caso. Hanno trovato una lettera d’amore anonima, scritta in italiano e in spagnolo. L’inchiesta si presentava molto complicata con un marito violento, instabile e ladro , una duchessa vecchia e ricca,un strano cuoco peruvianno, un arresto violento del marito di Nora . Una multitudine di personnagi che fanno un po’smarirsi il lettore. Tutto questo durante la pandemia di Covid e le difficoltà del commissario Bertone con l’alcol. L’ispettore Pizzo, un collaboratore di Bertone, in vacanza con sua moglie a Madrid, ha visitato il museo Thyssen-Bornemisza dove c’é il quadro,« Room Hotel », di Edward Hopper,un pittore américano molto connosciuto, morto nel 1983. Il quadro gli ricordava l’arredo della camera dell’ hotel di Roma, con la morta sul letto. Il commissario racconta il crimine a Mafalda Moraes, la sua torrida amante, direttrice del Withney Museum a New York e critica d’arte, di cui aveva l’impressione di essere in un dipinto di Hopper. .A partire da quella impressione, Mafalda si ricorda che Hopper aveva rilasciato un’ intervista a un giornalista irlandese, negli anni 60, il quale, parlando con Jo, la moglie di Hopper, gli aveva appreso come suo marito dipingeva . Per esempio lui aveva dipinto una ragazza, seduta in un cinema di notte a Brodway. Lui et Jo, giocando, l’avevano chiamata Nora é avevano deciso che era una cameriera colta che faceca il turno di notte in un hotel di Manhattan. Poco dopo, Hopper aveva letto in un ritaglio di un giornale che una cameriera era stata trovata stragolata, di notte, a l’ultimo piano di un un hotel di Manhattan. Il cadavere era stato scoperto da una cameriera che aveva dichiarato che la sua collega, trovata morta, il cui marito era un ex pugile, era una donna stupenda, colta, che leggeva molti libri e aveva l’abitudine di vedere film a Brodway. Quella ragazza se chiamava Nora. Una coincidenza straordinaria ! Hopper dipingeva un altro quadro rappresente una stanza vuota con un raggio di sole, ma senza ragazza perché morta. Jo diceva che suo marito non poteva dipingere un personnagio senza conocerne la vita, le speranze, la storia, o immaginarla… Hopper è il pittore della solitudine rapresentata attraverso le donne.

    I quadi di Edward Hopper mi piacciono molto e li ho rivisti con piacere. Ritrovarsi in uno dei sui quadri dev’ essere una sensazione eccezionale.

     

    La Jeune fille de Hopper – Fabio Bussoti- Mincione Edizioni.

     

    Un roman policier classique .

    En septembre 2020, dans une chambre d’hôtel de Rome, une belle et jeune femme de chambre roumaine, Nora Rednic,a été étranglée. Les policiers l’ont trouvée à demi-nue. Les autres employés ne la connaissaient pas bien, à l’exception de Marsól, une autre femme de chambre péruvienne qui déclare aux policiers que, bien que Nora soit une simple, elle était cultivée, parlait plusieurs langues, lisait beaucoup de livres mais n’était pas heureuse. Son mari, un impressionnant maçon roumain, la battait. Nora lui confiait que son mariage a été un erreur. Elle était triste et dépressive.

    Le commissaire Bertone et son équipe sont chargés de cette affaire. Ils sont trouvé une lettre d’amour anonyme, écrite en italien et en espagnol. L’enquête se présentait comme très compliquée avec un mari violent instable et voleur, une duchesse vieille et riche, un étrange cuisinier péruvien, une arrestation violente du mari de Nora. Une multitude de personnages qui égarent un peu le lecteur, le tout pendant la pandémie de Covid et les problèmes d’alcool du commissaire.

    L’inspecteur Pizzo, un collaborateur de Bertone, en vacance avec sa femme à Madrid a visité le musée Thyssen-Bornemisza où il y a un tableau baptisé « Room Hotel », de Edward Hopper, un peintre américain très connu , mort en 1983 . Le tableau lui rappelle l’ameublement de la chambre de l’hôtel à Rome, avec la morte sur le lit. Le commissaire raconte le crime à Mafalda Moraes, son amante torride qui est aussi directrice du Withney Museum à New York et également critique d’art laquelle a l’impression d’être dans un tableau de Hopper. A partir de cette impression, Mafalda se souvient que Hopper avait accordé une interview à un journaliste irlandais, dans les années 60, lequel, parlant avec Jo, l’épouse de Hopper lui avait appris comment son mari peignait. Par exemple, il avait peint une jeune femme, assise dans un cinéma, la nuit à Brodway. Lui et Jo, par jeu, l’avaient appelée Nora et avaient décidé qu’elle était une femme de chambre cultivée qui travaillait dans une équipe la nuit dans un hôtel de Manhattan. Un peu plus tard, Hopper avait lu dans un entrefilet de journal qu’une femme de chambre avait été trouvée étranglée,la nuit, au dernier étage d’un hôtel de Manhattan. Le cadavre avait été découvert par une femme de chambre qui avait déclaré que sa collègue trouvée morte et dont le mari était un ex-boxeur, était une femme extraordinaire, qui lisait beaucoup et avait l’habitude d’aller voir des films à Brodway. Cette jeune fille s’appelait Nora. Une coïncidence extraordinaire !

    Hopper peignit un autre tableau représentant une chambre vide avec un rayon de soleil mais la jeune fille parce qu’elle était morte. Jo disait que son mari ne pouvait pas peindre un personnage sans en connaître la vie, les espoirs , l’histoire, ou l’imaginer… Hopper est le peintre de la solitude représentée par les femmes.

    Les tableaux de Hopper me plaisent beaucoup et je les ai ai revus avec plaisir. Se retrouver dans un de ses tableaux doit être une sensation exceptionnelle.

     

     

  • La panthère des neiges

    N°1874– Mai 2024.

     

    La panthère des neiges – Sylvain Tesson – Vincent Munier – Gallimard.

     

    Sylvain Tesson est vraiment l’homme de tous les défis, surtout quand il y a y a un voyage en jeu. Ainsi quand le photographe animalier Vincent Munier lui a proposé de l’accompagner au Tibet à la poursuite de la panthère des neiges, sa réponse ne pouvait être que positive et enthousiaste puisque cette quête supposait aussi une qualité supplémentaire ; la patience. Avec Marie, cinéaste animalière, compagne de Vincent et Léo, doctorant en philosophie et aide-photographe, ils formèrent cette « bande des quatre » qui allaient arpenter la Chine.

    Ils escaladèrent donc jusqu’à 5 200 mètres, aux sources du Mékong et après avoir croisé des ânes sauvages, des chèvres bleues, des yacks, des aigles, leur patience a été récompensée par des « apparitions » de cette panthère des neiges qui les observait sans crainte et même avec une certaine tolérance, comme des voyageurs curieux, avec qui elle partageait temporairement son territoire et un moment de sa vie sauvage.

    Pour Tesson, cette solitude et ce froid évoquent cette fille « tiède et blanche qui vivait dans la forêt des Landes ». Elle, son seul amour, était retournée à sa vie sauvage, sans lui, et la regrettait . Ce voyage vers la nature avait quelque chose de symbolique. Il associe aussi cette période de sa vie à l’enterrement de sa mère où les sentiments et les certitudes exprimés, comme à chaque fois devant un cercueil, ne durent qu’un moment devant la vie qui reprend ses droits. Dans l’image de la panthère, distante et insaisissable il revoyait les traits de sa mère qui avait tout sa vie cultivé l’art de disparaître et le goût du silence . Ce fut pour lui une consolation.

    L’affût, l’attente silencieuse et glacée de cette bête mythique favorisent la réflexion de Tesson sur le monde qui l’entoure et sur l’humanité. Il y jette un œil désespéré, constatant que ce monde va à grands pas vers sa perte dans l’indifférence générale. Cela fait naître sous sa plume une bonne dose d’aphorismes quelque peu désabusés. Lors de ce séjour glacé il retrouve cette nature et nous la fait partager. C’est aussi, un peu comme toujours, un retour sur lui-même.

     

    J’ai retrouvé avec plaisir la belle écriture, poétique et érudite de Tesson qui illustre les sublimes photographies de Vincent Munier où l’œil peine à distinguer la présence de l’animale tant son pelage se confond avec les rochers.